Le plaisir des sens est-il le souverain bien ?
Extrait du document
«
[Le plaisir sensuel est synonyme de plénitude: celui qui
l'expérimente n'a besoin de rien d'autre.
S'il n'y a pas d'âme,
alors le souverain bien ne peut être que le plaisir du corps.
Toute personne normalement constituée vit pour le plaisir.]
Le plaisir est un absolu
Du grec hedonè, « plaisir », l'hédonisme affirme que le bonheur consiste dans le plaisir.
Telle était, par
exemple, la thèse que défendait l'école des Cyrénaïques, fondée par Aristippe de Cyrène vers 390 av.
J.-C.
Pour les Cyrénaïques (du nom d'Aristippe de Cyrène, son fondateur), le plaisir des sens est le bien suprême.
La
jouissance du corps est une sorte d'absolu qui se suffit à lui-même.
Montaigne rappelle que «les Égyptiens, après leurs festins, faisaient présenter aux assistants une grande
image de la mort par un esclave qui leur criait : "Bois et t'éjouis, car, mort, tu seras tel"» (Essais, I, 20).
Convient-il donc de se hâter de courir aux plaisirs, avant que d'être vieux, avant que d'être mort ?
Certains philosophes et poètes (l'antique Anacréon, les philosophes cyrénaïques, le Persan Omar Khayyam, les
poètes de la Pléiade au XVIe siècle) l'ont affirmé avec force.
" SOCRATE — Accepterais-tu, toi, Protarque, de vivre ta vie entière dans la jouissance des plus grands
plaisirs ?
PROTARQUE — Pourquoi pas ? [...]
SOCRATE — Vois donc : la conscience, l'intelligence, la prévision et toutes autres connaissances
connexes, n'en aurais-tu pas quelque besoin ?
PROTARQUE — Et lequel ? J'aurais tout, du moment que j'aurais la jouissance.
"
Platon, Philèbe (IVe s.
av.
J.- C.), 21a-21b.
Problématique
Être libre et heureux, est-ce s'adonner à toutes les jouissances ?
Explication
Jouir sans entrave !
Par l'intermédiaire de Protarque, Platon donne la parole aux cyrénaïques, ardents défenseurs du plaisir.
Par le dialogue, il leur oppose Socrate.
En effet, Protarque identifie la liberté totale à la totalité de la
jouissance : la liberté est une spontanéité débridée visant les plaisirs des sens.
Protarque soutient qu'il
n'est nul besoin de raison, de savoir, de sagesse ni de prudence (qualités traditionnellement attribuées à
l'homme parfait).
Il réduit l'homme à son corps et conçoit la liberté comme le déchaînement des plaisirs.
Or, comme l'homme n'est jamais rassasié de plaisirs, cette quête est infinie : c'est une vie de démesure
et d'excès.
Le bien suprême est ce qui satisfait le corps
Aux XVIIe et XVIIIe siècles, les libertins rejettent les interdits et la culpabilité que la religion fait peser sur les
plaisirs du corps.
Pour eux, la volupté est la seule fin digne d'être recherchée.
L'affirmation du plaisir va
souvent de pair avec l'athéisme et le matérialisme.
En effet, s'il n'existe pas d'âme, alors le bien suprême ne
peut être que ce qui satisfait le corps.
Pour le marquis de Sade « vices » et « vertus » correspondent à des goûts différents ; l'homme vertueux est
«inspiré par son coeur », il se « livre à une jouissance » ; il n'a pas plus de « mérite » que le libertin n'a de
culpabilité ; éloges et blâmes sont vains ; l'homme n'a pas à strictement parler le « pouvoir de commettre des
crimes » ; car par définition même rien de ce qui existe n'est monstrueux et tout ce qui se passe dans la
nature est naturel : « Si la nature était offensée de nos goûts, elle ne nous les inspirerait pas ; il est
impossible que nous puissions recevoir d'elle un sentiment fait pour l'outrager ».
Les hommes sont soumis au principe de plaisir
Pour l'utilitariste Jeremy Bentham (1748-1832), la recherche du plaisir et l'évitement de la douleur
constituent le mobile principal des actions humaines..
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