L'application des mathématiques à tous les domaines de la réalité est-elle légitime ?
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Introduction
Les mathématiques font partie intégrante de notre vie : nous nous en servons non seulement pour calculer nos
dépenses ou mesurer un terrain, mais aussi pour bien d'autres activités qui ne semblent a priori rien avoir à faire
avec les mathématiques.
Les statistiques électorales et tous les sondages ou encore les tests de personnalité
utilisés lors des entretiens d'embauches sont basés sur des calculs mathématiques.
Les mathématiques sont la
première matière scientifique enseignée à l'école, et l'on considère souvent que leur acquisition est une
propédeutique indispensable à l'apprentissage de la physique.
Même dans le domaine de la littérature, de nouveaux
logiciels sont censés pouvoir déterminer qui est l'auteur d'un texte en utilisant un base de données de l'auteur
hypothétique et en établissant statistiquement si le texte utilise le même vocabulaire, les même tournures
syntaxiques à une même fréquence.
L'application des mathématiques s'est donc étendue à tous les domaines de la
réalité.
Tout est jugé quantifiable, mesurable, et même, on estime que les résultats ainsi obtenus sont bien plus
fiables et objectifs que l'avis du spécialiste.
Les chiffres ne mentent pas, et l'on peut tout mettre en chiffre.
Pourtant, on peut se demander si tout est réellement quantifiable et mesurable, et surtout si cette quantification
est toujours pertinente.
Est-il légitime d'utiliser les mathématiques dans tous les domaines ? Qu'est-ce qui justifie
cette application ? N'y a-t-il pas domaines qui échappent à une telle abstraction ? Ce qu'il faut donc estimer, c'est
à la fois la légitimité et la portée d'une telle application.
I.
les mathématiques comme science universelle
A.
les mathématiques sont fiables et objectives.
Kant, dans la préface à la seconde édition de la Critique de la
raison pure place les mathématiques aux côtés de la physique comme les deux sciences dont le progrès a toujours
été assuré.
Ces sciences ont donc réussit ; elles progressent inexorablement.
Pourquoi ? Parce qu'elles sont
entièrement a priori, c'est-à-dire que leurs principes précèdent l'expérience.
B.
parce qu'elles sont une abstraction, c'est-à-dire qu'elles isolent par la pensée ce qui ne peut être isolé dans la
réalité, elles sont à la fois indépendantes par rapport à la réalité, et applicable à tous ses domaines.
Hume écrit
dans L'Enquête sur l'entendement humain IV, 1 qu'il existe deux types de
relations : les relation d'idées et les relations de faits.
Les relations de faits
sont celles qui sont établies sur l'expérience : je vois le soleil se lever tous les
matins, et j'en déduis que le soleil se lèvera demain.
Je transfère donc le
passé sur le futur, pourtant, toutes les relations de faits sont accidentelles,
c'est-à-dire qu'il est tout à fait concevable que le soleil ne se lève pas
demain.
Par contre, les relations d'idées sont nécessaires : même s'il n'existait
aucun triangle, les propositions d'Euclide sur les triangles seraient encore
vraies.
C.
les mathématiques sont donc universelles parce qu'elles sont abstraites :
ne tenant pas compte de la matière, elles peuvent s'appliquer à l'importe
quelle matière.
La connaissance vraie est donc mathématique : Descartes
dans Les règles pour la direction de l'esprit présente les mathématiques
comme une mathesis universalis, science universelle, et en particulier ce qu'il
appelle l'analyse, or l'analyse est une branche mathématique qui a pour
méthode de chercher quelque chose en le supposant connu.
Par exemple, à la
question : par trois points quelconques, peut-on faire passer un seul cercles ?
L'analyse répond en faisant comme si ce cercle existait et se demande quelles
sont ses propriétés : s'il passe par A et B, c'est qu'il est sur la médiatrice du
segment [AB], et s'il passe par C, c'est qu'il est aussi sur la médiatrice de
[AC] ou de [BC], le centre du cercle sera donc à l'intersection des deux
médiatrices : il s'agit de travailler sur ce qu'on ne connaît pas en le supposant connu.
Transition : si l'on considère que les mathématiques sont une science universelle et certaine, si on les place au
sommet de l'échelle des sciences, il devient tout à fait tentant de considérer que toute connaissance sera
mathématique.
II.
pourtant, par leur abstraction, c'est-à-dire ce qui fait leur force, les mathématiques ne sont-elles pas
circonscrites à un domaine propre ?
A.
est-ce que tout est mathématisable ? La réponse semble être oui, puisque même le style d'un auteur peut être
exprimé en termes de fréquence lexicale et syntaxique.
Le problème, c'est de déterminer ce que cela nous apprend :
peut-on pour autant qualifier son style ? Dire quel effet son lexique produit sur le lecteur ? On pourrait bien entendu
produire un algorithme qui nous permettrait de déterminer quel genre de lecteur va aimer tel genre de livre, on peut
utiliser les statistiques pour constater que les femmes lisent plus de romans d'amour que les hommes, mais qu'est-ce
que cela nous apprend ?
B.
les mathématiques nous fournissent une méthode, mais que dans ce cas, l'interprétation reste en dernier recours
non mathématique : comment définir le roman d'amour ? Pour le classer comme tel, il faut auparavant définir ce
qu'est un roman d'amour, et même si l'on utilise là encore des chiffres, avec par exemple un relevé de certains.
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