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Le socialisme s'oppose-t-il au libéralisme ?

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« Refuser l'inégalité... L'idéal socialiste naît du constat de l'injustice sociale liée à l'inégalité des hommes dans la société.

Il observe que rares sont ceux qui jouissent pleinement de cette liberté dont l'article 2 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du C itoyen de 1789 avait fait un droit inaliénable et absolu, c'est-à-dire un droit naturel.

Jean Jaurès le rappelle dans Socialisme et liberté : « Il faut donner à tous une égale part de droit politique, de puissance politique, afin que dans la C ité aucun homme ne soit l'ombre d'un autre homme...

» Le projet est donc de rendre aux hommes leur liberté perdue.

Des accents rousseauistes sont évidemment perceptibles : la liberté naturelle a disparu dans les sociétés humaines, il importe par conséquent de la rétablir.

Comment ? ...

s'en remettre à la science... Le XIXe siècle a cru au progrès des Sciences et des T echniques.

L'inégalité des conditions allaient être réduite grâce à un confort et une richesse matériels tels qu'il serait désormais inutile aux hommes d'asservir d'autres hommes.

Devenus réellement les « maîtres et possesseurs de la Nature » (Descartes), parce qu'ils vivraient dans la profusion, ils échapperaient à l'exploitation du travail d'un grand nombre par une minorité.

L'abondance finirait par abolir véritablement tous les privilèges.

Voilà la signification du projet de C omte : remplacer le gouvernement des hommes par celui des choses.

Tous unis, en quelque sorte, contre la Nature.

Les hommes du XIXe siècle espèrent en la vertu de la Science, ils lui accordent une dimension morale et politique. Dans la sixième partie du « Discours de la méthode » (1637), Descartes met au jour un projet dont nous sommes les héritiers.

Il s'agit de promouvoir une nouvelle conception de la science, de la technique et de leurs rapports, apte à nous rendre « comme maître et possesseurs de la nature ».

Descartes n'inaugure pas seulement l'ère du mécanisme, mais aussi celle du machinisme, de la domination technicienne du monde. Si Descartes marque une étape essentielle dans l'histoire de la philosophie, c'est qu'il rompt de façon radicale et essentielle avec sa compréhension antérieure.

Dans le « Discours de la méthode », Descartes polémique avec la philosophie de son temps et des siècles passés : la scolastique, que l'on peut définir comme une réappropriation chrétienne de la doctrine d'Aristote. Plus précisément, il s'agit dans notre passage de substituer « à la philosophie spéculative qu'on enseigne dans les écoles » une « philosophie pratique ».

La philosophie spéculative désigne la scolastique, qui fait prédominer la contemplation sur l'action, le voir sur l'agir.

Aristote et la tradition grecque faisaient de la science une activité libre et désintéressée, n'ayant d'autre but que de comprendre le monde, d'en admirer la beauté.

La vie active est conçue comme coupée de la vie spéculative, seule digne non seulement des hommes, mais des dieux. Descartes subvertit la tradition.

D'une part, il cherche des « connaissances qui soient fort utiles à la vie », d'autre part la science cartésienne ne contemple plus les choses de la nature, mais construit des objets de connaissance.

Avec le cartésianisme, un idéal d'action, de maîtrise s'introduit au cœur même de l'activité de connaître. La science antique & la philosophie chrétienne étaient désintéressées ; Descartes veut, lui, une « philosophie pratique ».

« Ce qui n'est pas seulement à désirer pour l'invention d'une infinité d'artifices qui feraient qu'on jouirait sans aucune peine des fruits de la terre et de toutes les commodités qui s'y trouvent, mais principalement aussi pour la conservation de la santé […] » La nature ne se contemple plus, elle se domine.

Elle ne chante plus les louanges de Dieu, elle est offerte à l'homme pour qu'il l'exploite et s'en rende « comme maître & possesseur ». Or, non seulement la compréhension de la science se voit transformée, mais dans un même mouvement, celle de la technique.

Si la science peut devenir pratique (et non plus seulement spéculative), c'est qu'elle peut s'appliquer dans une technique.

