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La pensée fait-elle obstacle a la vie ?

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« Introduction : Pourquoi opposer radicalement ces deux termes, pensée et vie ? Remarquons d'emblée qu'il ne s'agit pas de « notre » vie, mais de la vie, qui, ici, n'est pas accompagnée d'un adjectif possessif.

Précisément parce que la pensée, ici, se réfère à nous-mêmes alors que la vie, elle, concerne tout ce qui est vivant, et non pas simplement l'homme.

Pourtant nous vivons, nous aussi.

Nous pourrions même nous qualifier de « vivants pensants ».

Notre pensée cherche à comprendre ce qui apparaît autour d'elle, à « cerner » ce qui nous entoure en le conceptualisant.

Ainsi, en quoi une qualité qui nous serait spécifique pourrait-elle gêner, s'opposer ( obstacle signifie : « ce qui s'oppose » ) à ce qui nous anime ? De la même façon qu'un outil nous permet de faire davantage de choses, notre pensée serait plutôt la possibilité d'augmenter notre pouvoir, notre puissance.

Elle semble donc un avantage plus qu'un inconvénient gênant.

Néanmoins, n'est-il pas nuisible de chercher à enfermer entièrement la vie dans la pensée ? La vie semble plutôt réclamer de nous de l'action, et non de la compréhension.

Ainsi, à trop vouloir comprendre la vie, il se pourrait que nous ne vivions plus.

Or, la vie peut-elle être entièrement saisie par la pensée ? Nous devrions alors reconsidérer la vie comme ce qui serait à l'origine de notre pensée.

Dans ce cas, il nous serait alors impossible de jamais la cerner entièrement. I / L'HOMME EST UN ROSEAU PENSANT. Parmi les nombreux vivants que l'on puisse trouver, nous paraissons être bien spécifiques.

Alors que la Nature semble avoir donné à tous les autres animaux des qualités, voire des armes propres, nous aurait-elle oubliés ? Bien que nous n'ayons ni pelage, ni griffes, ni crocs, nous avons tout de même la pensée.

« Pensée fait la grandeur de l'homme » s'exclame Pascal (pensée 344-112 ; Edition Brunschvicg).

En effet, nous ne sommes pas les vivants les plus forts physiquement, mais par la pensée, nous possédons un pouvoir inaccessible à tout autre vivant.

« L'homme n'est qu'un roseau, mais un roseau pensant.

Il ne faut pas que l'univers entier s'arme pour l'écraser : une vapeur, une goutte d'eau suffit pour le tuer.

Mais quand l'univers l'écraserait, l'homme serait encore plus noble que ce qui le tue, parce qu'il sait qu'il meurt ; et l'avantage que l'univers a sur lui, l'univers n'en sait rien ».

Il apparaît ainsi que notre pensée est un avantage inestimable, qui nous confère une noblesse que tout autre vivant ignore, en particulier par le fait que nous savons que nous mourrons.

C'est d'ailleurs cette pensée qui donne toute son importance à la vie.

En la sachant éphémère, nous pouvons d'autant plus apprécier les instants qu'elle nous donne, d'une part, et utiliser cette pensée pour vivre au mieux d'autre part : « Travaillons donc à bien penser : voilà le principe de la morale.

» L'apogée de notre pensée consisterait alors à vivre en suivant entièrement ce que la pensée nous apprend. "L'homme n'est qu'un roseau, le plus faible de la nature; mais c'est un roseau pensant.

Il ne faut pas que l'univers entier s'arme pour l'écraser : une vapeur, une goutte d eau, suffit pour le tuer.

Mais, quand l'univers l'écraserait, l'homme serait encore plus noble que ce qui le tue, puisqu'il sait qu'il meurt, et l'avantage que l'univers a sur lui, l'univers n'en sait rien. Toute notre dignité consiste donc en la pensée.

C'est de là qu'il faut nous relever et non de l'espace et de la durée, que nous ne saurions remplir.

Travaillons donc à bien penser : voilà le principe de la morale. Ce n'est point de l'espace que je dois chercher ma dignité, mais c'est du règlement de ma pensée.

