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Le travail peut-il être source de joie et de bonheur ? (Pistes de réflexion)

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« N'est-il pas un signe nous avertissant que notre destination suprême est atteinte, que l'épanouissement suprême est réalisé, que la vie la plus profonde a gagné ? Nous savons que ce signe est la joie, cet état de satisfaction retentissant dans tout le champ de la conscience.

Or, l'homme véritablement créateur travaille, en définitive, pour la joie.

Loin d'être subordonné au profit, son travail est finalisé par cette dernière.

Le gain de tous les gains, n'est-ce pas, en définitive, la joie ? Que signifie le travail, sinon l'acte orienté en vue de la joie ? Et, en effet, interrompre le cours entropique des choses, travailler pour créer du neuf, pour faire surgir du nouveau dans ce tissu de la vie qui chaque jour se défait, chaque jour annonçant le délabrement inéluctable du réel, qu'est-ce donc sinon travailler pour la joie, pour le sentiment de puissance ? Travailler en vue du gain peut être torture, mais oeuvrer pour la création est joie.

« Il est des natures [...] qui aiment mieux périr que travailler sans joie [...] De cette espèce d'hommes rares font partie les artistes et les contemplatifs de toute espèce [...] T ous ceux-là cherchent le travail et la peine lorsqu'ils sont mêlés de plaisir.

» (Nietzsche, le Gai Savoir) A la limite, le vrai travail exalte le sentiment de puissance et la joie le finalise.

Il n'a pas seulement pour objet et pour fin de satisfaire les besoins fondamentaux de l'homme grâce à l'argent, mais de nous faire parvenir à un état de perfection et de plénitude. A insi, pour sauver la vie et accéder à la joie, l'homme travaille.

P our défier la mort et le temps, il oeuvre et crée.

Quant au gain, il est certes légitime, mais ne constitue qu'une donnée très partielle du problème. A dam chassé de l'état innocent et bienheureux du Jardin d'Eden est condamné par Dieu à se procurer son pain « à la sueur de son front ».

Par ailleurs, l'origine latine du terme « travail » évoque un instrument de torture. Mais opposer le travail au bonheur, cela reviendrait à ne trouver aucun bien-être durable dans la transformation de la Nature, et de soi-même.

L'homme, pour être heureux, doit-il se réduire à l'inaction et à la satisfaction de ses désirs immédiats ? Les enjeux de la question relèvent tant de l'éthique que du politique : quelles sont les conditions pour que le travail devienne non plus une nécessité, mais aussi un acte d'épanouissement ? comment penser une communauté viable sans travail ? LA POURSUITE DU BONHEUR EXCLUT LE TRAVAIL DES CONDITIONS DE LA VIE - H.

A rendt souligne dans La Condition de l'Homme Moderne que le mode de vie considéré comme le plus élevé sous l'A ntiquité consistait en la contemplation des belles choses, en la poursuite des belles actions.

Seuls les esclaves, englués dans la vita activa, travaillaient, s'occupant de répondre aux besoins de leurs M aîtres. ð Il faut opposer travail et bonheur si l'on considère que le travail est un obstacle à une vie consacrée à la recherche du beau, à la contemplation. - L'organisation moderne du travail procure de nouveaux arguments : comme le souligne Marx, l'ouvrier est exploité par les bourgeois capitalistes qui ne le considèrent aucunement comme individu mais comme simple force de travail.

C 'est le profit et non l'individu qui prime.

De ce fait, le travail est opposé au bonheur, le travailleur aliéné coupé de l'objet de ses efforts : le travail est un simple moyen de survivre. LE BONHEUR DANS LA TRANSFORMATION DE SOI ET DE SON ENVIRONNEMENT - Mais ce que critique Marx dans la société de son temps, ce n'est pas le travail lui-même mais la manière dont il est organisé.

C ar le travail humanise tant celui qui l'accomplit, par le développement de ses capacités physiques et spirituelles que l'environnement qu'il modifie.

A insi, M arx met en avant que la partition du travail, si elle est respectée et accomplit par un seul et même homme, mène à son épanouissement.

Projet, recherche de moyens, volonté effective, habileté et savoir faire : l'homme peut atteindre le bonheur par le travail. - De plus, le travail n'abaisse pas l'homme à répondre à ses besoins primaires, il le libère de la dépendance d'autrui.

Hegel souligne par la dialectique du maître et de l'esclave que ce dernier n'a besoin de nul autre pour survivre, alors que le premier est prisonnier du regard et de l'action de l'A utre.

T ravailler, ce n'est pas uniquement être autonome économiquement, mais aussi éprouver une liberté de choix : c'est cesser d'être sujet. C 'est de plus, au contact de la matière, éprouver son humanité.

L'oisiveté ne peut être synonyme de bonheur, puisqu'elle est synonyme de dépendance. - Enfin, Platon le met en lumière dans La République, chacun se doit de travailler selon ses aptitudes pour répondre tant à ses propres aspirations qu'à celles de la C ité.

C ette dernière, à l'image d'une âme bien gouvernée, doit s'appuyer sur les talents de ses membres pour prospérer.

Travailler, c'est également échanger avec A utrui : tant économiquement que langagièrement ou affectivement.

Dès lors, il est non seulement possible de se passer des rapports de soumission, mais également d'éprouver l'autre dans sa manière de développer son humanité au service d'un tout.

P erdre son travail, ce n'est pas uniquement perdre son moyen de subsistance, mais également une certaine reconnaissance.

Bonheur et travail apparaissent ainsi intimement liés. CONDITIONS DE POSSIBILITÉS D'UN « TRAVAIL HEUREUX » - A définir le bonheur comme adéquation entre volonté et acte, il ne faut pas opposer le bonheur au travail si ce dernier contribue à l'élévation de la volonté de puissance.

Expliquons nous : le travail aliéné contribue à enferrer l'homme dans le troupeau.

Mais le travail dans lequel il est possible de trouver une voie pour s'affirmer contribue à former un homme plus fort, comme le souligne Nietzsche dans Le Gai Savoir : « Tous cherchent le travail et la peine lorsqu'ils sont mêlés de plaisir, et le travail le plus difficile et le plus dur, s'il le faut ».

C ette description du comportement des « artistes et des contemplatifs » n'est qu'un versant possible.

C ar dans le cas contraire d'un travail pour le travail, d'un travail pour le gain, ils se laisseront aller à l'oisiveté.

A lors seulement il faudrait opposer bonheur et travail. - Par ailleurs, le travail est également présent dans la plupart des loisirs.

Il n'est guère de pratique qui ne nécessite pas un effort intellectuel, manuel.

Le bonheur, ce n'est pas uniquement le divertissement, l'étourdissement, mais s'adonner à des activités de réflexion, de contemplation.

C e travail n'assure pas la subsistance mais la dignité spirituelle, aussi est-il synonyme de bonheur au sens d'affirmation de son humanité. Il apparaît au terme de cette analyse que dans la mesure où la vita contemplativa ne constitue plus, à l'heure actuelle, le mode de vie le plus estimé, il ne faut pas opposer bonheur et travail.

A u contraire peut-on déceler dans ce dernier des conditions de possibilité d'accès au bonheur, au sens de l'affirmation de son individualité, de son humanité.

O pposer le bonheur au travail serait synonyme d'une refonte des conditions de travail, ou d'une réinvention du loisir, qui ne soit plus simplement étourdissement dans un pseudo bonheur consommateur.

L'oisiveté, au sens où elle ne fait que laisser l'homme s'engluer dans la torpeur du troupeau, ne peut être synonyme de bonheur au sens actif du terme.. »

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