La technique n'est plus un art, un savoir-faire, une routine, elle devient une science appliquée. D'une part, il s'agit de connaître les éléments « aussi distinctement que nous connaissons les métiers de nos artisans ».

Puis « de les employer de même façon à tous les usages auxquels ils sont propres ».

Il n'est pas indifférent que l'activité artisanale devienne le modèle de la connaissance.

On connaît comme on agit ou on transforme, et dans un même but.

La nature désenchantée n'est plus qu'un matériau offert à l'action de l'homme, dans son propre intérêt.

Connaître et fabriquer vont de pair. D'autre part, il s'agit « d'inventer une infinité d'artifices » pour jouir sans aucune peine de ce que fournit la nature.

La salut de l'homme provient de sa capacité à maîtriser et même dominer techniquement, artificiellement la nature. Ce projet d'une science intéressée, qui doive nous rendre apte à dominer et exploiter techniquement une nature désenchantée est encore le nôtre. Or la formule de Descartes est aussi précise que glacée ; il faut nous rendre « comme maître et possesseur de la nature ».

« Comme », car Dieu seul est véritablement maître & possesseur.

Cependant, l'homme est ici décrit comme un sujet qui a tous les droits sur une nature qui lui appartient (« possesseur »), et qui peut en faire ce que bon lui semble dans son propre intérêt (« maître »). Pour qu'un tel projet soit possible, il faut avoir vidé la nature de toute forme de vie qui pourrait limiter l'action de l'homme , et poser des bornes à ses désirs de domination & d'exploitation.

C'est ce qu'a fait la métaphysique cartésienne, en établissant une différence radicale de nature entre corps & esprit.

Ce qui relève du corps n'est qu'une matière inerte, régie par les lois de la mécanique.

De même en assimilant les animaux à des machines, Descartes vide la notion de vie de tout contenu.

Précisons enfin que l'époque de Descartes est celle où Harvey découvre la circulation sanguine, où le corps commence à être désacralisé, et les tabous touchant la dissection, à tomber. Car ce qu'il y a de tout à fait remarquable dans le texte, c'est que le projet de domination technicienne de la nature ne concerne pas que la nature extérieure et l'exploitation des ressources naturelles. La « philosophie pratique » est utile « principalement aussi pour la conservation de la santé ».

Le corps humain lui aussi, dans ce qu'il a de naturel, est objet de science, et même objet principal de la science.

« S'il est possible de trouver quelque moyen qui rende les hommes plus sages et plus habiles qu'ils n'ont été jusqu'ici, je crois que c'est dans la médecine qu'on doit le chercher.

» La véritable libération des hommes ne viendrait pas selon Descartes de la politique, mais de la technique et de la médecine.

Nous deviendrons « plus sages & plus habiles », nous vivrons mieux, en nous rendant « comme maîtres & possesseurs de la nature ».

La science n'a pas d'autre but. ...

pour établir une égalité préalable à l'instauration de la liberté. On le comprend, le socialisme n'est pas hostile à la liberté individuelle ; au contraire, elle apparaît comme la finalité même de son projet de réorganisation sociale.

Mais il dénonce, au nom du principe d'égalité, le décalage entre les « libertés formelles », reconnues par la Déclaration de 1789 et les « libertés réelles » vécues par les citoyens.

Le socialisme a pour ambition de supprimer ce décalage.

Pour lui l'établissement de l'égalité va garantir la liberté réelle de chacun.

A l'inverse les libéraux, ceux du xviiie siècle, s'ils défendent évidemment la liberté individuelle font de celle-ci un préalable.

L'écart entre liberté réelle et liberté formelle va se réduire de lui-même.

Inutile de « forcer la nature ».

L'inégalité est un passage obligé mais un simple passage.

L'égalité s'imposera naturellement sitôt que la prospérité collective le permettra.

Les socialistes rétorquent que celle-ci suppose un encouragement des égoïsmes particuliers, lesquels demeurent la « cause première » de cette inégalité sociale dénoncée depuis Rousseau. Socialisme et libéralisme s'accordent sur les principes : la liberté et l'égalité.

Ils postulent également que l'une ne peut aller sans l'autre mais divergent fondamentalement quant à la priorité qu'il faut accorder à l'un ou à l'autre de ces droits absolus.. »

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