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L'autre est-il le fondement de la conscience morale ?

Extrait du document

« A.

Le visage, le face à face, relation éthique immédiate • Devenir conscient est le moment décisif de la subjectivité.

Et ce «moment décisif dure toujours », écrit Kierkegaard.

Qu'est-ce que cela signifie ? Cela signifie que ma rencontre avec l'Autre est la prise de conscience que je fais partie de l'humanité, que je la porte en moi, comme l'Autre, mon alter ego. • L'expérience fondamentale de chaque être humain est cette expérience du face à face, du visage.

L'accès au visage est d'emblée éthique, affirme Emmanuel Levinas.

Il est d'emblée signification.

Il est ce qu'il y a de plus exposé, de plus fragile, de plus menacé ; il est ce qui peut inciter à la violence. Mais en même temps, il est ce qui nous interdit de tuer, il est commandement.

L'Autre est celui contre lequel je peux tout et à qui je dois tout.

« Tout homme porte la forme entière de l'humaine condition », disait déjà Montaigne. Pour Lévinas, l'éthique est la « voie royale vers l'absolument autre » (Préface).

En effet, le désir d'infini n'est pas un désir au sens habituel et négatif de manque mais une expérience sans retour possible de soi vers l'autre, du familier vers l'étranger.

Car « l'absolument autre, c'est autrui » (Rupture de la totalité), autrui n'est donc pas la négation de moi-même, ce qui impliquerait encore une relation d'identité, mais il est positivement « l'absolument autre ». A utrui me révèle le sens de l'éthique comme « rapport non allergique du Même et de l'A utre » (L'Être comme bonté). L'éthique trouvant son sens premier dans la relation de face à face, elle présuppose une ouverture à « l'absolument autre » que seul le visage d'autrui permet d'entrevoir.

L'éthique est bien originellement une « optique » mais sans image, car la vision est encore une totalisation.

Or le visage empêche le regard de se fixer, il nous tourne vers un au-delà, un ailleurs ; il figure « l'infiniment autre » qu'on ne parviendra jamais à totaliser.

Le visage d'autrui se donne à voir comme « révélation » de l'A utre dans sa nudité et sa fragilité.

Il m'appelle alors à la responsabilité infinie devant lui. « Je pense plutôt que l'accès au visage est d'emblée éthique.

C 'est lorsque vous voyez un nez, des yeux, un front, un menton, et que vous pouvez les décrire, que vous vous tournez vers autrui comme vers un objet.

La meilleure manière de rencontrer autrui, c'est de ne pas même remarquer la couleur de ses yeux ! Quand on observe la couleur des yeux, on n'est pas en relation sociale avec autrui.

La relation avec le visage peut certes être dominée par la perception, mais ce qui est spécifiquement visage, c'est ce qui ne s'y réduit pas. Il y a d'abord la droiture même du visage, son expression droite, sans défense.

La peau du visage est celle qui reste la plus nue, la plus dénuée.

La plus nue, bien que d'une nudité décente.

La plus dénuée aussi: il y a dans le visage une pauvreté essentielle.

La preuve en est qu'on essaie de masquer cette pauvreté en se donnant des poses, une contenance.

Le visage est exposé, menacé, comme nous invitant à un acte de violence.

En même temps le visage est ce qui nous interdit de tuer.

» Lévinas, « Ethique et infini » Lévinas commence par opposer perception d'un objet et rencontre authentique d'autrui.

Quand je pose l'autre comme objet, je le projette sur une surface d'objectivité : il m'apparaît comme un tableau à décrire, une surface à observer et détailler, son unité éclate en autant de petits objets à commenter (les éléments du visage sont eux-mêmes réductibles à des unités plus petites.

Ce rapport est un rapport théorique qui ne me donne pas véritablement autrui : dans un processus de connaissance, ma conscience s'assimile l'objet plutôt qu'elle ne s'ouvre à l'altérité du donné.

En posant autrui comme objet, je reste seul. La saisie véritable d'autrui (celle qui me fait vraiment sortir de moi et rencontrer une dimension irréductible aux simples données de l'expérience) ne donne pas une richesse d ‘éléments à décrire mais présente une pauvreté.

L'autre se présente simultanément comme sans défense et invitation au respect : en effet, la possibilité physique de tuer autrui se donne en même temps que l'impossibilité morale d'accomplir cet acte.

A utrui nous est livré dans une dimension éthique comme celui que je n'ai pas le droit de tuer. B.

Comment, alors, peut-on être raciste ? • La peur de l'A utre, venue de la nuit des temps, des temps où l'homme ne survivait que s'il était le plus rusé, le plus fort, est la peur de l'inconnu.

Le raciste refuse l'Autre pour s'affirmer soi-même.

Mais il ne fait que se refuser lui-même puisque l'A utre est un alter ego, un autre moi. • L'homme est un hôte : il reçoit et il est reçu.

« L'hospitalité signifie donc le droit qu'a l'étranger, à son arrivée dans le territoire d'autrui, de ne pas y être traité en ennemi », écrit Kant. • La conscience est ainsi la possibilité de fonder l'humanité.

« Ton acte, c'est toi [...].

T u t'échanges [...].

L'homme n'est qu'un noeud de relations ; les relations seules comptent pour l'homme », a si bien écrit A ntoine de Saint-Exupéry. « La conscience morale n'est pas quelque chose que l'on soit susceptible d'acquérir, et il n'y a pas de devoir ordonnant de se procurer cette conscience; mais tout homme, en tant qu'être moral, possède en lui, originairement, une telle conscience.

» Kant, Doctrine de la vertu, 1797. « Fouille en dedans.

C 'est en dedans qu'est la source du bien et elle peut jaillir sans cesse, si tu fouilles toujours.

» Marc-Aurèle, P ensées pour moimême, IIe s.

apr.

J.-C. « La conscience morale est la raison pratique représentant à l'être humain son devoir dans chaque cas où intervient une loi, que ce soit pour l'acquitter ou pour le condamner.

» Kant, Doctrine de la vertu, 1797. « Il est [...] au fond des âmes un principe inné de justice et de vertu, sur lequel, malgré nos propres maximes, nous jugeons nos actions et celles d'autrui comme bonnes ou mauvaises, et c'est à ce principe que je donne le nom de conscience.

» Rousseau, Émile ou De l'éducation, 1762. « Conscience ! conscience ! instinct divin, immortelle et céleste voix; guide assuré d'un être ignorant et borné, mais intelligent et libre; juge infaillible du bien et du mal, qui rends l'homme semblable à Dieu, c'est toi qui fais l'excellence de sa nature et la moralité de ses actions.

» Rousseau, Émile ou De l'éducation, 1762. « Si tu écoutes tel ou tel jugement, comme la voix de ta conscience, en sorte que tu considères quelque chose comme juste, c'est peut-être parce que tu n'as jamais réfléchi sur toi-même et que tu as accepté aveuglément ce qui, depuis ton enfance, t'a été désigné comme juste.

» Nietzsche, Le Gai Savoir, 1883. « A u cours de mes années de bagne, je n'ai pas constaté chez mes camarades le moindre regret, le moindre malaise de conscience [...].

Le criminel, insurgé contre la société, la hait; il considère presque toujours qu'il a raison et qu'elle a tort.

» Dostoïevski, Souvenirs de la maison des morts, 1862.. »

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