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Le rôle de l'Etat est-il de faire régner la justice ?

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« APPROCHE: Le pouvoir de l'État est-il un pouvoir judiciaire ? Si l'organisation de ce pouvoir relève de la communauté, l'État fait régner la justice.

Mais n'insiste-t-on pas sur la nécessaire indépendance du pouvoir judiciaire ? Pourquoi, parmi les trois grands pouvoirs qui relèvent de l'État, faudrait-il mettre à part le pouvoir judiciaire et affirmer la nécessité de son indépendance ? Que se passerait-il si ce pouvoir était sous le contrôle de l'exécutif ? Quel recours aurait-on si ce pouvoir n'était pas distingué et distribué en des mains différentes de celles qui dirigent la vie politique ? Si c'est donc le rôle de l'État que de faire régner la justice, qui au sein de l'État doit être habilité à rendre les décisions de justice ? Au nom de quoi ? Qui doit les faire appliquer ? Qui doit organiser l'exercice de la justice ? Il semble ici nécessaire de distinguer différents sens possibles de " faire régner la justice ", et de distinguer les différents acteurs de l'État.

En outre, ne faut-il pas distinguer la justice comme respect de la légalité, et la justice comme respect de la moralité ? Comment caractériser ces deux sens de la justice l'un par rapport à l'autre ? Est-ce le rôle de l'État que de se préoccuper de la moralité de ses membres ? INTRODUCTION • Tout groupe humain a besoin de justice.

Mais comment assurer le règne de cette dernière ? Peut-on en fonder l'existence sur les réactions individuelles, doit-on au contraire admettre que la justice n'existe réellement qu'en toute indépendance des réactions subjectives et sentimentales, c'est-à-dire lorsqu'elle est organisée de façon « froide », collectivement ? Dans ce cas, est-ce à l'État de la faire régner ? I.

La justice ne peut dépendre du seul sentiment • La conception de la justice sur laquelle Platon élabore sa République n'est plus la nôtre : si pour lui la Cité est juste dès lors qu'elle attribue à chacun de ses membres la place qui lui revient selon sa nature, la pensée contemporaine n'admet plus que les citoyens doivent être initialement distingués par leurs différentes natures.

Mais dès Platon s'affirme fortement l'idée que l'organisation de la justice appartient à la collectivité (même si celle-ci est organisée par quelques-uns, qui sont les philosophes). • Que pourrait être en effet une justice attribuée par un sujet ? Elle serait nécessairement sous la dépendance de l'affectivité, du désir de vengeance, du ressentiment éventuel.

N'est-il pas, en un sens, « normal » que, si je subis un dommage, j'aie le désir que ma situation soit rééquilibrée par la punition du coupable ? Mais de cette réaction subjective immédiate à la justice, il peut exister une grave différence : s'il est vrai qu'existe en un sujet un « sentiment de justice », celui-ci risque de se transformer aisément en « soif de vengeance », et doit laisser place à un équilibre des délits et des sanctions qui ne peut dépendre que d'une décision collective, et non individuelle.

Faute de quoi la justice risque de régresser vers une pseudo « loi du talion », alors même que son évolution historique va dans une tout autre direction. • Il est de surcroît notable que, si l'exercice de la justice dépend d'un seul, celui-ci peut la rendre dans son seul intérêt.

Au lieu de rééquilibrer les situations, elle aboutirait alors à augmenter les différences et les inégalités, ce qui serait pour le moins contradictoire. II.

L'intervention de la loi et de l'État • La justice ne peut socialement être exercée que relativement à un ensemble de lois.

Or celles-ci sont décidées par le pouvoir étatique.

Dans cette optique, c'est l'État démocratique qui semble le mieux à même de faire régner la justice, puisque, par définition, il doit être le représentant de l'ensemble des citoyens, au lieu de ne représenter que les intérêts d'un monarque (justice d'un seul) ou d'une minorité (justice intéressée, qui s'exercera aux dépens des autres groupes). • La démocratie doit sur ce point respecter une stricte séparation des pouvoirs, de façon que le judiciaire ne puisse être confondu ni avec le législatif, ni avec l'exécutif.

Cette séparation est à réaliser sous la forme d'une réelle indépendance du judiciaire relativement à l'exécutif, puisqu'en cas contraire, les interventions de ce dernier aboutiraient à nier l'égalité de tous devant la loi. • Lorsque l'État n'est rien de plus qu'une dictature, on constate précisément : — une emprise de l'exécutif sur le judiciaire (les juges sont aux ordres du pouvoir) ; — une « justice » qui s'effectue aux dépens de tous les opposants (cas du régime nazi, ou du stalinisme : les procès sont organisés et truqués par le pouvoir, les condamnations sont programmées à l'avance, etc.) III.

De quelle justice peut se charger l'État ? • D'un point de vue marxiste, tout Etat ne représente cependant que les intérêts d'une classe dirigeante, et la démocratie elle-même n'échappe pas à cette critique : la vraie justice ne pourrait donc exister qu'après la disparition de l'État comme structure de contrainte, c'est-à-dire dans la société communiste du futur.

Cette société, qui ne concernerait que des « hommes nouveaux » en ceci au moins qu'ils ne connaîtraient plus aucune forme d'aliénation, accéderait à une justice totale, qui ne signifierait plus seulement l'application de lois égales pour tous, mais de surcroît une égalité radicale de tous les individus en eux-mêmes. • La justice telle que la définit la loi ne constitue en effet qu'un aspect, même s'il est important, de la notion : elle laisse de côté la réalité des injustices sociales, l'inégalité entre les situations, les différences entre classes, les écarts éventuellement produits par la division du travail et la répartition inégalitaire des tâches, etc. • Autrement dit, l'égalité de tous devant la loi ne signifie pas une égalité complète entre tous les citoyens.

Au maximum, l'État (démocratique) ne peut garantir qu'une égalité des chances données initialement à chacun, mais non une égalité dans les performances ou les résultats.. »

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