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Le langage ne sert-il qu'à exprimer la pensée ou intervient-il déjà dans sa formation

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« Le langage ne sert-il qu'à exprimer la pensée ou intervient-il déjà dans sa formation ? Introduction.

— Pour parler il faut, semble-t-il, avoir quelque chose à dire, par conséquent l'avoir d'abord pensé, faute de quoi la langue trébuche ou même se bloque.

Boileau l'a dit en distique célèbre : Ce qui se conçoit bien s'énonce clairement Et les mots pour le dire arrivent aisément. Art poétique, Chant I, 153-154. Ainsi, à prendre le doctrinaire du Parnasse à la lettre, nous commencerions par nous faire des conceptions claires ; ensuite et comme automatiquement viendraient les mots aptes à les exprimer.

Nous aurions là la fonction propre du langage.

Mais celui-ci n'est-il pas déjà intervenu dans la formation de la pensée ? I.

— LE LANGAGE, FACULTÉ D'EXPRESSION On a comparé notre vie intérieure, celle que nous situons dans la conscience, à un « jardin secret » : secret pour les autres sans doute auxquels notre comportement peut permettre seulement de conjecturer ce qui se passe derrière les murs qui défendent notre intimité ; mais, dans une certaine mesure, secret aussi pour nous, faute du recul nécessaire à une bonne observation. L'image du « jardin secret » est certes suggestive, car notre vie intime restera toujours assez mystérieuse.

Nous disposons toutefois d'un puissant moyen d'approche : le langage que nous pouvons définir comme la faculté d'expression.

Expression de quoi ? Nous pouvons d'abord répondre en recourant au corrélatif de ce mot : expression de nos impressions.

Si nous observons la réalité de notre vie intérieure, nous constaterons qu'elle consiste en un courant confus de multiples états mal différenciés (d'origine organique ou d'origine psychique, affectifs ou cognitifs, on ne sait trop encore) et que désigne assez bien le mot « impression » : impression, la faible réaction affective produite par un léger changement de température ou par un chant d'oiseau entendu dans un demi-sommeil ; impression, le vague sentiment que me laisse la lecture rapide d'un devoir d'élève ou un bref échange de paroles... Ces impressions, essentiellement confuses et presque virtuelles, se précisent et s'actualisent en s'exprimant.

Par quels ,moyens ? D'abord par le langage d'action constitué par le retentissement corporel des sentiments éprouvés. Ensuite verbalement, au moyen de mots, mais pensés plutôt que prononcés, et en tout cas sans l'organisation grammaticale qui en ferait des jugements : exclamations admiratives ou interrogatives, qualificatifs qui se proposent à une affirmation possible...

Expressions bien déficientes, mais qui n'en constituent pas moins une première ouverture sur le mystère du « jardin secret ». L'expression atteint sa forme achevée lorsque les mots s'organisent en des propositions qui formulent des jugements et expriment des pensées : pensées sur les choses (la pluie qui tombe, le temps qui passe), sur les hommes (le caractère de mon visiteur) , sur moi-même (mes états d'âme, mes sensations organiques...) . Alors, grâce au langage, le vécu se transforme en connu, le senti en pensée. Mais nous n'avons là que la pensée au sens subjectif du mot, c'est-à-dire conçue comme désignant une modalité particulière de l'activité psychique.

Or il est une autre acception au oins aussi courante : au sens objectif, on entend par pensée ce même que l'on pense, en particulier une de ces vues générales comme celles qui figurent dans les recueils de « Pensées ».

Lorsqu'on dit que le langage sert à exprimer la pensée, c'est principalement de cette sorte de pensées qu'il est question.

Sans le langage nous ne pourrions pas exprimer nos pensées sur la vie et sur la mort, sur les problèmes politiques et économiques, sur les productions littéraires et artistiques... Le fait est indiscutable.

Mais il reste à se demander si, instrument d'expression de la pensée, le langage n'intervient pat aussi dans le processus au cours duquel la pensée se forme.. »

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