Le refus de la pensée de la mort
Extrait du document
«
PENSÉE: Faculté de connaître, de comprendre, de juger, de raisonner, qui est censée caractériser l'homme, par opposition à l'animal.
Synonyme
d'entendement, de raison.
PENSER: Exercer une activité proprement intellectuelle ou rationnelle; juger; exercer son esprit sur la matière de la
connaissance; unir des représentations dans une conscience.
MORT: Du latin mors, «mort».
Cessation complète et définitive de la vie.
Seul parmi les animaux, l'homme se sait
mortel: cruelle certitude qui limite son horizon et l'oblige à composer avec sa propre disparition, comme avec celle
des êtres auxquels il est attaché.
Pour Platon, la mort est un «beau risque à courir».
Dans le Phédon, Socrate
définit la mort comme la séparation de l'âme et du corps; délivrée de sa prison charnelle, l'âme immortelle peut
librement regagner le ciel des Idées, patrie du philosophe.
Épicure tient la mort pour un non-événement, puisque
jamais nous ne la rencontrons.
Tant que nous sommes en vie, la mort n'est pas; et quand la mort est là, c'est nous
qui ne sommes plus.
Pour Heidegger au contraire, la vie humaine s'inscrit dans la finitude: «Dès qu'un humain vient à
la vie, il est déjà assez vieux pour mourir».
VIE: Du latin vita, «vie», «existence».
1.
Vie : en biologie, ensemble des phénomènes propres à tous les
organismes (animaux et végétaux), parmi lesquels l'assimilation, la croissance et la reproduction.
2.
Durée s'écoulant
de la naissance à la mort.
3.
Élan vital : chez Bergson, courant de vie qui se déploie à travers la matière en créant
perpétuellement de nouvelles formes.
A.
"La mort n'est rien pour nous"
Les hommes, à la différence des animaux, ont conscience d'être mortels, et c'est la raison pour laquelle le problème
de la mort est posé par la philosophie.
Ainsi, toute une tradition, qui remonte au penseur grec Épicure, s'efforce de
nous guérir de notre angoisse devant la mort.
Pour Épicure, la mort ne peut être l'objet d'aucune pensée claire.
«
Familiarise-toi, dit Épicure à Ménécée, avec l'idée que la mort n'est rien pour
nous.
» La métaphysique matérialiste va aussi permettre de délivrer l'humanité
d'une de ses plus grandes craintes : la crainte de la mort.
Les hommes ont
peur de la mort.
Mais que redoutent-ils en elle ? C'est précisément le saut
dans l'absolument inconnu.
Ils ne savent pas ce qui les attend et craignent
confusément que des souffrances terribles ne leur soient infligées, peut-être
en punition de leurs actes terrestres.
Les chrétiens, par exemple, imagineront
que quiconque à mal agi et n'a pas obtenu le pardon de Dieu ira rôtir dans les
flammes de l'enfer.
La peur de la mort a partie liée avec les superstitions
religieuses dont la métaphysique matérialistes nous libère.
De plus, si tout
dans l'univers n'est fait que de matière, si nous, comme tous les êtres
vivants, ne sommes que des agrégats d'atomes, lorsque nous mourons, ce ne
sont que nos atomes qui se séparent, qui se désagrègent, ce n'est que notre
corps qui se décompose, en un point d'abord (celui qui est blessé ou malade),
puis en tous.
Dès lors, rien de notre être ne survit, il n'y a rien après la mort,
« la mort n'est rien pour nous ».
Ceux qui pensent que la vie du corps, la
pensée, la sensation, le mouvement viennent de l'âme, et que cette âme
pourrait survivre après la mort du corps, ont tort.
Car l'âme elle-même est
faite de matière, certes plus subtile, puisque invisible ; mais si elle n'est qu'un
agrégat d'atomes, elle aussi se décompose lorsque la mort survient, et même,
selon l'expérience la plus commune, il faut penser qu'elle est la première à se
décomposer puisque le mort apparaît immédiatement privé de vie, de
sensation, de pensée et de mouvement, alors que le reste de son corps semble encore à peu près intact et mettra
plus de temps à commencer à se décomposer.
Aussi, la mort se caractérise bien en premier lieu par l'absence de
sensation : « Habitue-toi à la pensée que le mort n'est rien pour nous, puisqu'il n'y a de bien et de mal que dans la
sensation, et que la mort est absence de sensation.
»
En effet, les sensations que nous avons de notre corps et, à travers lui, des choses du monde sont la source de
toute connaissance, et aussi de tout plaisir et de toute douleur, donc le vrai lieu de tout bien et de tout mal,
puisque le bien réel n'est que le plaisir et le mal la douleur.
Nous pouvons désigner la pensée d'Epicure comme un
sensualisme qui fonde toute la vie intérieure sur la sensation.
La mort étant la disparition des sensations, il ne peut
y avoir aucune souffrance dans la mort.
Il ne peut pas y avoir davantage de survie de la conscience, de la pensée
individuelle: « Ainsi le mal qui effraie le plus, la mort, n'est rien pour nous, puisque lorsque nous existons, la mort
n'est pas là, et lorsque la mort est là, nous n'existons plus.
»
Dès lors je peux vivre, agir et profiter de cette vie sans redouter aucune punition post-mortem.
Et je sais que c'est
ici et maintenant qu'il me faut être heureux, en cette vie, car je n'en ai aucune autre.
Mon bonheur dans la vie est
une affaire sérieuse qui ne souffre aucun délai.
Tel est l'enseignement de la sagesse matérialiste.
La pensée de la mort pousserait jusqu'à la limite le célèbre paradoxe de l'introspection, selon lequel je ne peux me
connaître moi-même, parce qu'alors le sujet connaissant se confond avec l'objet à connaître.
Déjà sujette à
caution, cette coexistence du sujet et de l'objet devient, dans le cas de la mort, radicalement impossible, puisque la
mort est précisément cet objet qui anéantit le sujet pour toujours.
Comme le note Vladimir Jankélévitch dans La
Mort (1966), « la première personne du singulier ne peut conjuguer "mourir" qu'au futur » : celui qui dit « Je meurs »
est vivant, puisqu'il se voit mourir ; sa parole même dément ce qu'elle proclame !.
»
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