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Le bonheur doit-il etre une affaire privée ou d'Etat ?

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 Ces deux définitions du bonheur, que ce soit comme une affaire d?Etat ou comme une affaire privée, sont antagonistes mais surtout, elles engagent toutes deux des conséquences néfastes. Comment alors définir le bonheur sans être en contradiction avec le sens commun (être heureux = être dans un état de bien-être social) sans pour autant négliger la liberté des individus ? La réponse à cette question ne peut se faire sans une articulation entre les caractères public et privé du bonheur. Tout d?abord, on ne peut pas exclure l?intervention de l?Etat de la problématique du bonheur. Ce n?est pas bassement matérialiste (au sens courant du terme) de penser que le bonheur dépend en partie de nos conditions matérielles d?existence (avoir un toit, un emploi, de quoi se nourrir, la possibilité de s?instruire, de se soigner?). Le bien-être social, s?il n?est pas le bonheur à lui seul, en est cependant la condition de possibilité, et seul l?Etat est en mesure de le garantir. Bien sur, le bonheur, ce n ?est pas que cela. C?est là qu?intervient la notion de bonheur comme état subjectif, comme quête individuelle. Une fois ces conditions sociales remplies, le sujet a la possibilité d?être heureux. On peut alors légitimement retrouver le lien entre bonheur et moralité (en témoigne la souffrance immense que provoque le sentiment de culpabilité): il ne s?agit pas de déresponsabiliser les individus de leur bonheur, mais plutôt de montrer qu?il n?est possible que sous certaines conditions qui échappent aux sujets particuliers.

« La mise en place de l'Etat providence en France après la seconde guerre mondiale nous a conduit à en attendre beaucoup de l'Etat.

Trop disent certains. Poussée à son paroxysme, l'idée d'Etat providence peut amener à affirmer que le bonheur doit être une affaire d'Etat, alors que nos sociétés modernes et libérales véhiculent plutôt l'idée que le bonheur est affaire privée.

C'est pourquoi il semble pertinent de se poser la question de savoir si le bonheur doit être une affaire privée ou d'Etat.

Se dégagent alors deux enjeux fondamentaux.

D'une part, il s'agira de s'interroger sur la définition du bonheur (terme équivoque), qu'on le considère comme une affaire publique ou privée.

D'autre part, l'expression « doit être » imposera que l'on s'interroge sur les conséquences pratiques et des risques d'un parti pris pour l'une ou l'autre des définitions. Face à une telle question, deux théories s'opposent : celle qui défend le bonheur comme affaire privée, celle qui affirme l'entière responsabilité de l'Etat en la matière.

A nous de les étudier et de dépasser cette contradiction pour envisager une conception du bonheur dont les conséquences sont les meilleures possibles pour les hommes vivant en société que nous sommes. I.

Le bonheur est et doit être une affaire privée. Traditionnellement, le bonheur est pensé comme un état subjectif de bien-être.

On se dit heureux quand on a obtenu ce qu'on voulait, ou quand on a « le cœur léger »… Dans le langage courant, le bonheur est donc affaire de sentiment, de ressenti personnel, de satisfaction de sa personne.

Et surtout de chance Les théories philosophiques qui défendent l'idée du bonheur comme affaire privée ne se contentent heureusement pas de cela.

Même s'il est individuel, le bonheur est radicalement distinct du plaisir ou de la jouissance.

Aristote accorde au bonheur le statut de « souverain Bien » (=bien suprême, fin à laquelle toutes les autres sont coordonnées).

Le bonheur n'est pas un don, on y accède en respectant une exigence fondamentale : une vie vertueuse. Dans l'Éthique à Nicomaque, A ristote conduit l'analyse de ce qui motive les actions humaines.

Chacun conçoit le bien et le bonheur d'après sa propre vie. Pour le plus grand nombre, le bonheur se définit par une vie de jouissance et de plaisirs ; on en trouve d'ailleurs souvent l'exemple parmi ceux qui gouvernent.

Pour un nombre plus restreint ("l'élite et les hommes d'action"), le bonheur est placé dans la récolte des honneurs et des louanges : tel est le but en général recherché par ceux qui font de la politique.

Il existe enfin un troisième type de bien, relatif à un tout petit nombre ("cette fin a davantage rapport avec ceux qui accordent les honneurs qu'avec ceux qui les reçoivent").

Ce vrai bien est individuel et inaliénable.

Ce ne sont ni les honneurs qui rassurent — où l'on cherche la reconnaissance de gens intelligents —, ni même la vertu.

Car on peut être vertueux et rester inactif toute sa vie ; ou, bien pire, endurer bon gré mal gré "les pires maux et les pires malheurs" : on peut être vertueux et terriblement malheureux.

Le souverain bien est un bien qui est recherché pour lui-même et non en vue d'autre chose (comme l'argent par exemple), il est tout à la fois moyen et fin.

Seul le bonheur est en mesure de répondre à cette définition et Aristote le fait résider dans l'activité de l'esprit, partie la plus haute et la plus noble de l'homme, dont l'activité est plus durable et continue que tout autre action pratique.

