Aide en Philo

L'art modifie-t-il notre conscience du réel ?

Extrait du document

 

Est-ce que les oeuvres d'art paraissent sans finalité que l'on n'en finit pas de leur chercher une fonction ou une efficacité ? On a pu les considérer comme porteuses de contenus idéologiques, comme prophétiques, ou comme constituant un mode particulier de connaissance. Se demander si l'art modifie notre conscience du réel est en apparence plus modeste, puisqu'il s'agirait de repérer non une fonction, mais un effet: l'art, par sa seule présence, suffirait à transformer la conscience. N'est-ce pas ce que révèlent la méfiance qu'il suscite dans la philosophie, ou le contrôles que les régimes totalitaires veulent lui imposer ? Si l'on admet que toute image est dotée d'un pouvoir, l' art, même s'il n'est pas qu'images, paraît en mesure de modifier notre conscience du réel.   

 

« Demande d'échange de corrigé de Garde Maxime ([email protected]). Sujet déposé : L'art modifie-t-il notre conscience du réel ? Est-ce que les oeuvres d'art paraissent sans finalité que l'on n'en finit pas de leur chercher une fonction ou une efficacité ? On a pu les considérer comme porteuses de contenus idéologiques, comme prophétiques, ou comme constituant un mode particulier de connaissance.

Se demander si l'art modifie notre conscience du réel est en apparence plus modeste, puisqu'il s'agirait de repérer non une fonction, mais un effet: l'art, par sa seule présence, suffirait à transformer la conscience. N'est-ce pas ce que révèlent la méfiance qu'il suscite dans la philosophie, ou le contrôles que les régimes totalitaires veulent lui imposer ? Si l'on admet que toute image est dotée d'un pouvoir, l' art, même s'il n'est pas qu'images, paraît en mesure de modifier notre conscience du réel. Représenter, c'est déjà modifier notre rapport au réel.

Quel réel l'art nous invite-t-il à considérer? Les relations entre l'art et la philosophie ne sont pas toujours de bonne entente.

Dès ses débuts, la philosophie met les oeuvres en accusation, en leur reprochant d'orienter les esprits vers ce qui ne peut être porteur de vérité.

Qu'il s'agisse de la peinture, ( qui n'est qu'imitation des apparences des choses) ou de la poésie qui participe d'un "délire", même s'il est d'origine sacrée et se révèle d'une valeur très aléatoire , l'art risque de séduire pour de mauvaises raisons.

En aucun cas il ne peut être une introduction aux Idées ne serait-ce que dans la mesure où il est lié à la perception et au corps.

La représentation n'est pas uniformément condamnée.

Tous les philosophes ne se montrent pas aussi exigeants que les néoclassiques, même s'ils ne se privent pas de contester la valeur de la simple imitation.

C'est notamment ce que fait Hegel en considérant que cette imitation ne peut guère être davantage qu'une "caricature de la vie", puisqu'elle est incapable d'en restituer tous les aspects.

Mais Hegel n'en souligne pas moins au passage que l'on doit distinguer la représentation de la tentation strictement mimétique.

Représenter un corps ou un objet, c'est en effet attirer sur lui l'attention du spectateur, c'est-à-dire l'extraire d'un contexte initialement indifférencié.

En ce sens, l'objet peint n'est pas l'équivalent de l'objet réel qui sert de modèle : il dépend de l'activité de l'esprit et appartient à la sphère de ce dernier.

Le réel devient pittoresque en fonction de l'art .

Toute image figurative résulte d'une sélection dans le réel : elle cadre son motif et le donne à voir autrement.

Au point que notre perception du réel peut être ensuite modelée parce-que nous connaissons, même de manière diffuse, l'art. Qu'est-ce que par exemple un paysage pittoresque, sinon un paysage qui mériterait d'être peint ou qui semble présenter des qualités semblables à celles que l'on trouve dans un tableau de paysage? Cela supposerait, en amont d'un tel jugement, que la peinture a informé le regard. Or, l'art ne se contente pas de représenter.

