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Langage scientifique et langage ordinaire ?

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« Le langage n'est pas seulement un instrument de connaissance.

C'est aussi un moyen de communication sociale, qui nous relie aux autres hommes.

Il est donc difficile de réduire nos discours à la seule question de leur vérité ou de leur fausseté.

La langue du savoir est toujours, d'ailleurs, quelque peu artificielle, ou en tout cas précautionneuse.

Soumise à des exigences de signification rigoureuse, elle subit des contraintes qui l'éloignent du langage courant.

Par exemple, elle décontextualisera ses phrases ; elle éliminera des mots comme « ici », « maintenant », « demain », « je », etc., qui ne signifient rien sans contexte, indiquent davantage la position de celui qui parle que ce dont il parle et ne peuvent donc avoir aucune valeur stable de vérité ; pour la même raison, elle éliminera les noms propres ; elle clarifiera les ambiguïtés logiques, etc. Aussi avons-nous vu qu'en traitant la question du langage en fonction du seul problème de la vérité, des philosophes comme Carnap ou Russell ont été hantés par le rêve d'une langue idéale et ont eu tendance à considérer que le langage ordinaire n'avait pas d'intérêt philosophique. Énoncés « performatifs » et énoncés « constatifs » A partir de la Deuxième Guerre mondiale, la philosophie analytique de langue anglaise infléchit ses recherches en portant son attention sur le langage ordinaire, sur les richesses et les subtilités qu'il recèle.

Les représentants de cette seconde génération de philosophes « analytiques » sont Gilbert Ryle, Peter F.

Strawson et surtout John L.

Austin, dont l'ouvrage Quand dire, c'est faire est publié en 1960.

Il y montre que le langage n'est pas seulement un moyen de connaître le monde, mais qu'il est un acte total, impliquant tout un jeu de relations complexes entre les interlocuteurs, le contexte, les conditions de communication et d'action, etc. En particulier, Austin met en évidence l'existence d'« énoncés performatifs » qui consistent non pas, comme les « énoncés constatifs », à décrire un état de choses, mais à accomplir une action.

Tels sont, par exemple, les avertissements, les promesses, les déclarations...

« Je vous déclare unis par les liens du mariage » ne décrit pas un mariage : c'est l'acte même par lequel un maire procède au mariage de deux personnes. Il ne faut donc pas se demander si une telle phrase est vraie ou fausse (c'est-à-dire, dans le vocabulaire d'Austin, l'analyser du point de vue de sa valeur ("locutoire"), mais à quelles conditions elle réussit (c'est-à-dire mettre en évidence sa valeur « illocutoire »). Généralisant ces réflexions, Austin montre que toute phrase, même descriptive ou « constative », a une dimension « illocutoire » ou « performative ».

Par exemple, la phrase : « Le train va partir dans deux minutes » n'est pas seulement la description d'un fait, elle est aussi un avertissement.

Si le train ne part pas, faut-il dire que cette phrase est fausse, ou qu'elle a échoué ? La pragmatique Parler d'aspect « illocutoire » du langage suppose donc qu'on considère celui-ci non comme une description, mais comme une action.

C'est cette dimension du langage qu'étudie la pragmatique.

Ce mot fut introduit pour la première fois en 1938 par le philosophe américain Charles Morris.

La pragmatique est une approche du langage qui considère celui-ci non seulement dans son organisation interne (syntaxe) ou dans sa signification (sémantique), mais qui le considère comme un acte.

Analyser le langage du point de vue « pragmatique », c'est l'analyser du point de vue de la communication et de ses usages ordinaires et variés. Cela remet en cause l'idée qu'il existe des règles absolues de la signification, dont le langage scientifique serait le prototype.

Ainsi Wittgenstein, abandonnant la philosophie qu'il avait soutenue dans le Tractatus, en vient à comparer le langage à une boîte à outils, faite d'instruments multiples aux multiples fonctions.

Il n'existe pas une manière correcte et d'autres incorrectes de les utiliser : tout dépend des situations et de ce qu'on vise. Tout énoncé est valable qui, dans le « jeu de langage » qui lui est propre, remplit sa fonction de communication, même s'il ne signifie rien de défini (exemple : ("Attends-moi à peu près là"). Étudier le langage dans sa dimension pragmatique conduit à investir les domaines de l'éthique ou de l'esthétique, en analysant les façons que nous avons d'exprimer nos jugements de goût ou nos jugements moraux.

L'analyse du langage ordinaire a également un intérêt du point de vue de la philosophie politique : on élucidera alors comment le langage peut être un moyen de domination ou d'oppression, ou être, au contraire, une condition du débat démocratique (voir infra, p.

187). Il ne faut pas confondre la pragmatique et le pragmatisme, philosophie née aux États-unis avec Charles S. Pierce et William James à la fin du XIXe siècle, et selon laquelle une croyance vraie n'est pas une simple « copie » de la réalité, mais ce qui nous permet d'agir efficacement sur la réalité.. »

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