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Marx et Engels: L'art est-il le produit de la liberté ?

Extrait du document

« Personne ne peut, à Ta place, écrire Tes compositions musicales, exécuter les tableaux que Tu as imaginés. Les travaux d'un Raphaël, personne ne peut les remplacer. Sancho [Max Stirner] pourrait tout de même bien savoir que ce n'est pas Mozart lui-même, mais un autre musicien qui a écrit la plus grande partie du Requiem de Mozart et lui donné sa forme définitive. Raphaël, aussi bien que n'importe quel autre artiste, a été conditionné par les progrès techniques que l'art avait réalisés avant lui, par l'organisation de la société et la division du travail qui existaient là où il habitait, et enfin par la division du travail dans tous les pays avec lesquels la ville qu'il habitait entretenait des relations. Qu'un individu comme Raphaël développe ou non son talent, cela dépend entièrement de la commande, qui dépend elle-même de la division du travail et du degré de culture atteint par les individus, dans ces conditions. [...] La concentration exclusive du talent artistique chez quelques individualités, et corrélativement son étouffement dans la grande masse des gens, est une conséquence de la division du travail. À supposer même que dans certaines conditions sociales chaque individu soit un excellent peintre, cela n'exclurait en aucune façon que chacun fût un peintre original, si bien que, là aussi, la distinction entre travail « humain « et travail « unique aboutisse à un pur non-sens. Dans une organisation communiste de la société ce qui sera supprimé en tout état de cause, ce sont les barrières locales et nationales, produits de la division du travail, dans lesquelles l'artiste est enfermé, tandis que l'individu ne sera plus enfermé dans les limites d'un art déterminé, limites qui font qu'il y a des peintres, des sculpteurs, etc., qui ne sont que cela, et le nom à lui seul exprime suffisamment la limitation des possibilités d'activité de cet individu et sa dépendance par rapport à la division du travail. Dans une société communiste, il n'y aura plus de peintres, mais tout au plus des gens qui, entre autres choses, feront de la peinture.

« Texte : « Personne ne peut, à Ta place, écrire Tes compositions musicales, exécuter les tableaux que Tu as imaginés.

Les travaux d'un Raphaël, personne ne peut les remplacer.

Sancho [Max Stirner] pourrait tout de même bien savoir que ce n'est pas Mozart lui-même, mais un autre musicien qui a écrit la plus grande partie du Requiem de Mozart et lui donné sa forme définitive.

Raphaël, aussi bien que n'importe quel autre artiste, a été conditionné par les progrès techniques que l'art avait réalisés avant lui, par l'organisation de la société et la division du travail qui existaient là où il habitait, et enfin par la division du travail dans tous les pays avec lesquels la ville qu'il habitait entretenait des relations.

Qu'un individu comme Raphaël développe ou non son talent, cela dépend entièrement de la commande, qui dépend elle-même de la division du travail et du degré de culture atteint par les individus, dans ces conditions.

[...] La concentration exclusive du talent artistique chez quelques individualités, et corrélativement son étouffement dans la grande masse des gens, est une conséquence de la division du travail.

À supposer même que dans certaines conditions sociales chaque individu soit un excellent peintre, cela n'exclurait en aucune façon que chacun fût un peintre original, si bien que, là aussi, la distinction entre travail « humain » et travail « unique » aboutisse à un pur non-sens.

Dans une organisation communiste de la société ce qui sera supprimé en tout état de cause, ce sont les barrières locales et nationales, produits de la division du travail, dans lesquelles l'artiste est enfermé, tandis que l'individu ne sera plus enfermé dans les limites d'un art déterminé, limites qui font qu'il y a des peintres, des sculpteurs, etc., qui ne sont que cela, et le nom à lui seul exprime suffisamment la limitation des possibilités d'activité de cet individu et sa dépendance par rapport à la division du travail.

Dans une société communiste, il n'y aura plus de peintres, mais tout au plus des gens qui, entre autres choses, feront de la peinture ». Introduction : Cet extrait issu de l’Introduction à la critique de l’économie politique de Marx nous introduit dans un thème peu commun pour le communisme qui est celui de l’art.

Par artiste on évoque souvent la figure de l’homme solitaire travaillant dans son atelier seul, sans les contraintes de la société, entièrement libre.

