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L'art a-t-il pour fonction de donner aux choses un visage ?

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« L'art a-t-il pour fonction de donner aux choses un visage ? Il s'agit ici de savoir quel rapport l'art entretient avec la réalité et la vérité.

L'art peut se définir par une représentation, une création libre de forme.

Donner un visage aux choses, cela signifie rendre sensible par la représentation les choses, les idées,...

Cela suppose aussi que ces dernières ne sont pas entièrement données dans le sensible, dans la vie concrète.

En effet, pour donner un visage aux choses, il faut que celles-ci n'en aient pas au préalable.

Dès lors donner aux choses un visage revient à postuler qu'il existe une seconde réalité supérieure intelligible.

On peut aussi penser à des réalités abstraites comme la liberté, qui de part leur abstraction, ne peuvent exister comme telles dans le monde.

Mais si l'art se contente d'imiter la nature, comment peut-il nous faire accéder à une autre vérité et la rendre sensible? L'art n'a-t-il une vocation plus haute que de se contenter d'imiter la nature? 1.

L'art en tant que simple imitation ne peut être qu'illusion On connaît les attaques que Platon adresse à l'art dans son livre la République : en effet, pour lui l'artiste est un imitateur et sa production est "éloignée de la nature de trois degrés".

Ainsi, par exemple, il y a trois sortes de lit : l'un est l'idée du lit et n'existe que dans le monde intelligible et indépendant du sensible, le deuxième est celui du menuisier qui construit le lit en fonction de l'idée de lit et le troisième est celui du peintre qui ne fait que reproduire le lit sensible, celui du menuisier. Ainsi l'art ne consiste qu'à tromper, n'est qu'une illusion qui nous détourne de la réalité et de la vérité. On peut en effet dire que l'art a affaire au sensible : une peinture telle les natures mortes semblent ne rien nous révéler quant à l'essence de la chose, mais juste en reproduire l'image.

Mais de là à dire que tout le contenu de l'art est emprunté à dire... 2.

L'art est apparence mais comme "moment essentiel de l'essence" Hegel dans son ouvrage Esthétique va à l'encontre de la thèse platonicienne "l'art dit-on est le règne de l'apparence, de l'illusion" Mais l'art a une "apparence qui lui est propre, mais non une apparence tout court." Hegel dès lors retourne la situation : pour lui c'est la réalité qui est l'illusion la plus forte : "nous appelons réalité [...] l'ensemble des objets extérieurs et les sensations qu'ils nous procurent" mais cet ensemble "n'est pas un monde de vérité, mais un monde de vérité." La vérité vraie pour l'auteur se trouve dès lors au-delà de la sensation immédiate.

Mais l'art lui aussi n'est-il pas affaire de sensation? Pour Hegel, la vérité devient perceptible sous une belle forme dans l'oeuvre d'art. En fait, l'art se définit par la contemplation esthétique qu'il provoque chez le spectateur.

Pour Schopenhauer, cette contemplation nous met en relation avec le monde des Idées, avec donc l'essence des choses parce qu'elle nous détache du monde utilitaire.

Par la contemplation, nous sortons du monde tel que nous le connaissons pour entrer dans un autre monde, dépouillé de toutes les préoccupations concrètes. De même pour Paul Klee, "l'art ne reproduit pas le visible, il rend visible".

L'artiste ne porte pas d'importance aux apparences de la nature mais "il scrute d'un regard pénétrant les choses que la nature lui a mises toutes formées sous les yeux." L'artiste doit donc essayer de retrouver l'essence des choses et de les rendre sensible sans la trahir, il lui faut remonter "du modèle à la matrice"( Théorie de l'art moderne) 3.

La recherche de la vérité n'est pas le but de l'art Pour Nietzsche le but de l'art n'est donc nullement d'aller chercher la vérité des choses pour la rendre sensible.

C'est en effet que dans au cours du temps, l'idée qu'il existe une vérité au-delà de la réalité sensible qui expliquerait la vie, a tendu à disparaître.

L'art dès lors ne peut plus aller chercher une réalité supérieure des objets pour lui donner un visage, puisqu'il n'y a rien d'autre que ce que nous voyons tous les jours. Dès lors, l'art pour Nietzsche ne fait que répéter l'apparence mais pour elle-même, sans autre but, finalité.

La fonction de l'art dès lors est de nous faire prendre conscience de l'absurdité de la vie, de l'absence de transcendance.

L'oeuvre d'art est alors le témoin de la lucidité dont l'homme est capable, mais bien loin de mener comme chez Schopenhauer, à désespérer de la vie, l'art sert à réaffirmer le désir de vie par-delà l'absurdité du monde.

L'oeuvre d'art n'est plus dès lors apparence trompeuse, ni même apparence de l'essence mais apparence salutaire qui en reproduisant l'illusion de la vie, la rend sensible et la reproduit pour sa propre continuation.

Elle est illusion joyeuse qui permet de vivre quand même. Ainsi, si l'art avec Platon n'est qu'imitation éloignée de la vérité, qui ne fait que reproduire le sensible, il acquiert avec Hegel une dimension plus profonde, puisqu'il a effectivement la tâche de faire apparaître la vérité qui gît au-delà de la réalité et avec Schopenhauer de donner un visage aux Idées, à l'essence des choses.

Cependant, dans un monde où la vérité fait défaut et devient la grande absente, l'utilité de l'art n'est plus de donner un visage aux choses puisque la forme qu'elles ont dans la vie et la perception quotidienne la seule forme, le seul visage possible.

Dès lors, l'art n'est plus que le reproduction des choses en elle-même pour nous permettre de prendre conscience de l'absurdité du monde, de son absence de sens et en même temps de nous permettre de continuer à vivre.. »

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