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La science de l'histoire

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« Termes du sujet: SCIENCE : Ensemble des connaissances portant sur le donné, permettant la prévision et l'action efficace.

Corps de connaissances constituées, articulées par déduction logique et susceptibles d'être vérifiées par l'expérience. HISTOIRE: Ce mot désigne soit le devenir, l'évolution des individus et des sociétés (allemand Geschichte), soit l'étude scientifique de ce devenir (allemand Historie). A.

La construction du fait historique L'histoire, c'est aussi la connaissance ou le récit des événements de notre passé qui sont dignes d'être rapportés.

C'est d'ailleurs là le sens premier du mot, histoire venant du grec historia, qui signifie « enquête ».

Mais à quelles conditions cette connaissance peut-elle être considérée comme « scientifique » ? Comment l'histoire peut-elle se constituer comme science ? Si le fait historique n'est pas observable (il appartient au passé, donc il n'est plus), on peut toutefois le reconstruire à partir de ses traces présentes, à partir des documents qui subsistent.

Ces documents sont en particulier des témoignages, c'est-à-dire des récits légués par les générations précédentes.

Pour que ces récits soient utilisables par les historiens d'aujourd'hui, il faut les soumettre aux opérations de la critique.

La critique, c'est en histoire l'ensemble des méthodes qui permettent de discerner le vrai du faux dans les témoignages historiques.

La critique externe se propose tout d'abord de rétablir les témoignages qui nous sont parvenus dans leur authenticité, de faire la chasse, aux « interpolations », aux falsifications, aux ajouts ultérieurs.

La contradiction éventuelle des idées, les différences de style permettent de dépister ces interpolations.

La critique interne étudie la vérité du document lui-même et, pour cela, s'efforce de confronter des témoignages indépendants dont la non-contradiction est gage de vérité.

Bien sûr, à côté des témoignages volontaires, il y a les vestiges que le passé laisse derrière lui sans préméditation et que l'archéologie découvre et interprète (monnaies, outils, inscriptions, etc.). B.

La subjectivité de l'historien Même si une connaissance du passé est possible indirectement, cette connaissance, dira-t-on, demeure subjective.

L'historien est l'homme d'un pays, d'une classe sociale, d'une époque.

Il ne donnera vie au passé qu'en se projetant en lui avec ses valeurs et ses préoccupations contemporaines.

La subjectivité de l'historien est-elle un obstacle insurmontable ? Jules Michelet, par exemple, pour écrire son Histoire de France (1833-1844), voulait oublier l'époque contemporaine, s'interdisait de lire le journal, s'enfermait toute la journée aux Archives.

Cela ne l'a pas empêché d'écrire une histoire à la fois jacobine et romantique de la France.

Il a projeté dans son oeuvre des valeurs sentimentales et des partialités politiques, si bien qu'on a pu dire que l'Histoire de France de Michelet nous apprend plus de choses sur Michelet lui-même que sur la France ! L'historien serait en somme lui-même prisonnier du cours d e l'histoire.

La conscience de l'histoire, elle-même conscience dans l'histoire, ne pourrait prétendre à l'objectivité.

Mais si la subjectivité de l'historien est à peu près inévitable, il faut se garder de la valoriser.

Il faut au contraire essayer de l'éliminer le plus possible.

La découverte de la subjectivité historique, bien loin de légitimer le truquage, à des fins politiques par exemple, des matériaux de l'histoire, doit donner à l'historien le sentiment le plus vif de sa responsabilité et imposer l'honnêteté la plus stricte. C.

Le problème de la causalité en histoire • Mais si l'établissement du fait historique est un processus scientifique, comment le récit historique, asservi à la succession d'événements singuliers et toujours nouveaux, serait-il scientifique ? On oppose souvent l'esprit scientifique, généralisateur et abstrait, à l'esprit historique, amoureux du détail, du singulier, du concret mouvant.

L'événement historique est unique, il ne se répète pas.

Et il est à plus forte raison impossible de le reproduire en laboratoire pour préciser ses conditions d'existence.

Toutefois, si l'expérimentation est impossible en histoire, on peut en trouver un équivalent avec l'histoire comparée.

Par exemple, le médiéviste Marc Bloch (1886-1944) a pu comparer avec fruit l'histoire de la société féodale en France, en Allemagne, en Angleterre, en Italie et même au Japon.

Dans tous ces cas, l'économie rurale apparaît comme un trait dominant de la société féodale, et c'est toujours le développement du commerce et de l'artisanat qui précipite l'évolution et la disparition du régime seigneurial. Mais il nous faut reconnaître que dans le domaine historique où tout influe sur tout, le savant ne peut pas isoler les causes déterminantes avec la même rigueur que le physicien ou le chimiste qui, dans l'enceinte du laboratoire, savent constituer un système clos de causes et d'effets en nombre limité.

L'histoire n'est pas une science exacte, parce qu'elle ne peut pas prévoir l'avenir.

Quand les événements sont passés, l'historien les met en perspective, trouve les « causes » économiques, politiques d'une guerre ou d'une révolution.

Mais nul n'aurait pu déterminer à l'avance la date et les modalités de cette guerre ou de cette révolution, à la manière de l'astronome qui peut prévoir le moment précis d'une éclipse solaire.

L'historien français Charles Seignobos (1854-1942) déclarait qu'il ne s'était risqué à prophétiser qu'une seule fois dans sa vie, en 1913, assurant qu'il n'y aurait pas avant longtemps de guerre entre la France et l'Allemagne ! 286 « Au sens strict des termes, l'histoire ne répond pas à la définition de la science; elle ne consiste pas en démonstrations abstraites comme les mathématiques ; elle n'est pas vérifiable par l'expérimentation comme les sciences de la nature; enfin, elle n'aboutit pas à des lois qui permettent la prévision.

» Léon E.

Halkin, Éléments de critique historique, 1974. « La frontière qui sépare l'histoire et la science n'est pas celle du contingent et du nécessaire, mais celle du tout et du nécessaire.

» Paul Veyne, «L'histoire conceptualisante», in Faire de l'histoire, 1974. « J'entends par histoire une recherche scientifiquement conduite, disons à la rigueur une science, mais complexe : il n'y a pas une histoire, un métier d'historien, mais des métiers, des histoires, une somme de curiosités, de points de vue, de possibilités...

» Braudel, Écrits sur l'histoire, 1969.. »

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