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La philosophie pourrait-elle ignorer le corps ?

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« [C'est en se détachant des liens qui l'unissent au corps que l'âme peut accéder à la connaissance du vrai. Le corps est le lieu des passions.

L'ignorer, c'est parvenir à la suprême sagesse.] Le corps est la prison de l'âme "Les amis du savoir n'ignorent pas ceci : quand la philosophie a pris possession de leur âme, cette dernière était étroitement liée au corps, et collée à lui ; elle était contrainte de voir les réalités pour ainsi dire à travers les barreaux d'une prison constituée par son corps, au lieu de le faire par ses propres moyens et à travers elle-même, et elle se vautrait dans une ignorance absolue.

La philosophie a bien saisi l'étonnant caractère de cette prison : elle est l'oeuvre du désir, en sorte que celui-là même qui est attaché a toutes chances de contribuer de la manière la plus efficace à sa propre captivité.

Ainsi, dis-je, les amis du savoir n'ignorent pas ceci : quand la philosophie a pris possession de leur âme dans cet état, elle la conseille avec douceur, elle entreprend de la délier.

Tout n'est qu'illusion, lui dit-elle, dans l'étude qui se fait par le moyen des yeux, tout n'est qu'illusion aussi dans celle qui se fait par le moyen des oreilles et des autres sens.

Elle la persuade de s'en dégager dans la mesure où leur usage n'est pas nécessaire, elle l'exhorte à se recueillir, à se concentrer sur elle-même, quel que soit par lui-même l'objet de sa pensée quand, isolée en elle-même, elle exerce cette pensée ; et en revanche, si l'âme envisage par d'autres moyens que cette pensée un objet, quel qu'il soit, qui diffère selon les circonstances, la philosophie la persuade de ne le tenir pour vrai en aucune façon.

Car il y a d'un côté les objets de ce genre, c'est-à-dire le sensible et le visible, et de l'autre, ce que l'âme voit par elle-même, c'est-à-dire l'intelligible et l'invisible." PLATON Introduction Ce passage du Phédon expose l'action de la philosophie à l'égard de l'âme. Scandé par la répétition de la phrase : « les amis du savoir n'ignorent pas ceci : quand la philosophie a pris possession de leur âme », le texte se divise en deux moments : 1.

Le rapport de l'âme et du corps, avant que la philosophie n'ait pris possession de l'âme, alors que le corps est encore la prison de l'âme. 2.

Le rôle libérateur de la philosophie, lorsqu'elle a pris possession de l'âme, et que, face au sensible et au visible, elle valorise l'intelligible et l'invisible. Développement Le texte définit des acteurs : les amis du savoir, autrement dit ceux qu'on appelle généralement des philosophes.

Mais en utilisant une expression qui explicite le terme : philo, comme familiarité, amour, amitié, sophie, comme sagesse, savoir.

Le philosophe n'est pas celui qui possède la sagesse (ce serait alors un sage), il est celui qui, en tant qu'ami du savoir, s'en approche. Le texte définit d'ailleurs, dès le début, un rapport au savoir : il n'est pas un fait d'appropriation — qui se marquerait positivement par une phrase du type : l'ami du savoir sait que...

Ce rapport au savoir existe sur un fond d'ignorance, qui est le propre de l'homme en général, ce qui est dit explicitement lorsque Platon évoque l'âme qui, avant la possession philosophique, se « vautre dans une ignorance absolue », comme le ferait un porc dans sa bauge.

Le savoir se marque négativement par rapport à l'ignorance : « L'ami du savoir n'ignore pas.

» Enfin, d'emblée, le texte définit un moment privilégié : celui du passage d'un état à un autre, moment de transition qui, plus fondamentalement, assure une rupture (« Quand la philosophie a pris possession »).

Quant à l'idée de « prise de possession », elle marque à la fois la notion d'un combat, avec un terrain à prendre (celui de l'âme) et celle de la soudaineté, liée à une transe religieuse (ce qui s'entendrait comme un ravissement). Ces acteurs, ce rapport au savoir, ce moment ne se comprennent que sur le fond de la conception platonicienne des rapports entre l'âme et le corps, décrite dans toute la première partie. 1.

Tout est rapporté du point de vue de l'âme et de la contrainte que représente pour elle le corps. Contrainte décrite paradoxalement en termes physiques (malgré le caractère « immatériel » de l'âme) : l'âme liée au corps, collée à lui.

Jusqu'à la métaphore du corps comme prison de l'âme, (« à travers les barreaux d'une prison constituée par son corps ») qui ne manque pas de faire penser au jeu de mots du Gorgias, dans laquelle le corps (sôma) est pour l'âme un tombeau (sêma). Mais cette contrainte n'est pas seulement oppression (qui appellera ultérieurement une libération), elle a ses. »

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