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L'art nous montre-t-il les choses telles qu'elles sont ?

Extrait du document

« Termes du sujet: CHOSE (n.

f.) 1.

— Désigne la réalité (res en latin : chose) en gén.

; cf.

DESCARTES : « chose pensante » (âme), « chose étendue » (matière). 2.

— Désigne la réalité, envisagée comme déterminée et statique, existant hors de la représentation ; en ce sens, KANT utilise l'expression « chose en soi ». 3.

— (Par ext.) À partir du sens 2, désigne la réalité inanimée, hors de son rapport à la pensée (le monde des choses).

Rem.

: la chose se distingue d e l'objet en ce que ce dernier est construit ; cela n'implique pas que la chose soit chose en soi ; ce qui est chose se constitue comme ce qui est maniable, ce qui est disponible ; autrement dit, l'objet se réfère à la pensée, la chose à l'action ; le monde des choses, c'est le monde qui se détermine dans la pratique, et y résiste ; à partir du sens 3, le réaliste confond volontiers la chose et l'objet (cf.

DURKHEIM : « Il faut considérer les faits sociaux comme des choses »).

4.

— Chosisme : attitude qui consiste à considérer la réalité comme une chose au sens 2. Art: 1) Au sens ancien, tout savoir-faire humain, toute pratique produisant un résultat non naturel (artificiel).

2) Au sens esthétique moderne, production ou création d'oeuvres destinées à plaire (beaux-arts), c'est-à-dire à susciter par leur aspect, une appréciation esthétique positive. Oeuvre d'art : ensemble organisé de signes et de matériaux manifestant un idéal de beauté. Beaucoup d'oeuvres d'art représentent explicitement quelque chose.

C'est fréquemment le cas dans les arts plastiques.

Lorsque Monet peint la gare Saint-Lazare ou la cathédrale d e Rouen, Van Gogh l'église d'Auvers-sur-Oise ou le docteur Gachet, il existe un référent, extérieur à l'oeuvre, une réalité que, d'une certaine manière, elle reproduit.

Hors du domaine plastique, l'oeuvre peut aussi montrer le réel : Proust décrit, et même, au sens figuré, peint la jalousie dans Un amour de Swann.

Hugo représente les grands desseins humains aux prises avec l'histoire et les forces sociales.

Quant au poète, selon la formule, il peint l'amour.

Même la musique, qui n'a pourtant pas directement vocation à représenter, peut évoquer, voire décrire.

Si les titres des sonates de Beethoven (Clair de lune) ne sont souvent pas de lui, les mouvements de la Sixième Symphonie : Pastorale, sont en revanche accompagnés d'un commentaire en forme de programme. Sans parler des Quatre Saisons, ou de la Chevauchée des Walkyries de Wagner. Dès lors, l'art se trouve, relativement à la réalité qu'il montre, dans la situation d'un discours ayant cette réalité pour objet.

L'art est censé dire cette réalité.

Et la question se pose naturellement de savoir s'il dit vrai au sujet de cette réalité.

Nul ne songerait à exiger de l'art une objectivité de type scientifique.

Mais nous ne doutons pas qu'il y ait un sens à parler d e la "vérité" d'un tableau ou d'une description romanesque. Pourtant, nous assignons aussi à l'art une autre tâche, qui n'est pas de l'ordre d'un discours ou d'un témoignage.

Nous attendons des oeuvres qu'elles nous procurent du plaisir.

Selon Nicolas Poussin : " La fin de l'art est la délectation ".

D'ailleurs, l'art atteint ce dernier but même lorsqu'il représente des aspects de la réalité qui ne sont pas, par eux-mêmes, plaisants.

Boileau l'avait dit : " Il n'est point de serpent, ni de monstre odieux, / Qui, par l'art imité, ne puisse plaire aux yeux ". Comment, dès lors, concilier ces deux aspects de l'art : la vérité et le plaisir ? Et surtout, à quel type de vérité l'oeuvre d'art peut-elle et doit-elle prétendre ? Il est assez évident que l'art ne saurait nous montrer les choses comme la science nous les montre.

Cela ne signifie pas pour autant que l'art doive se contenter d'un degré inférieur de réalité.

Il a plutôt affaire à un autre " genre de vrai " selon la formule d'Alain, " un genre de vrai qui échappe à ceux qui cherchent le vrai ". L'art n'est pas étranger à la vérité, ni à la réalité, mais il n'est ni discours de vérité (Nietzsche disait : "Heureusement, nous avons l'art pour ne pas mourir de la vérité") ni image de la réalité. L'art est un mensonge.

Il est pourtant une illusion nécessaire car on ne peut vivre avec la vérité.

Puisque nous avons besoin d'illusion, il est nécessaire de falsifier le réel.

L'art est un mensonge qui se donne comme tel.

L'artiste ne prétend pas dire la vérité, au contraire, car il place l'apparence plus haut que la réalité : l'apparence signifie, pour l'artiste, la réalité affirmée dans sa totalité . "L'oeuvre d'art s e rapporte à la nature, comme le cercle mathématique au cercle naturel." Nietzsche, Le Livre du philosophe, 1872-1875. De même que la connaissance scientifique ne consiste pas à percevoir purement et simplement les objets d u m o n d e extérieur, car le scientifique construit son objet, de même l'objet artistique est fondé sur un travail d e l'esprit.

Cela veut donc dire que l'objet tel qu'il est réellement.

Nous ne connaissons pas l'objet comme "chose-en-soi", mais comme "phénomène", c'est-à-dire comme "chose-pour-nous".

L'oeuvre d'art, comme toute théorie scientifique, est une interprétation d e la réalité. Le peintre Mondrian l'indique : " Par l'émotion constante du beau, les sensations se sont épurées et approfondies ; l'homme atteint alors une vision beaucoup plus profonde de la réalité sensible ". Faut-il comprendre que la réalité a une profondeur, une pluralité de niveau ? Si l'art est art du beau (théorie particulière élaborée principalement au XVIIIe siècle), nul ne peut nier que le beau soit une caractéristique de certaines oeuvres d'art mais aussi de certains 'objets' naturels.

Où se tient cette beauté ? Dans notre regard ? Dans les choses elles-mêmes ? Ou bien dans l'oeuvre qui la matérialise, la rend sensible, offerte à la sensation ? Quel type de relation avec les choses l'art produit-il ? L'élaboration de cette question exige aussi de préciser ce que nous entendons par la " réalité telle qu'elle est ".

Si cette dernière signification était si évidente et si claire, la question pourrait-elle se poser de savoir ce que l'art nous montre des choses ? Assurément pas. De même que la sensation n'est pas une relation simple et univoque que nous avons avec les choses, de même, l'oeuvre d'art, mélange de signification et de sensible, mixte de matière et de forme artificielle, n'est pas ni une représentation personnelle des choses, ni un décalque ou une copie des choses. Répondre à cette question exige de préciser ce que nous entendons par expérience esthétique ou par oeuvre d'art, mais aussi ce que nous tenons pour cette réalité inamovible et simple que les sciences décrivent pourtant déjà comme si complexe et si multiple.. »

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