La vérité est-elle éternelle ?
Extrait du document
«
La vérité peut-être définie comme la conformité de l'idée que nous nous faisons des choses à la réalité de ces
choses.
Mais le poids de cette notion dans toute l'histoire de la philosophie et les multiples controverses dont elle
fut l'objet, nous impose de souligner l'aspect provisoire de cette définition.
En effet, le fait de demander si la vérité est éternelle interroge la possibilité même de la vérité.
Car si la vérité
change, alors c'est que ce que l'on croyait vrai se découvre comme faux.
La vérité est-elle possible ?
I.
L'essence immuable des choses
La distinction fondatrice de la recherche philosophique est celle que fait Platon entre l'opinion et la vérité.
On
connait bien sûr l'Allégorie de la Caverne, mais cette distinction apparaît également dans le Ménon.
Dans le Ménon,
Platon fait une différence entre trois ordres.
L'opinion, l'opinion droite et la connaissance.
Il prend l'exemple du
voyageur qui demande la direction de Larissa.
Une première personne peut lui réponde « c'est par là je pense, à ce
que l'on m'a dit ».
Cette réponse n'est qu'une opinion, elle est vague, ne comporte pas de justification, si ce n'est
dans le ouï-dire.
Platon prend l'image d'un colombier où volent des oiseaux en bandes séparées.
Les opinions sont
sans attaches solides, elles sont flottantes et on en change comme de chemise.
Une seconde personne dira :
« c'est dans cette direction je crois » en indiquant effectivement la bonne direction sans se tromper.
C'est encore
une opinion, mais une opinion qui tombe juste, une opinion droite, bien qu'elle ne comporte pas de justification
précise de ce qu'elle avance.
Ainsi en est-il, explique Platon, des politiques qui sont habiles et prennent d'instinct
des décisions correctes, mais ne savent pas exactement pourquoi parce qu'ils n'ont pas de science politique, mais
seulement une inspiration juste de ce qu'il fallait faire.
Si Périclès avait eu une science politique il aurait su la
transmettre à ses enfants, ce qu'il n'a pas su faire, parce qu'en fait il n'avait qu'une disposition naturelle, il n'avait
que l'opinion droite sans la science.
Une troisième personne dit « cela se trouve dans cette direction », mais elle,
l'affirme parce qu'elle s'est déjà rendue à Larissa, elle a une connaissance du chemin qui y mène, elle possède donc
des raisons certaines de penser que la route se trouve par là.
Ainsi en est-il de la science quand elle entend
démontrer par raisonnement une affirmation..
Il apparait donc que la vérité se distingue de l'opinion en ce qu'elle est
vérifiable à tout moment et qu'à chaque fois, il y a confirmation.
Tandis que l'opinion est changeante et s'attache
moins à la vérité qu'à l'aspect pratique de son but.
C'est ce qu'Auguste Comte et les positivistes nomment la
vérification : l'observation expérimentale de la théorie scientifique, a fortiori lorsqu'une série d'observations vérifient
successivement cette hypothèse.
II.
Critique de l'induction
Est-on absolument sûr que si l'on observe cent fois cent cygnes différents, est-on sûr pour autant que tous les
cygnes seront blancs jusqu'à la fin des temps ? En d'autres termes, peut-on l'induction mène-t-elle indubitablement
à des propositions de vérité générale ? C'est là la critique que formule Popper contre la science inductive.
Toutes les
sciences sont basées sur l'observation du monde.
Comme cette observation est par nature partielle, la seule
approche possible consiste à tirer des lois générales de ces observations (remarquons que c'est l'approche générale
et fondamentale de tout organisme vivant qui apprend de son milieu).
Si cette démarche permet d'avancer, elle ne
garantit en aucun cas la justesse des conclusions.
Pour Popper, il faut donc prendre au sérieux l'analyse de Hume
qui montre l'invalidité fréquente de l'induction.
Cette critique de l'induction conduit donc Popper à remettre en cause
l'idée (chère aux positivistes) de vérification.
Plutôt que de parler de « vérification » d'une hypothèse, Popper
parlera de « corroboration », c'est-à-dire d'observation qui va dans le sens prévu par la théorie.
Or, même par un
grand nombre d'expériences, la corroboration ne permet pas de conclure à la « vérité » d'une hypothèse générale
(supposée valide pour toutes les observations jusqu'à la fin des temps).
Une proposition scientifique n'est donc pas
une proposition vérifiée - ni même vérifiable par l'expérience -, mais une proposition réfutable (ou falsifiable) dont on
ne peut affirmer qu'elle ne sera jamais réfutée.
La proposition « Dieu existe » est pour Popper dotée de sens, mais
elle n'est pas scientifique, car elle n'est pas réfutable.
La proposition « tous les cygnes sont blancs » est une
conjecture scientifique.
Si j'observe un cygne noir, cette proposition sera réfutée.
C'est donc la démarche de
conjectures et de réfutations qui permet de faire croître les connaissances scientifiques.
Pour mieux le comprendre, prenons un exemple.
Au XVII° siècle, un maître puisatier de Florence constate qu'il est
impossible de faire monter l'eau du puits au moyen d'une pompe aspirante à une hauteur supérieure à 10,33 m audessus de la surface de l'eau.
Galilée, instruit par Torricelli de cette observation, pose l'hypothèse que cette
hauteur d'eau est inversement proportionnelle à la densité de ce liquide qu'est l'eau.
Torricelli se propose de vérifier
cette hypothèse par l'expérience suivante : on retournera dans un cristallisoir un long tube contenant du mercure
(qui a la particularité d'être beaucoup plus dense que l'eau) et on mesurera à quelle hauteur se stabilise ce liquide.
Par un calcul simple, à partir de l'hypothèse de Galilée et connaissant la densité respective de l'eau et du mercure,
on peut prévoir que le mercure se stabilisera à une hauteur d'environ 76 cm.
Aux yeux de Popper, nous sommes bien
ici dans le domaine de la science car il y a bien falsifiabilité de l'hypothèse.
En effet, si la hauteur de mercure
constatée est très différente de celle qu'on attend, on est assuré que l'hypothèse de Galilée est fausse.
Si, en
revanche, la hauteur de mercure est bien de 76 cm (ce qui fut le cas) alors l'hypothèse est probablement vraie.
Les
théories scientifiques ont un caractère hypothétique.
On peut infirmer une thèse mais jamais la confirmer
totalement.
« Nous ne savons pas, nous pouvons seulement conjecturer ».
L'attitude scientifique est donc une
attitude critique qui ne cherche pas des vérifications mais tout au contraire des tests qui peuvent réfuter la théorie
mais non l'établir définitivement..
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