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La raison est-elle haïssable ?

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« C'est souvent par paresse, par lâcheté ou par déception que les hommes sombrent dans la misologie, c'est-à-dire la haine de la raison.

Ils se sentent trahis et ont l'impression que la raison ne correspond pas à leurs aspirations profondes, au premier rang desquelles le bonheur.

Mais la misologie est-elle fondée ? Est-elle l'autre de la raison, dont la philosophie pourrait en conséquence se désintéresser ? Ou bien la philosophie peut-elle en être conçue comme responsable, en amont au sens où elle contribuerait à la susciter en l'homme, et en aval parce qu'elle devrait la prendre au sérieux et lui proposer une voire des alternatives ? La misologie constitue-t-elle le risque ou la chance de la philosophie? 1.

La haine de la raison comme ennemie de la philosophie • Platon explique dans le Phédon que la misologie résulte d'une « incompétence lamentable » se méprenant sur la nature des raisonnements.

C'est par défaut de connaissance que l'on en vient à haïr la raison.

Mais cette dernière n'en est nullement responsable. La rhétorique fait de la langue un écran entre les choses et nous.

Pour Platon, seul l'homme de bien parle les yeux fixés sur l'être, en cherchant à rendre sa parole nécessaire (méthode dialectique).

Le silence de Calliclès est alors une véritable négation du logos : il n'est plus pour lui ni parole susceptible de vérité, ni reflet de la seule vie affective, ni même un enjeu politique, mais une chose dont on se défait parce qu'on est convaincu de sa faiblesse. La misologie (haine du logos) de Calliclès plonge ses racines dans le sentiment d'une nature dont seuls les rapports de force expriment l'exacte proportion. "SOCRATE : Mais avant tout mettons-nous en garde contre un danger. PHÉDON : Lequel ? dis-je. S.

– C'est, dit-il, de devenir misologues, comme on devient misanthrope ; car il ne peut rien arriver de pire à un homme que de prendre en haine les raisonnements.

Et la misologie vient de la même source que la misanthropie. Or, la misanthropie se glisse dans l'âme quand, faute de connaissance, on a mis une confiance excessive en quelqu'un que l'on croyait vrai, sain et digne de foi, et que, peu de temps après, on découvre qu'il est méchant et faux, et qu'on fait ensuite la même expérience sur un autre.

Quand cette expérience s'est renouvelée souvent (...), on finit, à force d'être choqué, par prendre tout le monde en aversion et par croire qu'il n'y a absolument rien de sain chez personne.

N'as-tu pas remarqué toi-même que c'est ce qui arrive ? P.

– Si, dis-je. S.

– N'est-ce pas une honte ? reprit-il.

N'est-il pas clair que lorsqu'un homme entre en rapport avec les hommes, il n'a aucune connaissance de l'humanité ; car, s'il avait eu quelque connaissance, en traitant avec eux, il aurait jugé les choses comme elles sont, c'est-à-dire que les gens tout à fait bons et les gens tout à fait méchants sont en très petit nombre les uns et les autres, et ceux qui tiennent le milieu en très grand nombre (...). P.

– C'est vraisemblable, dis-je. S.

– Oui, c'est vraisemblable, reprit Socrate ; mais ce n'est pas en cela que les raisonnements ressemblent aux hommes (...) ; mais voici où est la ressemblance.

Quand on a cru, sans connaître l'art de raisonner, qu'un raisonnement est vrai, il peut se faire que peu après on le trouve faux, alors qu'il l'est parfois et parfois ne l'est pas, et l'expérience peut se renouveler sur un autre et un autre encore.

Il arrive notamment, tu le sais, que ceux qui ont passé leur temps à controverser finissent par s'imaginer qu'ils sont devenus très sages et que, seuls, ils ont découvert qu'il n'y a rien de sain ni de sûr ni dans aucune chose ni dans aucun raisonnement, mais que tout est dans un flux et un reflux continuels, comme dans l'Euripe, et que rien ne demeure dans le même état. P.

– C'est parfaitement vrai, dis-je. S.

– Alors, Phédon, reprit-il, s'il est vrai qu'il y ait des raisonnements vrais, solides et susceptibles d'être compris, ne serait-ce pas une triste chose de voir un homme qui, pour avoir entendu des raisonnements qui, tout en restant les mêmes, paraissent tantôt vrais, tantôt faux, au lieu de s'accuser lui-même et son incapacité, en viendrait par dépit à rejeter la faute sur les raisonnements, au lieu de s'en prendre à lui-même, et dès lors continuerait toute sa vie à haïr et ravaler les raisonnements et serait ainsi privé de la vérité et de la connaissance de la réalité ? P.

– Oui, par Zeus, dis-je, ce serait une triste chose. S.

– Prenons donc garde avant tout, reprit-il, que ce malheur ne nous arrive.

Ne laissons pas entrer dans notre âme cette idée qu'il pourrait n'y avoir rien de sain dans les raisonnements ; persuadons-nous bien plutôt que c'est nous qui ne sommes pas encore sains et qu'il faut nous appliquer virilement à le devenir (...)." PLATON. »

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