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La philosophie pourrait-elle ignorer le corps ?

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« Termes du sujet: IGNORER: ne pas savoir, méconnaître, traiter sans considération, ni intérêt. PHILOSOPHIE La philosophie, selon Pythagore, auquel remonte le mot, ce n'est pas la sophia elle-même, science et sagesse à la fois, c'est seulement le désir, la recherche, l'amour (philo) de cette sophia.

Seul le fanatique ou l'ignorance se veut propriétaire d'une certitude.

Le philosophe est seulement le pèlerin de la vérité.

Aujourd'hui, où la science constitue tout notre savoir et la technique, tout notre pouvoir, la philosophie apparaît comme une discipline réflexive.

A partir du savoir scientifique, la visée philosophique se révèle comme réflexion critique sur les fondements de ce savoir.

A partir du pouvoir technique, la sagesse, au sens moderne se présente comme une réflexion critique sur les conditions de ce pouvoir. CORPS: Composante matérielle d'un être animé, en particulier chez l'homme. Extériorité opposée à l'intériorité de la conscience; le corps est ce qui tombe sous ma perception; parmi les corps, il y en a un avec lequel mon esprit a un rapport particulier, c'est mon corps, il y en a d'autres qui sont organisés de telle façon que j'en puisse déduire l'existence en eux d'un âme; l'homme est une substance composée d'un corps et d'une âme. Pendant longtemps, la philosophie a ignoré le corps.

Elle ne représentait qu'une recherche purement intellectuelle, d'où toutes les obligations corporelles étaient exclues.

Le corps n'était qu'une machine destinée à maintenir le cerveau en état de fonctionnement et les philosophes croyaient l'avoir maté.

Qui aurait cru qu'un jour, il revendiquerait sa place...? La philosophie, réflexion sur la réflexion, a des siècles durant refusé au corps le droit même d'exister.

Il était oublié et même méprisé. L'homme n'était que par la pensée.

Le « cogito ergo sum » faisait loi.

La philosophie ignorait le corps, et même, elle le méprisait.

Il suffit de se rappeler le mépris avec lequel les philosophes jugeaient la danse et le théâtre au Moyen Age.

Les réjouissances populaires étaient taxées de satanisme, d'incitation à la débauche et furent interdites à plusieurs reprises.

Au e siècle, le théâtre fut interdit en Angleterre pour les mêmes raisons.

Tout ce qui concernait le corps était choquant et honteux. Non contents de mépriser ainsi le corps et ses besoins, les philosophes, et surtout les religieux, s'ingénièrent à culpabiliser les gens. Les moines pratiquaient un ascétisme physique, seul moyen pour eux d'atteindre la plénitude contemplative, et ceux qui « fautaient » étaient bourrelés de remords.

A cette époque, le jeûne et les cilices étaient fréquents.

On souffrait pour mieux penser.

Le désir de connaissance ne devait à aucun prix être troublé par l'intrusion du corps ou des « instincts », de tout ce que l'homme avait en lui de naturel et de spontané. La philosophie a pu, pendant un certain temps, oublier le corps et le maîtriser, — avec peine —, bien que quelques philosophes, tels que Descartes, se soient un peu aperçus de son importance et de sa nécessité.

Mais, au XIXe siècle, le corps et ses besoins ont brutalement fait irruption dans la philosophie.

En découvrant le rôle du corps et des instincts dans la vie humaine, Freud a mis à jour la culpabilisation et la tentative d'étouffement des besoins corporels pratiquées depuis des siècles.

Le corps est devenu partie intégrante et nécessaire de l'homme et celui-ci a dû admettre son existence.

Le corps a repris sa place dans un système philosophique, — le système freudien —.

Évidemment, la philosophie « traditionnelle » et les gens qui s'y étaient habitués ont tout d'abord refusé ce que leur montrait Freud : l'importance des besoins du corps, le rôle essentiel de la sexualité, tout ce qu'on leur avait appris à cacher et dont ils avaient honte.

Freud a permis aux hommes de se déculpabiliser par rapport à leur corps.

Il ne fallait plus dire : « Je » a un corps (et ce corps n'était qu'un outil), mais : « Je » est un corps (partie intégrante et essentielle de l'individu).

On découvre à ce moment une nouvelle forme de relation, non plus uniquement intellectuelle, mais aussi gestuelle et physique.

Les besoins physiologiques et sexuels ne sont plus contre nature, ils ne sont plus perversions ou péchés, tels que la religion concevait le péché de souillure ou glorifiait la pureté et la virginité, mais besoins, et donc nécessaires et parfaitement normaux.

En outre, la découverte de l'inconscient portait atteinte à la conception traditionnelle de la philosophie, où l'homme était maître de ses pensées, et donc totalement responsable de ses actes. Cette découverte du corps en tant que partie du sujet et non plus en tant que simple objet a permis la création d'un nouveau langage. Le corps devient une « fin » et non plus un « moyen ».

L'homme, qui possède le langage oral institutionnalisé et la connaissance, perd peu à peu sa supériorité sur l'homme qui n'a qu'un corps.

C'est le problème du colonisateur et du colonisé.

Le colonisateur possède la connaissance, les outils de réflexion, tout un patrimoine logique et intellectuellement constructif.

Il domine le colonisé, lui retire son droit à une parole propre, lui impose ses modes de communication et de réflexion, lui refuse toute possibilité d'être égal mais différent, ne lui laisse que son corps.

Le colonisé n'est qu'un corps.

Les noirs, esclaves, ne pouvaient être rien d'autre que ce corps, ce moyen de production.

Ils ne devaient pas réfléchir.

Lorsqu'il s'est bien intégré au système du colonisateur, le colonisé n'a pas conscience de son état d'inférieur.

Il sait qu'il n'est qu'un corps, et même un corps profondément différent du corps du colon ou du colonisateur.

Mais s'il se rend compte que le corps de celui-ci et le sien ont les mêmes fonctions organiques, il prend conscience que sa différence d'avec le colonisateur ne réside pas tant dans la couleur ou la taille que dans l'utilisation qu'ils font tous deux de leurs corps.

Je pense, par exemple, aux rapports entre Vendredi et Robinson dans Vendredi ou les limbes du Pacifique de Tournier.

Vendredi se croit différent de Robinson (il est celui qui travaille pour son maître) et Robinson lui dénie toute fonction organique autre que rudimentaire.

Robinson croit être seul à accomplir son rite d'union sexuelle avec la terre de l'Ile Esperanza et, lorsqu'il s'aperçoit que Vendredi l'a imité, il est fou de rage car Vendredi, en consommant cet acte, qui a pour Robinson une valeur sacrée, s'est montré l'égal de son maître.

Lui aussi peut trouver des mandragores alors que Robinson se croyait seul capable d'une telle union avec la terre... A partir du moment où le colonisé peut lui aussi attacher une notion symbolique aux actes de son corps, il prend connaissance de luimême en tant qu'individu.

Il n'est plus seulement un corps, il est aussi un corps.

Il s'est découvert un corps propre mais différent, donc — un langage lui aussi propre mais différent —.

Vendredi est aussi Robinson tout en restant plus que jamais Vendredi.

La découverte et l'acceptation de son corps, objet personnel d'un sujet défini, est le premier pas vers sa propre reconnaissance d'individu libre et égal et peut donc communiquer avec les autres.

Les besoins de son corps ne sont plus seulement des besoins purement physiologiques et élémentaires mais accèdent au rang de désirs.

Or, le désir est désir de l'autre ou de quelque chose d'autre, et l'exaucement de ce désir passe par la communication et le langage.. »

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