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La philosophie est-elle un pur jeu d'idées ?

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« INTRODUCTION. Paul Valéry répétait souvent que la philosophie n'est pas une activité utile ni même sérieuse ; et, reprenant l'idée cartésienne que c'était « l'art de parler vraisemblablement de toutes choses », il plaisantait souvent en parlant de cette prétendue méditation que l'on avait trop tendance à prendre au sérieux.

« Vous me pardonnerez le peu de métaphysique (c'est-à-dire de fantaisie) que je me suis permis...

» dit-il en quelque endroit.

Ou ailleurs : « Tout ce qui est esthétique est douteux ».

Ce caractère ludique de la philosophie lui paraissait si évident que dans les différentes occasions où il a pu parler de la philosophie en général, il n'a pas manqué de railler, à la façon de la servante thrace dont nous parle Platon dans son Théétète, cette étude si vague, si lointaine, si creuse qu'elle ne pouvait en aucune façon servir à la vie pratique.

Le problème consiste essentiellement à se demander si la philosophie peut, malgré ses apparences, garder cette volonté de sérieux que lui dénie Paul Valéry. PREMIÈRE PARTIE : Le rôle de la philosophie comme pur jeu d'idées 1.

Cette allure plaisante, ce ton de « plaisantin » que Valéry peut prendre à l'égard de la philosophie ne sont pas absolument nouveaux.

Voltaire reprochait déjà à la métaphysique d'être « le roman de l'âme » ; il ajoutait que ce roman n'était pas aussi « plaisant » que celui des Mille et une Nuits.

Rappelons-nous les pages célèbres de Candide: « Quand un homme parle à un autre homme qu'il ne comprend pas et que le premier qui parle ne comprend plus, c'est de la métaphysique.

» On pourrait penser aussi à l'attitude de Claude Bernard lorsqu'il affirme : « la philosophie n'apprend rien et ne peut rien apprendre de nouveau par elle-même puisqu'elle n'expérimente et n'observe pas.

» Mais n'y a-t-il pas une attitude légèrement différente dans l'ironie valéryste ? 2.

Le caractère novateur de l'attitude de Paul Valéry consiste dans une ironie aiguë à l'égard non du vocabulaire (encore qu'il y ait chez Valéry des pages célèbres sur l'inutilité de la discussion sur un certain nombre de mots : substance, essence, existence, possible, réel, etc...), mais de la pensée elle-même.

Il semble que tout l'effort des philosophes réside uniquement dans la volonté de jouer avec les concepts, de jongler avec les idées, de lier entre eux et de délier les termes sans que leur liaison puisse compter la moindre nécessité.

C'est ce que Emile Bréhier, dans sa Transformation de la philosophie française, attribuait essentiellement au triomphe de la subjectivité lorsque, faisant allusion à ce retour à la psychologie du sujet, il reprochait à nos philosophes d'aujourd'hui une méditation trop personnelle : « Avec la méditation du bergsonisme, c'est la manière dont on aborde les questions qui a changé : méfiance générale de la construction conceptuelle, de la discussion qui ne met en jeu que la signification des mots, caractère provisoire et pratique de tout classement ; mais surtout le philosophe ne se donne plus comme une sorte de pur esprit, vivant dans une atmosphère purement intellectuelle : le criticisme kantien avait dégagé, de la vie profonde et immense dans laquelle nous sommes plongés, une certaine relation sujet-objet, où l'on s'était habitué à voir une description exacte de la connaissance humaine ; objet qui n'était qu'un phénomène, c'està-dire un objet pour un sujet, et dont l'objectivité même était, pour ainsi dire, créée de toutes pièces, par les exigences que le sujet lui imposait pour être connu » (Bréhier, Transformation de la philosophie française, p. 109). 3.

Au surplus, l'ironie de Valéry porte davantage sur les idées que sur les mots.

Certes, la philosophie peut être prise pour un jargon.

Mais elle est aussi elle est surtout, pour notre auteur, une manière de distraction, un divertissement, une activité de diversion à la vie réelle qui permettent de penser à autre chose qu'à la vie de tous les jours.

C'est ce qui fait dire par ailleurs à Valéry : « J'appelle philosophe tout homme de quelque degré de culture qu'il soit, qui essaie de temps à autre de se donner une vue d'ensemble, une vision ordonnée de tout ce qu'il sait — et surtout de ce qu'il sait par expérience directe, intérieure et extérieure.

» DEUXIÈME PARTIE : La philosophie comme activité sérieuse 1.

« Se moquer de la philosophie, disait Pascal, c'est vraiment philosopher ». Se moquer de la philosophie c'est vraiment philosopher (Pensées) Parce que la philosophie est une entreprise critique pour laquelle rien ne va de soi, elle peut se mettre aussi elle-même en cause.

Elle est même la seule discipline qui se prenne elle-même pour objet. C'est très exactement l'esprit dans lequel il faut comprendre la pensée philosophique.

La philosophie doit apparaître comme une activité moins ennuyeuse mais beaucoup plus « vécue » que la plupart des activités humaines.

« Qu'est-ce que la philosophie ? » se demandait Jules Lachelier au cours de sa première leçon, lors de sa toute première année d'enseignement à Toulouse.

Il répondait, à la stupéfaction de ses jeunes élèves : « Je ne sais pas! » Et toute la bonne ville de Toulouse de se gausser du jeune et brillant philosophe qu'on lui avait envoyé de Paris et qui ne savait même pas ce qu'était la discipline qu'il était chargé d'enseigner à ses. »

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