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« L'art vit de contraintes et meurt de liberté » (Albert Camus, Le discours de Suède) ?

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Étrange cette citation de Camus qui, à première vue, semble être la parfaite contradiction du sens commun que l'on donne à l'art. N'est-il pas, lorsqu'il se concrétise par telle oeuvre, l'expression même d'une activité libre ? Ne sont-ce pas les différentes contraintes extérieures (la matière, la censure, les totalitarismes...) qui empêchent l'activité artistique d'exister ? Pour comprendre le sens de cette formule camusienne, il s'avère nécessaire de la resituée dans son contexte. Camus la prononce lorsqu'il reçoit, en 1957, le prix Nobel de littérature. En ces temps incertains, obscurcis par deux guerres mondiales, Camus prononce alors un discours qui rappelle sa conception de l'activité artistique : celle-ci, à l'image du monde et du désespoir ambiants qui règnent alors, doit être engagée. L'engagement, est-ce cela qui fait vivre l'artiste dans la contrainte et fait mourir son activité par la liberté ? Mais n'avons-nous pas ici, une conception extrême, voire réductrice de l'activité de l'artiste ?

« « L'art vit de contraintes et meurt de liberté » (Albert Camus, Le discours de Suède) Introduction Étrange cette citation de Camus qui, à première vue, semble être la parfaite contradiction du sens commun que l'on donne à l'art.

N'est-il pas, lorsqu'il se concrétise par telle œuvre, l'expression même d'une activité libre ? Ne sont-ce pas les différentes contraintes extérieures (la matière, la censure, les totalitarismes…) qui empêchent l'activité artistique d'exister ? Pour comprendre le sens de cette formule camusienne, il s'avère nécessaire de la resituée dans son contexte.

Camus la prononce lorsqu'il reçoit, en 1957, le prix Nobel de littérature. En ces temps incertains, obscurcis par deux guerres mondiales, Camus prononce alors un discours qui rappelle sa conception de l'activité artistique : celle-ci, à l'image du monde et du désespoir ambiants qui règnent alors, doit être engagée. L'engagement, est-ce cela qui fait vivre l'artiste dans la contrainte et fait mourir son activité par la liberté ? Mais n'avons-nous pas ici, une conception extrême, voire réductrice de l'activité de l'artiste ? I) L'engagement contraignant de l'artiste et la libération par l'art Il n'est pas, en philosophie, de sujet plus délicat que celui de l'art.

Tous les penseurs de l'activité artistique soulignent, en effet, son caractère éminemment énigmatique, troublant.

L'expression même de son évolution dans le temps prouve que l'art ne saurait recevoir une détermination fixe.

Et c'est cela même qui est au cœur de cette sentence prononcée par Camus en 1957 : l'art reçoit, après l'horreur d'Auschwitz et la faillite des idéaux modernes de progrès, une nouvelle orientation que l'on dénomme « post-moderniste ».

C'est dans cette mouvance, à la fois désenchantée et engagée politiquement, que se situe Camus.

L'artiste, en ce sens, ne peut décemment pas extraire son travail des vérités qui se cristallisent dans son monde, mais il doit, au contraire, les comprendre pour les exprimer.

L'art sera alors un véritable travail de soi, du monde et des vérités qui éclosent en lui.

La contrainte par laquelle l'art vit doit se comprendre ainsi.

L'artiste se doit d'être le témoin de son monde, le résistant inlassable fasse aux tyrannies qui s'exercent un peu partout ici bas.

Voici comment Camus conçoit cette contrainte du métier d'artiste : « Le rôle de l'écrivain, du même coup, ne se sépare pas de devoirs difficiles.

Par définition, il ne peut se mettre aujourd'hui au service de ceux qui font l'histoire : il est au service de ceux qui la subissent.

Ou, sinon, le voici seul et privé de son art.

Toutes les armées de la tyrannie avec leurs millions d'hommes ne l'enlèveront pas à la solitude, même et surtout s'il consent à prendre leur pas.

» (Le discours de Suède) Un peu plus loin dans le texte, Camus exprime les deux engagements simultanés auxquels l'artiste, pour être reconnu comme tel, doit se soumettre : « Aucun de nous n'est assez grand pour une pareille vocation.

Mais, dans toutes les circonstances de sa vie, obscur ou provisoirement célèbre, jeté dans les fers de la tyrannie ou libre pour un temps de s'exprimer, l'écrivain peut retrouver le sentiment d'une communauté vivante qui le justifiera, à la seule condition qu'il accepte, autant qu'il peut, les deux charges qui font la grandeur de son métier : le service de la vérité et celui de la liberté.

» Vérité et liberté sont donc le moteur même de l'engagement artistique.

Mais alors, en quel sens peut-on dire que l'art « meurt de liberté » ? La liberté est moins le fait de l'artiste que son désir : il faut, en ce sens, parler de l'espoir d'une liberté humaine qui agite l'esprit de l'artiste.

Cherchant la liberté, l'artiste se veut libérateur.

Mais dans l'idée que celui-ci parvienne (chose impossible selon Camus qui, avec le mythe de Sisyphe, exprime la tâche infinie que cela représente), l'art devient, dès lors, obsolète puisque accompli ! L'art engagé, ayant réussi à délivrer les hommes de toutes leurs servitudes (à l'image du philosophe qui, dans l'allégorie platonicienne de la caverne, se délivre de ses chaînes, parvient jusqu'à la lumière de la Vérité et redescend pour délivrer les autres), signe, en même temps que son accomplissement, sa fin.

C'est précisément parce que les hommes ne sont pas libres que l'art existe encore. À un autre niveau, la liberté peut également se comprendre comme concrétisation de l'œuvre de l'artiste.

Le fait de terminer une œuvre signifie, pour celle-ci, sa mort dans l'esprit de son auteur qui commence à penser à la prochaine.

Toute production artistique est en ce sens travail d'accouchement et de mise à mort de l'œuvre. II) L'art contemporain prononce-t-il la mort de l'art ? Camus nous donne une vision de l'art qui, bien que puissante parce qu'engagée, reste discutable.

Dans la considération d'une activité artistique toute occupée de vérité et de libération, n'est-ce pas le sens initial même de. »

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