Le droit doit-il être juste ?
Extrait du document
«
VOCABULAIRE:
DROIT:
a° Un droit: liberté d'accomplir une action (droit de vote); possibilité d'y prétendre ou de l'exiger (droit au travail,
droit de grève).
b° Le droit: ce qui est légitime ou légal, ce qui devrait être, opposé au fait, ce qui est.
c° Ce qui est permis par des règles non écrites (droit naturel) ou par des règles dûment codifiées (droit positif).
Le droit positif est l'ensemble des règles qui régissent les rapports entre les hommes dans une société donnée.
Le
droit naturel est l'ensemble des prérogatives que tout homme est en droit de revendiquer, du fait même de son
appartenance à l'espèce humaine (droit au respect).
Le légal et le légitime
Si la justice est la conformité au droit, alors il est juste d'obéir aux lois, quelles qu'elles soient.
Mais n'est-ce pas
nier la justice que de la réduire à des systèmes juridiques variables selon les lieux et les époques ? Et puisque le
droit ne semble pas toujours juste, il semble légitime de vouloir le conformer à la justice.
Bref, un droit est-il juste
parce qu'il est le droit, ou parce qu'il respecte la justice ? Est-ce à la justice d'être conforme au droit, ou au droit
d'être conforme à la justice ? La justice est-elle la conformité au droit établi (la légalité du droit positif), ou au
contraire ce à quoi le droit établi doit se conformer (la légitimité du droit naturel) ?
L'intérêt et la morale
De plus, on peut obéir à la loi par intérêt (s'il est avantageux de s'y conformer) ou par morale (si elle est juste).
L'obéissance repose sur l'intérêt personnel bien compris quand il s'agit d'éviter les sanctions, de vivre tranquillement
ou de bénéficier de l'ordre maintenu par le droit.
L'obéissance est morale si elle repose sur la justice,
indépendamment de tout autre intérêt.
La justice est-elle dès lors une certaine exigence sociale (l'ordre) ou une
certaine exigence morale (le juste) ? Et si la justice donne au droit sa valeur et sa légitimité, n'est-elle pas, selon le
mot d'Alain, « ce doute sur le droit qui sauve le droit » ?
La réponse de Pascal
Le droit est toujours juste
" La justice est ce qui est établi ; et ainsi toutes nos lois établies seront
nécessairement tenues pour justes sans être examinées, puisqu'elles sont
établies.
"
Pascal, Pensées (1670), n° 312 de l'éd.
Brunschvicg.
Problématique
La justice transcende-t-elle les législations existantes ou s'y réduit-elle ?
Explication
Le règne de la force
La justice étant la légalité ou la conformité au droit, Aristote écrit que «
toutes les actions prescrites par la loi sont justes ».
Mais celui qui prescrit la
loi est-il lui-même juste ? L'expérience semble enseigner le contraire : « La
force est la reine du monde », constate Pascal, et ce n'est pas le plus juste
qui décide des lois, mais le plus fort (un individu dans la tyrannie ou la monarchie, quelques-uns dans l'oligarchie, le
peuple dans la démocratie).
Relativité du droit positif
Pascal dénonce le caractère relatif du droit positif, car c'est selon ses valeurs et ses intérêts que le souverain (celui
qui détient le pouvoir, individu ou groupe) pose le droit.
Seule la force met tout le monde d'accord ! « La justice est
sujette à dispute, remarque Pascal.
La force est très reconnaissable et sans dispute.
[...] Et ainsi, ne pouvant faire
que ce qui est juste fût fort, on a fait que ce qui est fort fût juste.
» « Plaisante justice, ajoute-t-il, qu'une rivière
borne ! », dont les lois changent au passage des frontières et selon le caprice des puissants.
Si tout droit est le
fruit d'une décision arbitraire, si le bon plaisir du souverain fait force de loi, peut-on en effet encore parler de droit
et de justice ?
Débat et enjeu.
»
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