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La science doit-elle tout maîtriser ?

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« On s'étonne souvent que la science ne résolve pas tout, que la communauté scientifique n'ait pas encore découvert par exemple un moyen médical d'immuniser les populations contre le sida.

Nous croyons en la science et à son pouvoir de maîtrise sur le monde.

Cependant, tous les débats éthiques soulevés par la question de la maîtrise de la reproduction par la médecine mettent en lumière un autre aspect du problème : si la science peut beaucoup, reste à savoir si toutes ses possibilités doivent être exploitées.

Il semble donc pertinent de se poser la question de savoir si la science doit tout maîtriser.

Le problème n'est pas tant de savoir ce que la science maîtrise ou ne maîtrise pas actuellement, mais plutôt de s'interroger sur la science dans sa définition idéale (à savoir ce qu'elle devrait être audelà de la réalité historique de la connaissance scientifique)dans ses rapports avec le monde.

Le terme de « maîtrise » sera le fil conducteur de notre réflexion.

Car si la maîtrise par la science est synonyme de connaissance du monde, alors il faudra s'interroger sur la capacité de la science à TOUT connaître.

Mais si « maîtrise » implique nécessairement une intervention active dans le monde, alors la question de la limitation par l'éthique de son omnipotence ne pourra pas ne pas se poser. I.

La science doit tout maîtriser par la connaissance. Descartes disait que l'homme, par la science, pouvait se rendre « maître et possesseur de la nature ».

La connaissance scientifique permet de mettre à jour les lois à l'œuvre dans les phénomènes naturels.

La connaissance est maîtrise de la nature dans le sens où elle permet sa compréhension.

L'homme, par la science, s'approprie un réel de prime abord mouvant et instable dans lequel en y instaurant un ordre.

A terme, la science doit percer tous les mystères de la nature, elle doit idéalement pouvoir rendre compte rationnellement de tous ses phénomènes. Cet optimisme scientifique dont fait preuve Descartes se verra entièrement réalisé dans les thèses du positivisme scientifique d'Auguste Comte.

Pour ce dernier, la science doit en principe étendre son pouvoir de connaissance audelà des seules lois de la nature.

Elle doit aussi pouvoir rendre raison des comportements humais, de l'histoire, de l'économie… Le pouvoir de maîtrise de la science sur le monde dans tous ses aspects est possible et souhaitable. Voilà donc pourquoi Comte a voulu donner naissance à la sociologie comme explication rationnelle et faisant appel à des lois des comportements des hommes dans une société donnée. Dans cette perspective, le pouvoir de maîtrise de la science sur le monde est un idéal qu'elle doit atteindre. Dans la sixième partie du « Discours de la méthode » (1637), Descartes met au jour un projet dont nous sommes les héritiers.

Il s'agit de promouvoir une nouvelle conception de la science, de la technique et de leurs rapports, apte à nous rendre « comme maître et possesseurs de la nature ».

Descartes n'inaugure pas seulement l'ère du mécanisme, mais aussi celle du machinisme, de la domination technicienne du monde. Si Descartes marque une étape essentielle dans l'histoire de la philosophie, c'est qu'il rompt de façon radicale et essentielle avec sa compréhension antérieure.

Dans le « Discours de la méthode », Descartes polémique avec la philosophie de son temps et des siècles passés : la scolastique, que l'on peut définir comme une réappropriation chrétienne de la doctrine d'Aristote. Plus précisément, il s'agit dans notre passage de substituer « à la philosophie spéculative qu'on enseigne dans les écoles » une « philosophie pratique ».

La philosophie spéculative désigne la scolastique, qui fait prédominer la contemplation sur l'action, le voir sur l'agir. Aristote et la tradition grecque faisaient de la science une activité libre et désintéressée, n'ayant d'autre but que de comprendre le monde, d'en admirer la beauté.

La vie active est conçue comme coupée de la vie spéculative, seule digne non seulement des hommes, mais des dieux. Descartes subvertit la tradition.

D'une part, il cherche des « connaissances qui soient fort utiles à la vie », d'autre part la science cartésienne ne contemple plus les choses de la nature, mais construit des objets de connaissance.

Avec le cartésianisme, un idéal d'action, de maîtrise s'introduit au cœur même de l'activité de connaître. La science antique & la philosophie chrétienne étaient désintéressées ; Descartes veut, lui, une « philosophie pratique ».

« Ce qui n'est pas seulement à désirer pour l'invention d'une infinité d'artifices qui feraient qu'on jouirait sans aucune peine des fruits de la terre et de toutes les commodités qui s'y trouvent, mais principalement aussi pour la conservation de la santé […] » La nature ne se contemple plus, elle se domine.

Elle ne chante plus les louanges de Dieu, elle est offerte à l'homme pour qu'il l'exploite et s'en rende « comme maître & possesseur ». Or, non seulement la compréhension de la science se voit transformée, mais dans un même mouvement, celle de la technique.

Si la science peut devenir pratique (et non plus seulement spéculative), c'est qu'elle peut s'appliquer dans une technique.

La technique n'est plus un art, un savoir-faire, une routine, elle devient une science appliquée. D'une part, il s'agit de connaître les éléments « aussi distinctement que nous connaissons les métiers de nos artisans ».

Puis « de les employer de même façon à tous les usages auxquels ils sont propres ».

Il n'est pas indifférent que l'activité artisanale devienne le modèle de la connaissance.

On connaît comme on agit ou on transforme, et dans un même but.

La nature désenchantée n'est plus qu'un matériau offert à l'action de l'homme, dans son propre intérêt.

Connaître et fabriquer vont de pair. D'autre part, il s'agit « d'inventer une infinité d'artifices » pour jouir sans aucune peine de ce que fournit la nature.

La salut de l'homme provient de sa capacité à maîtriser et même dominer techniquement, artificiellement la nature. Ce projet d'une science intéressée, qui doive nous rendre apte à dominer et exploiter techniquement une nature désenchantée est encore le nôtre. Or la formule de Descartes est aussi précise que glacée ; il faut nous rendre « comme maître et possesseur de la nature ».

« Comme », car Dieu seul est véritablement maître & possesseur.

Cependant, l'homme est ici décrit comme un sujet qui a tous les droits sur une nature qui lui. »

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