Pourtant, tout l’enjeu de ce texte est bien de montrer que l’artiste est bel et bien au cœur de l’organisation de la société et dépendant intrinsèquement de la division du travail, du lieu et de l’époque dans lesquels il se situe.

L’art loin d’être une activité solitaire est alors une œuvre collective dont l’appropriation par un seul homme est usurpation si l’on peut dire.

A travers trois moments, Marx produit la critique d’une conception individualiste de l’artiste (1ère partie : de début du texte à « dans tous les pays avec lesquels la ville qu'il habitait entretenait des relations »), de soi-disant liberté (2nd partie : de « Qu'un individu comme Raphaël développe ou non son talent » à « la distinction entre travail « humain » et travail « unique » aboutisse à un pur non-sens ») ; enfin Marx développe la conception communiste de l’art dans une dernière approche (3 ème partie : de « Dans une organisation communiste de la société ce qui sera supprimé en tout état de cause ») à la fin de l’extrait).

C’est suivant ces trois moments que nous entendons rendre compte du texte. I – L’individualité artistique a) L’art se pense comme la production d’un individu, d’une individualité unique dans ce que l’on pourrait appeler une tour d’ivoire.

Ainsi l’œuvre est l’émanation de l’en-soi d’une personne.

Elle est la composante d’une partie de l’artiste. Elle porte sa marque.

C’est pourquoi Marx insiste particulièrement sur les pronoms possessifs et possèdent dans la traduction une telle majuscules.

Il s’agit de mettre en exergue cette individualité.

L’œuvre d’art est unique et personnelle.

Elle reflète les aspirations et les passions de l’artiste.

C’est ainsi qu’il ne peut y avoir deux œuvres identiques.

En ce sens, on ne peut effectivement pas remplacer Raphael.

Vouloir le remplacer se serait produire autre chose.

L’unicité de l’œuvre découle directement l’originalité de l’individualité.

Faire par autrui ce serait faire autrement. Ainsi on ne pourrait que copier.

L’individualité est irremplaçable et c’est pour cela que l’on conçoit l’art comme le royaume de l’unique, de l’original où l’artiste est ce génie qui fait seul dans son atelier. b) Pourtant, face à ce royaume de l’individualisme qui évoque l’intérêt de la possession et de la propriété comme œuvre de soi, Marx fait déjà une critique qui semble anodine envers Max Stirner, l’auteur de l’Unique et sa Propriété revendiquant un individualisme anarchique et combattant.

Or l’exemple que prend Marx à propos de Mozart est tout à fait significatif et d’autant plus fort qu’une abondante littérature sur le sujet est parue à cette époque.

En effet, on parle du Requiem de Mozart or Mozart n’a pas terminé cette œuvre avant sa mort.

A la mort de ce dernier, seul le Requiem æternam et le Kyrie étaient totalement achevés.

Les basses et les parties vocales du Dies Irae jusqu’à la huitième mesure du Lacrimosa étaient aussi écrites à quoi s’ajoutent quelques indications d’orchestrations.

Le domine Jesu et L’Hostias de même.

Le reste, c’est à dire le Sanctus, le Benedictus et Lux aeterna, manquaient totalement. C’est donc un des élèves de Mozart qui termina le Requiem : Franz-Süssmayer.

Dès lors, par cette remarque, c’est mettre en branle toute l’idée et l’idéologie individualiste de la production artistique.

En effet, le Requiem est typiquement l’objet d’une écriture à plusieurs mais comme le sont les peintures de Raphaël.

Dès lors, il est impossible de parler d’œuvre individuelle mais bien collective et c’est pour cela que cette critique s’adresse au tenant de l’individualisme qu’est Max Stirner critique par ailleurs tant à l’idéologie communiste. c) De l’individu on est donc passé à la collectivité et ce passage est essentiel.

L’art ne peut se comprendre pour Marx que dans le champ du travail collectif et de l’organisation du travail.

Plus exactement, l’artiste n’est pas dénué de toute considération économique et son métier n’existe que parce qu’il trouve sa place dans le jeu de la division du travail c’est-à-dire de part l’organisation de la société des travailleurs.

Et c’est là que l’exemple du Requiem est. »

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