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Le souvenir est-il une réapparition ou une reconstruction mentale du passé ?

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« Le souvenir est-il une réapparition ou une reconstruction mentale du passé ? INTRODUCTION.

— Le langage, dans lequel l'humanité consigne inconsciemment ses expériences, nous avertit que le fonctionnement de la mémoire n'est pas toujours identique.

Nous disons ordinairement : je me souviens.

Mais parfois aussi nous recourons à la tournure impersonnelle : il me souvient.

Dans le premier cas nous considérons le souvenir comme notre oeuvre.

Dans le second, nous laissons entendre qu'il nous arrive tout fait.

11 y aurait donc deux sortes de souvenirs dont les uns seraient une réapparition du passé, tandis que les autres le reconstruiraient. Pouvons-nous admettre cette dualité et si nous ne l'admettons pas comment devrons-nous concevoir le souvenir : comme la réapparition du passé ou comme sa reconstruction ? Le problème est moins simple qu'il pourrait paraître car le mot « souvenir » est amphibologique.

On lui donne habituellement un sens concret entendant par là les choses mêmes dont on se souvient : c'est ainsi qu'on dit qu'un grand voyageur est riche de souvenirs.

Mais on peut aussi entendre par là, donnant au mot une signification abstraite, le retour à la conscience de représentations conservées par la mémoire.

Nous nous trouvons ainsi en face de deux questions qu'il nous sera facile de différencier en utilisant dans l'une d'elles le verbe « souvenir » : Qu'est-ce que se souvenir et comment le passé revient-il à la conscience : par réapparition ou par reconstruction ? Qu'est-ce que le souvenir, c'est-à-dire, quelle est la nature du contenu de la conscience qu'on appelle souvenir : une réapparition du passé lui-même ou une reconstruction dans le présent d'un spectacle évanoui ? I.

— QU'EST-CE QUE SE SOUVENIR ? Le verbe « souvenir » dérive du latin subvenire, venir en dessous, et marque ainsi le mouvement de la représentation mémorielle faisant son apparition dans le champ de la conscience.

Mais comment se fait cette venue ? A.

Il est une distinction classique fondée sur l'observation la plus universelle, celle du rappel spontané et celle du rappel réfléchi ou volontaire : dans le premier cas, le souvenir revient sans nous, sinon malgré nous; dans le second cas, c'est nous qui, à l'aide de quelques éléments du passé dont nous disposons, le reconstituons péniblement.

Ainsi la psychologie semble bien l'admettre, dans le rappel des souvenirs, la dualité réapparition-reconstruction. B.

Un examen plus attentif des faits nous montrera peut-être que cette distinction, commode pour une classification sommaire des faits, ne correspond pas exactement au réel. a) Et d'abord on peut se demander s'il y a de véritables rappels spontanés de souvenirs.

En effet, est spontané ce qui se produit de lui-même.

Or, il ne semble pas que ce soit le cas ordinaire du véritable souvenir. Parfois, sans doute, des images du passé traversent notre esprit sans que nous les ayons voulues et même sans que rien semble les amener : visions confuses le plus souvent, parfois aussi vives et nettes, mais toujours flottant, comme des nuages que rien n'attache, dans une région indécise et indéterminée.

Si bien que, pour accéder au niveau du souvenir véritable, ces vagues représentations devront être, sinon proprement reconstruites, du moins élaborées par l'esprit. D'ailleurs, ce ne sont là que des cas exceptionnels et on peut même se demander si cette exception n'est pas simplement apparente, n'étant due qu'à notre ignorance.

Nous constatons, en effet, que la plupart des souvenirs dits spontanés s'insèrent dans une chaîne d'associations : ceux qui semblent reparaître spontanément au sens rigoureux du mot ne sont-ils pas évoqués par un terme inducteur dont nous n'avons pas conscience ? Ensuite, qu'il semble apparaître de lui-même ou que nous l'apercevions inséré dans une chaîne d'images, le souvenir ne se présente pas comme un livre achevé d'imprimer ou comme une image fixe projetée tout d'un coup sur l'écran : il se précise et se complète peu à peu à l'aide d'éléments nouveaux évoqués par la donnée première. Bref, le souvenir n'arrive guère et peut-être n'arrive jamais tout seul et tout construit; il est appelé par un état psychologique qui le précède et nous assistons au travail de construction qui l'achève.

A moins de nous en tenir à des cas tout à fait élémentaires, le souvenir spontané lui-même est une reconstruction. b) II est vrai que, à proprement parler, ce n'est pas nous qui le construisons : il se construit sans nous, c'est-à-dire sans que nous le voulions, et par là il semble se différencier du souvenir réfléchi ou volontaire.

Mais la différence est plus apparente que réelle, car dans le rappel volontaire, tout l'effort de la volonté consiste à provoquer des rappels dits spontanés, qui nous fourniront les matériaux nécessaires à notre construction.

De plus, le travail de reconstruction dans le rappel réfléchi ne diffère pas de celui que nous avons observé dans le rappel dit spontané : sans doute, cette reconstruction est voulue, mais elle se fait d'elle-même, les éléments présents à la conscience en appelant d'autres qui viennent s'intégrer spontanément à l'image ébauchée; la réflexion n'intervient que pour juger de la valeur de l'édifice. Ainsi, dans le rappel des souvenirs, nous trouvons à la fois réapparition et reconstruction : des éléments ou des ébauches de souvenirs réapparaissent soit spontanément, soit, le plus souvent, par association; ensuite ils s'organisent entre eux en une construction qui reproduit le passé. II.

— QU'EST-CE QUE LE SOUVENIR ? Il nous reste à répondre à une question plus délicate : quelle est la nature de la représentation mnémique, des éléments qui la composent aussi bien que de la construction totale obtenue par leur combinaison ?. »

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