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La technique jette-t-elle un voile sur la réalité ?

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On peut ainsi se demander si la division technique du travail ne court pas le risque, à terme, d'instrumentaliser le travailleur, de l'assimiler à un simple outil, réduit à l'application mécanique d'une fonction définie au préalable. La division du travail n'est-elle pas, comme le suggère Marx, une division du travailleur lui-même dans la mesure où elle fait exister la totalité de la production hors de lui, échappant ainsi à son contrôle ? Dans le Capital, Marx écrit la chose suivante au sujet des conditions de travail des ouvriers anglais dans les manufactures : « Ce n'est pas seulement le travail qui est divisé, subdivisé et réparti entre divers individus, c'est l'individu lui-même qui est morcelé et métamorphosé en ressort automatique d'une opération exclusive ».

« La technique jette-t-elle un voile sur la réalité ? La technique peut se définir comme « ensemble de procédés bien définis et transmissibles, destinés à produire certains résultats jugés utiles ».

La technique se distingue donc de la simple habitude : elle n'est pas simplement une manière d'agir ou un état d'esprit acquis par la répétition fréquente des mêmes actes mais elle implique au contraire une représentation rationnelle plus ou moins abstraite.

Mais la technique n'est pas pour autant réductible à la science puisque cette dernière a pour fin de représenter la réalité alors que la technique se propose de la transformer.

Ce qui est essentiel dans la notion de technique, c'est le rapport de moyens à des fins (des buts) : une technique est un moyen ou un ensemble de moyens adapté(s) à une (ou parfois plusieurs) fin(s).

Dans la mesure où la technique permet de parvenir à une relative maîtrise de la nature en instaurant un rapport rationnel à son égard (la technique et le travail permettent à l'homme de se faire « maître et possesseur de la nature », pour reprendre l'expression de Descartes, dans le Discours de la méthode), elle peut se présenter comme un moyen de libération. La transformation du donné, de la chose immédiate, qu'implique la technique n'est-elle pas indispensable pour se délivrer de la nécessité des lois de la nature ? En retour, la technique ne cache-t-elle pas la nature et la réalité ? 1) La technique provoque la nature. Selon Martin Heidegger dans la question de la technique dans Essais et conférences : « Elle aussi est un dévoilement.

C'est seulement lorsque nous arrêtons notre regard sur ce trait fondamental que ce qu'il y a de nouveau dans la technique moderne se montre à nous. Le dévoilement, cependant, qui régit la technique moderne ne se déploie pas en une production au sens de la poiesis.

Le dévoilement qui régit la technique moderne est une provocation par laquelle la nature est mise en demeure de livrer une énergie qui puisse comme telle être extraite et accumulée.

» C'est ce qu'il appelle l'arraisonnement du monde.

Cet arraisonnement n'a rien en vérité de technique.

Il fait la différence entre le commettre et le dévoilement.

Cet arraisonnement entrave le véritable dévoilement qui n'est possible en définitive qu'avec l'art.

La technique provoque la nature, Un paysan par exemple en labourant sa terre ne la provoque pas.

Il n'y a plus d'accord entre l'homme et la terre, il doit la transformer pour en tirer une énergie, une matière qui ne se trouve pas comme telle disponible.

Construire un barrage, une carrière de minerais, une centrale nucléaire est une provocation.

Aussi le travail du paysan sera dit proche de la nature, et la technique moderne éloigne l'homme de la nature en vérité puisque l'homme cherche à en outrepasser les limites, à la dépasser, à en retirer quelque chose qu'elle ne donne pas naturellement. 2)La technique masque la réalité humaine : l'exemple de l'aliénation. Le travail en soi semble permettre à l'homme d'affirmer sa puissance créatrice sur la nature et d'accomplir sa propre nature par le pouvoir formateur de ce travail.

Mais le régime dit capitaliste et l'institution du salariat qu'il implique nécessairement peuvent avoir pour effet la dégradation du travail et l'aliénation du travailleur dans l'industrie ; nous allons voir que cette dégradation est due entre autres à une certaine forme de division du travail, et à l'automatisation des moyens de production.

Distinguons avant tout la division du travail que Marx rend responsable d'une forme d'aliénation d'une division simplement technique du travail.

Cette dernière forme de division consiste à faire collaborer plusieurs personnes dans la production d'un seul et même bien, chacun n'effectuant qu'une partie de la production de ce bien.

Ce que la division technique du travail divise, c'est le processus de production, et non la compétence ou le métier de celui qui travaille.

Cette idée apparaît clairement au xviiiè siècle, notamment chez Adam Smith (Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, 1776).

Smith met en évidence les effets de la division du travail en prenant l'exemple célèbre d'une manufacture d'épingles : alors qu'un ouvrier seul ne peut produire plus d'une vingtaine d'épingles par jour, une fabrique de dix ouvriers s'occupant chacun d'une tâche déterminée et unique permet de produire quarante huit mille épingles par jour (ce qui fait quatre mille huit cent épingles par ouvrier).

Smith montre que la fabrication d'une épingle peut être divisée en environ dix-huit étapes distinctes.

Mais la division du travail va amener à la création de la fonction spécialisée du « théoricien », qui aura pour seule charge de penser cette division du travail, alors qu'il n'est pas nécessairement qualifié pour le faire, puisqu'il n'utilise jamais les machines.

C'est ainsi que l'on entre dans l'ère du machinisme, où la technique n'intervient plus réellement dans le travail comme un savoir-faire du travailleur, mais comme un mode de production automatisé qui préexiste au travailleur, un outil déjà là dont il doit se servir. 3) L'exemple de l'aliénation.. »

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