Le travail est-il le lien le plus étroit entre l'homme et la réalité ?
Extrait du document
«
Par le travail l'homme agit, il transforme la nature dans un sens utile c'est à dire en vue de ses besoins.
C'est en ce
sens que le travail peut semble être ce qui constitue un lien étroit entre l'homme et la réalité.
D'autre part, nous
pouvons aussi remarquer que le travail implique tout un ensemble des relations sociales et qu'il participe d'un
processus de socialisation.
Pensez par exemple ici à l'exclusion qu'implique l'absence de travail.
Il est donc indéniable
que le travail constitue un lien entre l'homme et la réalité.
Toutefois, il s'agirait de se demander si ce lien est le plus
essentiel.
Pour cela, il faut déterminer ce qu'on entend par réalité.
Surtout, cela n'implique pas de faire une partie
de votre devoir sur la notion de réalité, mais de saisir que c'est en fonction du sens que vous donnerez à ce terme
que vous pourrez faire évoluer votre réflexion.
Si par réalité, on entend la réalité sociale, il semble possible de
montrer l'importance du lien généré par le travail.
Quand on demandait à Freud quel était le but de la cure
analytique, il répondait : " Aimer et travailler ", soulignant ici l'importance d'un équilibre aussi bien social qu'individuel.
Cette remarque peut nous conduire à penser que la réalité ne se limite pas à sa dimension sociale, le rapport
individuel à l'autre peut aussi constituer un lien fondamental à la réalité.
[Le travail plonge l'individu dans le monde réel.
Par le travail, l'homme transforme la réalité et acquiert sa
liberté]
Travail, réalité et nature On peut d'abord comprendre le travail comme un certain débat avec la nature : si nous devons travailler c'est
que la nature ne produit pas par elle seule et spontanément de quoi répondre à l'ensemble de nos besoins : le
travail doit de ce point de vue être compris au sein de la sphère des besoins, ou ce que Hegel appelait, dans
les « Principes de la philosophie du droit », le « système des besoins ».
Le travail consiste toujours en effet de près ou de loin dans une transformation ou une assimilation de la
nature ; On en veut pour preuve la façon dont on a pris l'habitude de classer les différents types de travaux
dans une économie donnée : le secteur de travail sera « primaire », « secondaire » ou « tertiaire » selon le
caractère graduellement indirect du débat avec la nature.
Certes la simple cueillette représente un débat plus
direct, plus immédiat et moins riche avec la nature que celui qui est en jeu dans une raffinerie de pétrole, mais
il n'y a entre ces deux activités qu'une différence de degré ; à chaque fois, le travail peut être défini comme
une médiation avec la nature, médiation dont la cueillette nous donne un quasi degré zéro, et dont la
raffinerie de pétrole représente un degré beaucoup plus élevé.
C'est d'ailleurs bien comme une médiation que
Hegel comprend et définit le travail : « la médiation qui prépare et
obtient pour le besoin particularisé un moyen également particularisé,
c'est le travail .
» ($196).
Comment comprendre cette médiation ? Ce terme se comprend d'abord
comme le contraire de l'immédiateté.
Le travail est une relation à la
nature qui n'a jamais rien d'immédiat, parce qu'elle est consciente de la
nécessité qui l'oriente, cad du besoin à satisfaire.
C'est sans doute ce
qui nous torture dans le travail : le travail est pénible parce qu'il n'est
pas nimbé dans l'inconscience aveugle, spontanée et heureuse de
l'instinct, parce que finalement il n'est jamais assez immédiat.
Mais la
portée de cette médiation est bien supérieure, spécialement dans le
contexte de la pensée hégélienne.
Dans ce dialogue avec la nature, dialogue d'autant plus difficile que la
nature est perçue comme avare et peu prodigue, l'homme n'est pas
voué à avoir indéfiniment le dessous Le travail traduit certes dans un
premier temps une certaine soumission du sujet à la puissance de la
nature supérieure.
Mais ce statut ne dure pas : en se soumettant à la
nature, l'homme trouve le moyen, en en comprenant les lois, de faire
travailler la nature pour lui : c'est le stade de la ruse.
« Là, l'instinct se
retire tout entier du travail.
Il laisse la nature s'échiner à sa place,
regarde tranquillement et ne dirige le tout qu'avec un effort minime : c'est la ruse.
», explique Hegel.
C grâce
à quoi l'homme prend le dessus, c'est l'outil.
Si le travail est une médiation, c'est bien parce qu'il admet un
intermédiaire (l'outil), et que cet intermédiaire résout la tension du dialogue avec la nature en la soumettant,
en inversant la relation.
Cette médiation signifie donc aussi qu'il existe entre les notions de travail et de
technique un lien décisif.
Elle signifie surtout que quelque chose dans cette relation à la nature qui cause le travail, doit aussi pouvoir
être l'occasion pour l'homme de se constituer une certaine indépendance vis-à-vis d'elle.
Aussi, si le travail
humain naît d'une relation à la nature, il ne reste pas soumis à cette dimension.
Par la ruse technique la
conscience échappe à la réification qui la guettait, et conquiert par là sa liberté.
Le travail apparaît bien ici
comme conquête de l'autonomie par la médiation de la technique et de l'outil : il est le lieu d'une médiation par
laquelle l'homme se soumet pour être libre.
Le travail ne se contente donc pas de satisfaire mon besoin, il me
libère du domaine du besoin.
C'est ce qui fait qu'on peut dire que le travail ne s'entend pas seulement du
travailleur sur la nature, mais aussi du travailleur sur le travailleur : en d'autres termes, il y a un « choc en.
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