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La philosophie a-t-elle une patrie ?

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« Termes du sujet: PHILOSOPHIE La philosophie, selon Pythagore, auquel remonte le mot, ce n'est pas la sophia elle-même, science et sagesse à la fois, c'est seulement le désir, la recherche, l'amour (philo) de cette sophia.

Seul le fanatique ou l'ignorance se veut propriétaire d'une certitude.

Le philosophe est seulement le pèlerin de la vérité.

Aujourd'hui, où la science constitue tout notre savoir et la technique, tout notre pouvoir, la philosophie apparaît comme une discipline réflexive.

A partir du savoir scientifique, la visée philosophique se révèle comme réflexion critique sur les fondements de ce savoir.

A partir du pouvoir technique, la sagesse, au sens moderne se présente comme une réflexion critique sur les conditions de ce pouvoir. Devant cette question : la philosophie a-t-elle une patrie ? le jugement est partagé.

D'un point de vue théorique, on serait disposé à répondre non, parce que la vocation de la philosophie est d'être universelle et d'appartenir à l'humanité entière.

En fait, si on regarde l'histoire, il semble bien que la Grèce soit la patrie de la philosophie.

Affirmer cela, c'est prendre une position si courante qu'elle revêt un caractère de quasi-certitude.

En France, elle est classique.

De grands philosophes d'outre-Rhin, comme Hegel ou Heidegger, l'ont également tenue pour indiscutable. On peut, effectivement, situer et dater la naissance de la philosophie au vie siècle avant notre ère, à l'époque de ce qu'on a appelé «le miracle grec», l'époque des grands penseurs originaires de Milet : Thalès, Anaximandre, Anaximène, l'époque de Pythagore, puis d'Héraclite, de Parménide, de Zénon ; après lesquels s'épanouit une pensée qui nous nourrit encore, celle de Socrate, de Platon, puis d'Aristote, des générations de Stoïciens, et même de ces sceptiques et de ces sophistes dont les questions et les égarements ont suscité les vigoureuses réfutations et les affirmations subtilement argumentées de certains dialogues de Platon. Le «miracle grec» s'explique en partie par une géographie qui était favorable à une culture ouverte.

On n'ignorait, en Grèce, aucune des civilisations de l'Orient : Égypte, Babylonie, Phénicie.

En Crète, s'était développée, dès le IIIe Millénaire, une civilisation préhellénique.

De bonne heure, les Grecs avaient créé des colonies sur le littoral asiatique de la mer Égée, en Sicile, en Italie méridionale, jusqu'à Marseille et en Espagne.

Par là, la Grèce a été l'initiatrice, en Europe, d'une pensée diversifiée.

Les sages de l'Orient jouissaient, sur son territoire, d'un grand prestige.

Parmi eux, il faudrait mentionner les Égyptiens, qui avaient eu, en des temps anciens, de hautes conceptions religieuses et morales, les Iraniens, dont l'influence a persisté longtemps en Occident, les Hindous, profondément méditatifs, les Chinois. Tous ces peuples, dont les civilisations ont devancé celle de la Grèce, se sont interrogés sur le principe des choses, le salut, l'art de vivre selon une loi de l'esprit.

Ils ont certainement influencé les Grecs dans leur conception de la sagesse qui est, originellement et étymologiquement, l'essence de la philosophie. La race hellène a elle-même des origines multiples.

Elle est issue des populations égéennes et d'envahisseurs venus d'Europe centrale. Elle a donné un peuple de philosophes et d'artistes dont la pensée est caractérisée par la précision, l'ordre, la mesure et l'harmonie.

Mais elle se montre aussi sensible au devenir et à l'écoulement universel des choses. Pythagore et Euclide ont attaché leur nom à la science des nombres et à la géométrie.

La philosophie grecque nous a ouvert les yeux sur le réel invisible.

Nous lui devons beaucoup de nos concepts majeurs : esprit-idée ou forme-loi-fin-substance-nécessité-principe.

La notion de l'essence, appréhendée par l'esprit, nous permet de saisir la réalité même, ce que la chose est.

Comprendre, pour nous, aujourd'hui, est encore arriver à reconnaître la réalité sous les apparences, à extraire l'intelligible du sensible.

La métaphysique grecque, celle d'Aristote surtout, est, selon Bergson, la métaphysique même de l'intelligence. Notre philosophie occidentale a puisé aussi à d'autres sources.

C'est à la tradition judéo-chrétienne que nous sommes redevables de la plupart de nos idées morales et religieuses.

