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L'art est-il Subversif ?

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« La subversion, c'est contrevenir aux règles établies, saper les institutions.

Dans ce cas, l'art est l'un des moyens privilégiés pour cela.

Mais est-il réellement subversif au point d'avoir des moyens d'action sur la vie humaine ? C'est là la question importante, non pas que des artistes viennent bousculer les codes des artistes des générations précédentes, c'est là une évidence mais que la question réelle est le pouvoir de l'art en dehors de sa sphère propre.

Là la question est moins évidente car l'art lui-même peut être le lieu de l'expression du pouvoir en place qu'il peut aider à se maintenir et par conséquent quelque chose de conformiste. 1) L'art, lieu du conformisme ? L'éducation académique, s'attachant à l'étude du métier, vide de son contenu et de son sens le thème qui devient un poncif.

Aussi, ce que l'on apprenait dans les académies de la seconde moitié du XVIIe et durant tout le XIXe siècle était surtout la manière de bien faire un glacis, de rendre les chairs ou le velouté des fleurs, autant de vertus artisanales qu'appréciait le bourgeois, amateur du « beau métier », valeur rassurante dans une société stabilisée.

Les grands poncifs ont pour origine les principaux thèmes de la peinture : religion, mythologie, natures mortes et scènes de genre.

Aussi le peintre français Bouguereau (1825-1905) est l'exemple de l'art académique et conventionnel, On a critiqué sa technique froide, « son sentiment est pincé », sa matière picturale est trop fine, trop « léchée ».

Pourtant l'aspect de ses esquisses est beaucoup plus personnel, avec des coups de brosse fluides et des couleurs franches rappelant une certaine fougue romantique.

Mais, lors de l'exécution du tableau, on applique les « recettes » de l'art officiel qui rendent le modelé plat, l'expression rigide, la touche pauvre, glacée par un vernis brillant .

Substance des formes et lumière disparaissent dans une sorte de « peinture gazeuse ».

Au demeurant, l'invention est médiocre et les figures se répètent : la plupart du temps des nus aux rondeurs bourgeoises ; « vers 1900, remarque Pierre Francastel, c'est Bouguereau qui donnait le frisson, qui émoustillait le bon public ».

Ses défauts sont ceux de la peinture académique.

Ce producteur fécond pour clientèle de riches amateurs a dominé avec d'autres peintres, l'art officiel des dernières années du siècle, au moment où luttent pour s'affirmer des artistes comme Manet ou les impressionnistes, porteurs d'une autre conception de l'art.

On oublie moins aujourd'hui les peintres académiques qui ont cru transmettre à l'exemple de Bouguereau, une vision picturale immuable au moyen d'une facture laborieuse.

Ici, l'art contribue au contraire à entretenir le conservatisme ambiant de la société, en laissant de côté l'art véritablement subversif et créateur.

Il existe donc un art conformiste et un art créateur. 2)La subversion des canons artistiques. Sous sa plume, le « Manifeste dada 1918 » vitriole toutes les valeurs et lance l'appel à la subversion totale, soutient la prééminence de la vie et de l'acte sur les arts et les idées, invite à jeter bas les idoles et tend sur l'Europe revenue à la paix, une paix baignée de sang et de boue, le cordon Bickford de Dada : « ...

Dada ne signifie rien [...] Je suis contre les systèmes, le plus acceptable des systèmes est celui de n'en avoir aucun [...] Que chaque homme crie : il y a un grand travail destructif, négatif, à accomplir.

Balayer, nettoyer.

» Ce mouvement récuse toute hiérarchie des valeurs ; il prône l'éphémère, le jour toujours nouveau, l'interchangeabilité des moyens, la confusion des genres.

Dada naît dans le spectacle et pour le spectacle.

Aussi, la subversion passe par la rupture totale avec ce qu'on attend de l'art.

Par- là, l'art veut choquer, heurter le spectateur, à l'instar des premières œuvres de Marcel Duchamp qui ont marqué ont été les readyMade, véritable objet de la vie quotidienne récupérés, et simplement décontextualisés et élevées au rang d'œuvre d'art. Un porte-bouteille, une roue de vélo, un bidet.

On peut imaginer que par là s'amorce une rupture avec toute définition traditionnelle de l'art, de l'art conçu comme un objet, un artefact conçu des mains de l'artiste, de l'art comme création.

La récupération amorcée par les Nouveaux Réalistes et dans un forme différente par le pop art laisse imaginer que tout peut rentrer dans le domaine de l'art, qu'il n'y plus de critère discriminant pour rejeter une œuvre hors de l'art.

Des artistes comme Arman, César reprend des éléments de la vie quotidienne dans des compressions, des réarrangements avec notamment des poubelles, des déchets, des voitures.

Le pop art par le biais de Wahrol fait rentrer des boites de conserve, d'emballage dans le domaine de l'art. 3) L'art a-t-il un réel pouvoir subversif ? La subversion artistique est une réaction contre l'« hégémonie » culturelle de la classe au pouvoir est en plein renouveau aujourd'hui.

Depuis un siècle, anarchistes et surréalistes lui avaient ouvert la voie, mais la résurgence gauchiste » tire sa propre dynamique d'une part des contradictions de la société de consommation, de l'autre des déceptions suscitées par la révolution de type marxiste, embourbée dans la bureaucratie et le dogmatisme.

Puisque la révolution politique ne conduit pas à l'« homme nouveau » qu'elle laissait espérer, autant faire naître directement ce dernier, et lui permettre, sans intermédiaire, de s'imposer.

On comprend mieux, dès lors, l'esprit qui a inspiré la révolution culturelle en Chine, mais surtout la contestation culturelle aux États-Unis, tendue non vers un contre-pouvoir, mais vers une contre-culture, une contre-société réellement libératrices.

Démystification sociale, ethnique, sexuelle, linguistique, culturelle, nationale, etc., tout est bon qui y conduit, des sit in aux séquestrations, de la drogue aux communes hippies, des festivals de pop music aux manifestations pacifistes ou aux batailles rangées avec la police.

L'action des gardes rouges, l'ampleur du mouvement outre-atlantique, comme en France les événements de mai 1968, montrent que cette forme de subversion n'est pas sans portée.

La spontanéité, cependant, n'est pas toujours gage d'efficacité.

Sur ce plan, la supériorité de la subversion politique est manifeste.

Aussi, pour une réelle efficacité de la subversion, il faut agir réellement dans les structures, les institutions pour influer réellement sur le cours des choses. Conclusion. L'art est subversif dans la mesure où par lui peuvent advenir des changements radicaux dans la manière de penser et de concevoir le monde.

Mais la subversion que peut engendrer l'art reste bien inoffensive si elle n'est pas suivie d'une subversion politique quelque soit sa forme.

Les artistes doivent tenter d'agir dans la réalité par le biais de leur art, mais ce dernier n'est pas en soi subversif, il peut exprimer le conservatisme et n'être que l'appareil d'expression du pouvoir.

L'art est le lieu de la liberté, mais encore faut-il faire un bon usage de celle-ci et ne pas la dévoyer.. »

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