Elle procure un plaisir certain, tant il est vrai qu'il y a plus d'agrément à vivre dans le savoir que dans l'ignorance, et enfin elle est indépendante, ne répondant que d'elle-même : sa finalité lui est immanente (elle ne dépend pas d'un résultat extérieur plus ou moins bon), et elle se nourrit du loisir à la différence de toutes les autres activités qui sont laborieuses. Bonheur et morale sont donc étroitement liés dans cette conception du bonheur comme affaire privée.

Chacun a entre ses mains la responsabilité et la possibilité de son bonheur. Les risques et les insuffisances d'une telle théorie sont flagrants.

Faire du bonheur à la fois la quête universellement ultime et la responsabilité de l'individu seul conduit à une aporie.

On ne peut pas définir le bonheur en terme d'universel en le fondant sur des subjectivités.

De plus, si le bonheur est lié à la question de l'action morale, alors il dépasse la sphère purement privée et pose le problème de la vie avec les autres. II.

Le bonheur est et doit être une affaire d'Etat uniquement. La définition du bonheur comme affaire privée, au-delà de ses insuffisances conceptuelles, pose aussi des questions pratiques : la moralité suffit-elle à faire de nous des hommes heureux si nous dormons dans la rue ? Peut-être la vie vertueuse n'est-elle pas ce qui fait notre bonheur… Peut-être est-ce le bienêtre social.

En effet, si l'homme est avant toute chose un animal social, il semble cohérent d'envisager le bonheur comme une affaire publique.

L'Etat a la responsabilité du bonheur de ses citoyens, en garantissant la justice, l'égalité, la liberté, la sécurité… Il semble en effet compliqué de désolidariser le bonheur et de toutes ces autres valeurs.

Prenons l'exemple de l'innocent condamné : il a certes bien agi, mais sera-t-il heureux s'il termine ses jours en prison ? L'Etat a donc l'entière responsabilité du bonheur des hommes qui vivent en société.

Le bonheur est et doit être une affaire publique.

L'Etat en est le seul agent et garant.

Sans cette responsabilisation publique, le bonheur est tout bonnement impossible. Là aussi, les objections s'imposent.

En effet, les conséquences pratiques de telles considérations peuvent être effrayantes.

Faire du bonheur une affaire purement publique et la compétence de l'intervention politique peut conduire à des horreurs : eugénisme coercitif, oppression des minorités dont l'intérêt va à l'encontre de celui de la majorité, autoritarisme, interventionnisme abusif….

L'individu n'est plus maître de son existence, il ne peut même plus déterminer ce qui le rend heureux, sa subjectivité est entièrement absorbée dans l'Etat.

Même ses projets , ses rêves ne lui appartiennent plus. III.

Le bonheur, une affaire privée dont l'action publique est la condition de possibilité. Ces deux définitions du bonheur, que ce soit comme une affaire d'Etat ou comme une affaire privée, sont antagonistes mais surtout, elles engagent toutes deux des conséquences néfastes.

C omment alors définir le bonheur sans être en contradiction avec le sens commun (être heureux = être dans un état de bien-être social) sans pour autant négliger la liberté des individus ? La réponse à cette question ne peut se faire sans une articulation entre les caractères public et privé du bonheur.

Tout d'abord, on ne peut pas exclure l'intervention de l'Etat de la problématique du bonheur.

Ce n'est pas bassement matérialiste (au sens courant du terme) de penser que le bonheur dépend en partie de nos conditions matérielles d'existence (avoir un toit, un emploi, de quoi se nourrir, la possibilité de s'instruire, de se soigner…).

Le bien-être social, s'il n'est pas le bonheur à lui seul, en est cependant la condition de possibilité, et seul l'Etat est en mesure de le garantir. Bien sur, le bonheur, ce n ‘est pas que cela.

C'est là qu'intervient la notion de bonheur comme état subjectif, comme quête individuelle.

Une fois ces conditions sociales remplies, le sujet a la possibilité d'être heureux.

On peut alors légitimement retrouver le lien entre bonheur et moralité (en témoigne la souffrance immense que provoque le sentiment de culpabilité): il ne s'agit pas de déresponsabiliser les individus de leur bonheur, mais plutôt de montrer qu'il n'est possible que sous certaines conditions qui échappent aux sujets particuliers. Conclusion -Le bonheur peut être pensé comme étant et devant être une affaire proprement publique ou proprement privée. - La contradiction entre ces deux thèses est néanmoins féconde : le bonheur doit être une affaire d'Etat dans le sens où ce dernier est le seul en mesure de garantir ses conditions de possibilité.

Contrairement à ce qu'on pourrait croire, être heureux, ce n'est pas vivre « d'amour et d'eau fraîche ».

L'individu, une fois ces conditions remplies, est encore et plus que jamais responsable de son bonheur.

Et il est alors tentant de croire que le bonheur n'est pas affaire de chance ou de simple jouissance, mais plutôt de morale.. »

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