Le judéo-christianisme nous a fourni deux notions capitales, qui sont pour nous des clefs d'interprétation du réel: l'idée de création et celle de personne Les Grecs sont restés dominés par l'idée d'éternité du monde et de ses révolutions périodiques.

Ils ont ignoré l'idée de personne.

Ils n'ont alimenté ni notre conception de l'histoire, ni celle de la liberté.

Ils ont conçu le bonheur de la contemplation et se sont élevés à une haute idée de Dieu, mais ne sont jamais arrivés à le penser comme un être personnel, qui a fait les hommes à son image et à sa ressemblance, qui s'est révélé à eux par sa Parole, qui s'est promis lui-même comme récompense.

Ces notions grandioses dont un historien de la philosophie a dit qu'elles avaient opéré dans le monde «la plus grande révolution qui s'y soit accomplie» ont longtemps été conservées par Israël sous une forme exclusivement religieuse, sans être intégrées dans une représentation rationnelle du monde. Les Arabes s'intéressaient aussi aux mathématiques, à l'astronomie, à la médecine, et à la philosophie.

Les noms de penseurs et de savants sont nombreux, chez eux, dans les premiers siècles de notre ère, et surtout postérieurement à l'apparition de l'islam et au Moyen Age.

Il est intéressant de relever l'importance qu'ont pris, à ce moment-là, les rencontres entre théologiens, mystiques, philosophes et savants juifs, chrétiens et musulmans.

Elles sont vraiment à l'origine de la formation de l'homme occidental.

On note, au cours de ces rencontres, une communauté d'aspiration spirituelle et intellectuelle, et des conceptions concordantes sur Dieu, sur le monde et sur l'homme.

La culture grecque a exercé une profonde influence sur les juifs de Palestine et sur ceux de la diaspora.

Inversement, on doit voir dans la traduction des Septante et dans la Lettre d'Aristée des efforts faits pour montrer aux Grecs que l'enseignement de la Bible correspondait parfaitement aux valeurs de vérité que leurs philosophes avaient découvertes ou aperçues.

C'est à ce moment que la notion de sagesse s'est enrichie et a été pensée comme le Logos, c'est-à-dire la pensée rationnelle de Dieu. Les échanges entre juifs, chrétiens et musulmans ont été nombreux jusqu'au xlve siècle.

On discutait, au niveau le plus haut, sur les causes secondes, sur l'analogie, à propos des attributs de Dieu et de la façon dont on peut dire de lui qu'il est bon, puissant, etc., sur la liberté humaine, sur la morale naturelle.

Pour traduire Aristote, la langue arabe a dû s'enrichir du concept d'être.

Avec Avicenne et Averroës en particulier ont été approfondies de très grandes questions comme : éternité ou création — l'essence de Dieu et le gouvernement divin – l'âme humaine, la connaissance dont elle est capable, son immortalité – la nature du temps.

Avec Maïmonide qui était juriste, on a discuté pour savoir si l'homme peut créer le droit, et on a débattu de l'origine des principes de la législation.

Les grands philosophes du Moyen Age comme les penseurs franciscains et saint Bonaventure d'abord, Roger Bacon, Duns Scot, saint Albert le Grand, saint Thomas d'Aquin ont été profondément marqués et enrichis par ces échanges. Ultérieurement, l'unification de la pensée de l'humanité s'est faite principalement à partir de la science et de la technique, beaucoup moins sur des thèmes philosophiques et théologiques.

Cette évolution culturelle peut laisser bien des regrets.

On en arrive facilement aujourd'hui à considérer qu'il n'y a d'universel que scientifique. Quand on a quelques notions de l'importance des échanges culturels qui eurent lieu dans le passé, il n'est pas possible de dire que la philosophie occidentale est exclusivement grecque.

On peut se demander si elle n'a pas négligé l'Orient et l'Extrême-Orient.

C'est une question souvent posée aujourd'hui.

Les philosophes n'ont jamais ignoré la pensée de l'Inde qui se montre très disposée à la méditation. Mais pour les penseurs de ce pays, les représentations conceptuelles importent peu.

Seule compte la vie spirituelle.

On pratique une méditation sans contenu, on se concentre moyennant une discipline corporelle, on cherche à s'unir à son principe.

Mais l'Etre en soi n'est pas, pour les Hindous, un objet de pensée.

Il y a des obstacles culturels à la communication entre une pensée comme la nôtre et celle de l'Extrême-Orient.

Selon les principes du Bouddha : «Tout est vide, tout est insubstantiel », tout devient, tout devenir est sans substance. Ceci est très éloigné d'une philosophie de l'Etre.. »

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