La représentation introduit une valeur inédite.

Parce-que la représentation n'est pas qu'une simple copie mais qu'elle résulte d'une élaboration, le réel qu'elle restitue est transformé : ses formes changent.

Classiquement, il en résulte une beauté qui n'était pas dans le réel ordinairement perçu, mais que l'on a pu interpréter, soit comme idéalisation de ce dernier, soit comme exhibant son arrière plan secret.

Quoi qu'il en soit, la formule de Kant selon laquelle "l'art n'est pas la représentation d'une belle chose, il est la belle représentation d'une chose", souligne fortement l'écart qui existe entre la "chose" telle qu'elle est présente dans le réel et la chose telle qu'elle apparaît dans une oeuvre: entre la première et la seconde est venue s'ajouter la beauté.

Et l'art moderne abandonne la représentation du réel .

Les transformations imposées par l'art moderne au réel visible sont toutefois telles qu'il en finit par en abandonner, au moins dans certains de ses courants, la représentation.

Le fauvisme n'en conserve que des formes grossières, agressivement colorées; le cubisme le traduit en structuration géométriques ; le surréalisme en propose des combinaisons et des métamorphoses telles que l'on manque de mots pour en nommer les résultats.

Quant à l'abstraction, il semble que le visible quotidien ne l'intéresse aucunement.

Il n'en reste pas moins que ces démarches continuent à concerner le réel : soit qu'elles en proposent des versions totalement inédites, soit qu'elles suggèrent que la réalité est autrement constituée que nous ne le pensons spontanément. La liberté de l'art relativement au réel en modifie la conscience possible.

L'art expose la liberté de l'esprit.

A travers sa longue histoire, l'art n'en finit pas d'enseigner que la conscience a toujours la possibilité d'interpréter autrement ce qui était alors admis comme le réel.

L'artiste est sans doute l'initiateur de nouvelles formes de conscience, puisque c'est d'abord lui qui propose une version inédite du réel.

Mais la liberté qui est la sienne dans l'invention irrigue celle du public, qui apprend à voir, même à vivre autrement ses relations avec ce qui l'entoure.

Jean Duvignaud a pu montrer que le théâtre classique, loin de refléter ce qui était vécu, proposait aux spectateurs de son temps de nouvelles formes, de langage ou de politesse, mais aussi de vie affective ou sociale.

C'est ce dont témoignent les régimes totalitaires.

C'est pourquoi il n'est pas surprenant de constater que les régimes totalitaires formulent à l'égard de l'art des exigences contraignantes.

Rejetant ses recherches et cherchant complémentairement à imposer certains styles , le pouvoir a bien pour projet d'utiliser l'art pour modifier la conscience d'une population dans la direction qui lui convient.

le réalisme socialiste veut imposer une version unique de la réalité sociale ( celle d'un aujourd'hui qui chante déjà) et exclut du champ de l'art toute oeuvre proposant une version différente.

De même, le pouvoir nazi pourchasse ce qu'il nomme l'art dégénéré ( en gros, l'art moderne) pour imposer à la population allemande une conscience orientée vers l'exaltation de la famille la patrie, du Führer et des valeurs guerrières.

L'art se trouve ainsi ravalé au rang d'instrument de propagande, mais cette dégradation elle-même lui reconnaît la capacité de modifier la conscience. Pour conclure, les transformations que l'art apporte à notre conscience du réel sont diverses selon les formes artistiques, mais elles semblent incontestables.

Au point que l'on peut en venir à se demander puisque la diversité historique des oeuvres est telle, à travers les époques et les cultures, que toute tentative de définition universelle de l'art semble vouée à l'échec , si cette capacité ne fournirait pas un critère permettant de le cerner a coup sûr : pour peu que la conscience du réel se trouve modifiée par des voies d'abord sensibles, on aurait bien affaire à de l'art. Sujet désiré en échange : La connaissance scientifique s'oppose-t-elle aux croyances religieuses?. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles