le philosophe est-il un homme de son temps?

« Le philosophe est-il un homme de son temps? Le philosophe apparaît sur la scène historique comme un personnage étrange et ambigu dans son rapport au temps.

On le voit aussi bien s'engager dans son temps et dénoncer les abus du savoir et du pouvoir que s'isoler et se retirer du monde tel Descartes pour méditer.

Le rapport du philosophe à son temps relèverait-il d'une option personnelle qui serait peu décisive pour identifier le praticien de la philosophie ? Pourtant l'image traditionnelle nous présente le philosophe comme un être qui vit en dehors de son temps, comme s'il fuyait les préoccupations des hommes de son temps pour s'adonner aux idées abstraites. Pour juger de la validité de cette image du philosophe, il nous faut alors nous interroger sur le sens de l'expression « être un homme de son temps ».

Le philosophe, tout en étant de son temps, affirme aussi son indépendance par rapport à son temps.

Nous pouvons nous demander si cela est contradictoire ? Au sens le plus évident, « être un homme de son temps » signifie appartenir à une certaine époque.

Le temps est envisagé dans cette expression comme un concept historique désignant une période concrètement définie, c'est-à-dire caractérisée par une culture, un ensemble de valeurs morales, esthétiques et politiques.

Il ne s'agit pas du concept scientifique du temps qui est indépendant de l'homme et qui ne peut jamais être le sien.

En ce sens premier, le philosophe est un homme de son temps de manière necessaire : il est de son temps en tant qu'homme d'abord et non en tant que philosophe.

En tant qu'homme, il appartient naturellement à son temps.

« Etre de son temps » désigne une sorte d'appartenance de fait à une histoire qui est de l'ordre du nécessaire.

Autrement dit, en tant qu'homme, on ne peut pas être de tous les temps ou d'aucun temps. L'homme ne peut, pas ne pas être historique et le philosophe comme tous ses semblables est un homme de son temps.

Socrate pense les problèmes de son temps, s'engage personnellement.

Descartes s'engage contre la domination intellectuelle de son époque.

Kant défendra la publicité de la raison, au siècle des Lumières. En un second sens, « être de son temps » implique une relation de détermination entre l'homme et son temps.

De ce fait, le philosophe est-il un enfant de son temps et est-il déterminé intellectuellement par les valeurs de son époque ? En tant que philosophe cette fois, il pense à partir de son epoque.

Il n'y a pas de pensée philosophique qui émergerait toute seule ; les problèmes du philosophe lui sont fournis par son temps.

Selon Hegel, le philosophe n'invente rien, ne crée rien, ne construit rien dans le monde mais pense son temps qui génère de nouveaux événements et ce sont ces événements qui sont la matière à penser du philosophe.

On a par exemple Aristote ne pouvait pas sauter par dessus son temps et imaginer le modèle héliocentrique de l'univers; il était lié à la culture de son temps et pensa le monde d'après un modèle géocentrique.

Les philosophes sont ceux qui renvoient une image rationnelle de leur temps.

En ce sens, le philosophe est aussi fils de son temps. Mais être de son temps peut aussi vouloir dire partager l'idéologie de son temps, penser en accord avec la modernité, penser comme ses contemporains ; là le philosophe n'est plus un homme de son temps.

En quel sens un philosophe est nécessairement un homme qui refuse d'être de son temps. Si le philosophe ne choisit pas sa situation historique, son temps, son appartenance de fait à une culture plutôt qu' une autre..... »