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La science peut-elle nous apprendre nos devoirs ?

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« La science peut se caractériser comme un mode d'investigation du réel basé sur une méthode déterminée.

On y aborde l'objet selon certains protocoles afin d'advenir à une connaissance de ses propriétés.

Mais, parce qu'il n'y a de science que générale, cette saisie particulière du réelle vise à faire avant tout émerger des lois sous lesquelles peuvent être subsumer le plus grand nombre de cas possibles.

On ajoutera un double critère essentiel à la démarche scientifique quant aux énoncés qu'elle génère: leur aspect contre-factuel et falsifiable.

En effet, il ne s'agit pas seulement d'effectuer une liste exhaustive de ce que l'on a devant les yeux (cet objet a cette propriété, puis celleci, mais aussi celle-là...), sous quel cas sinon, nous n'aurions de science que sous la forme d'un catalogue descriptif, utile certes, mais non suffisant.

Non, un énoncé scientifique est avant tout contre-factuel, i-e qu'il ne se contente pas d'effectuer une description purement factuelle d'un événement: la science est en effet une entreprise prédictive, elle prévoit ce qui peut se passer à partir d'un certain nombre de conditions initiales.

L'énoncé contrefactuel prend la forme: Si A alors B ( A B): si nous avons les conditions A, alors, nous savons qu'adviendra B. Deuxièmement, un énoncé scientifique est falsifiable, ce qui signifie qu'il peut être potentiellement réfuté par l'expérience ou des énoncés découlant directement de l'expérience: si l'on prend un énoncé de l'astrologie par exemple, il est souvent trop général ou trop vague pour pouvoir être réfuté de quelque manière que ce soit par l'expérience; il échappe totalement à son contrôle, preuve qu'il n'est pas scientifique.

Quel rapport donc a cette entreprise avec nos devoirs? Par sa fidélité au réel (falsification), et sa capacité prévisionnelle (contre-factualité), l'information qu'elle nous délivre sur ce qu'est le monde peut-elle nous guider dans notre action? Nous dit-elle ce que nous devons être, ce que nous devons faire? Comment mettre côte à côte d'une part une entreprise scientifique comme affirmation du réel, un voilà-ce-qui-est, et d'autre part une entreprise morale qui n'est pas satisfaite du réel, qui clame précisément un devoir-être parce que l'être n'est pas tel qu'il doit être? A moins qu'une morale issue des énoncés scientifiques ne nous rappelle que ce que nous avons oublié, soit la réalité telle qu'elle est et non telle que nous l'imaginons faussement? I.

Scientisme et totalitarisme: un problème de taille Tout d'abord, n'y a-t-il pas danger à confondre les deux champs que sont morale et science? Avec Annah Arendt, et son oeuvre La crise de la culture, on ne peut s'empêcher, en voyant une telle confusion se présenter à nous, de penser aux heures les plus sombres du siècle dernier, lorsqu'est advenue au sein de l'histoire, les régimes totalitaires.

En effet, ces régimes ont cette particularité d'être appuyé sur une science.

Le régime nazi prétendait s'appuyer sur le darwinisme, le régime stalinien, sur la science historique marxiste.

L'un et l'autre, à partir de leur science respective, prétendait tirer un devoir-être de l'homme, avec ainsi l'appui et la légitimité de l'incontestable: la science.

Prenons le cas du premier régime.

L'hitlérisme consistait en ce geste: transférer la sélection des espèces de Darwin, qui ne valait pourtant que dans le champ naturel, au sein de la société.

La survie du plus apte est devenue une loi sociale, prétextant les horreurs que l'on sait.

Ce que devait être l'homme, ce que devait être une société, était directement dictée par une science triomphante.

En ce sens, la race aryenne symbolise l'avènement d'une « race supérieure », la race des plus aptes, tandis que les faibles périssaient sous les chenilles des chars victorieux portant quelques élus. Nous pourrions cependant objecter que ce n'est pas tant la science qui est à incriminée ici que l'usage détourné et radicalement faux qu'on en fait.

Darwin lui-même s'est toujours défendu de découvrir une théorie qui ne valait selon lui que dans l'espace naturel, et non dans l'espace culturel et social qui se caractérisait précisément par le soin qu'on y accorde aux plus faibles et mal lotis.

Mais, nous dit Arendt, ce serait là avoir une vision bien naïve de ce qu'est la science aujourd'hui.

La science n'est pas une entreprise qui recueillerait la vérité déposée dans la nature objectivement, attendant son prélèvement.

Quelque chose a changé dans la conception de la science moderne, et ce en partie à cause de la mécanique quantique et la découverte par Heisenberg du principe d'incertitude.

Ce principe énonce qu'on ne peut connaître à la fois la vitesse et la position d'une particule: ne pouvant avoir les deux, il faut choisir soit l'un soit l'autre.

La science ne nous donne pas une vérité toute faite, nous sélectionnons, mettons en perspective, construisons les données sur lesquelles nous enquêtons.

Ce n'est donc jamais une saisie réellement objective, mais bien plutôt une vision en quelque sorte partielle et donc partiale de la réalité.

La science ne nous délivre pas tant des vérités sur la réalité, qu'une certaine vision humaine de cette réalité.

Les devoirs que nous en tirerons seront donc tout aussi partiaux, et jamais une vérité universelle à laquelle nous devons nous plier absolument. II.

Epicure: une diététique morale Dans les Sentences vaticanes, (71), Epicure énonce la formule suivante: « A propos de chaque désir il faut se poser cette question: quel avantage résultera-t-il pour moi si je le satisfait, et qu'arrivera-t-il si je ne le satisfait pas? ». C'est une façon pour Epicure d'affronter nos désirs de face, tels qu'ils sont, et non de les condamner unanimement. Il faut opérer parmi ces désirs des distinctions: certains sont superflus, d'autres naturels et même nécessaires pour obtenir à une certaine tranquillité du corps et de l'esprit (ataraxia en grec, soit l'absence de trouble). Il s'agit donc, ni de condamner tout les désirs, ni de leur laisser à tous une libre licence, mais plutôt d'effectuer une juste économie des désirs en fonction de l'utilité qu'ils apportent.

A partir d'un calcul rationnel, on saura intelligemment préférer une douleur éphémère face à un « petit plaisir » temporaire, afin de parvenir à un véritable plaisir s'inscrivant durablement dans le temps.

D'où cette phrase de Lucrèce dans De la nature: « Le plaisir véritable et pur est le privilège des âmes raisonnables plutôt que des malheureux égarés ».

Il faut établir une rationalité du désir, soit une diététique qui sache reconnaître les désirs qui sont utiles au corps de ceux qui ne le sont pas.

Ceux. »

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