Je n'aurai pas davantage en possédant des terres : par l'espace, l'univers me comprend et m'engloutit comme un point; par la pensée, je le comprends." PASCAL Dans ce texte, Pascal veut montrer à la fois la faiblesse et la puissance de l'homme.

Il nous compare en effet avec l'univers, c'est-à-dire avec la nature, entendue comme l'ensemble des phénomènes matériels indépendants de la volonté humaine.

Et de cette comparaison émergent une singularité et une force propres à l'homme, la pensée et la conscience, qui compensent l'impuissance humaine à dominer la nature.

Mais il peut acquérir une certaine « dignité », car son esprit, à la différence de l'univers, est capable tout à la fois d'être conscient de sa propre existence, de connaître la nature et de posséder un sens moral.

Le thème central de l'extrait, c'est donc la spécificité de la nature humaine. Prenez garde au style de Pascal : le « quand » de la ligne 3 est un synonyme, au XVIIe siècle, de « si » : il s'agit d'une supposition.

En outre, Pascal joue, dans la dernière phrase du texte, sur le double sens de « comprendre » qui signifie à la fois « envelopper », « englober », quand il s'agit de l'espace, et « connaître », quand il s'agit de l'esprit humain. II/ LA PENSEE NOUS EMPECHE DE VIVRE. Ce pouvoir de la pensée pourrait pourtant poser problème.

En effet, la volonté de penser toute chose peut amener un renoncement à l'action.

Pour pouvoir penser quelque chose, nous devons pouvoir prendre du recul, « fixer » cette chose en un objet pensé.

Or, la vie réclame que nousagissions, et dans la mesure où l'action est repoussée par notre pensée, celle-ci pourrait se présenter comme un obstacle à la vie.

Si nous voulons agir, nous ne pouvons pas « cerner » tout ce qui est vivant, tout ce qui se manifeste, ou apparaît pour le transformer en objet de réflexion.

Si cela était le cas, tout événement nouveau serait alors transformé en un fait, en quelque chose de passé, avec la distance nécessaire que requiert la compréhension.

Nietzsche insiste sur ce point dans sa Seconde considération intempestive.

« Celui qui agit, ( dit-il) est toujours sans conscience, il est aussi dépourvu de science.

».

La vie ne supporte donc pas d'être ainsi « comprise », cernée par la pensée.

La vie est un « métier qu'il faut apprendre à fond, qu'il faut réapprendre sans cesse, qu'il faut exercer sans ménagement… » Le danger d'une pensée qui chercherait à tout saisir de la vie sans agir serait alors de transformer les vivants que nous sommes en « bibliothèques ambulantes », qui, au final, oublieraient de vivre. L'histoire ne doit pas être un refuge contemplatif, où l'on fuit avec crainte le présent et les actions nécessaires.

Le savoir historique, cultivé sans limites, peut ainsi détruire nos illusions à un point tel qu'il peut "déraciner" l'avenir.

La vie au présent a toujours besoin d'un certain brouillard et d'une certaine imprécision quant à ses origines pour pouvoir se poursuivre dans l'action.

"Une certaine dose d'ignorance et d'inconscience est nécessaire à l'action." La connaissance historique peut conduire au défaitisme, au pessimisme et à l'inaction.

Les leçons de l'histoire sont des leçons impitoyables qui montrent qu'une justice souvent aveugle règne sans pitié sur le déroulement des affaires humaines.

Une religion dont on disséquerait l'histoire de façon scientifique, dans ses moindres détails, ne garderait plus de religion que le nom.

Cette histoire nous montrera que les hommes, même pieux, sont souvent faux, inhumains, grossiers, violents.

Une religion, comme toute autre valeur ou tout autre espoir, ne peut demeurer sans "pieuse illusion".

L'homme ne peut vivre et créer que dans l'amour et l'illusion d'une justice bonne et clémente.

L'histoire peut être dangereuse dans ses désillusions. III/ LA VIE ECHAPPE A LA PENSEE. S'il semble dangereux que la pensée en vienne à trop déterminer la vie, ne devons nous pas reconnaître que notre pensée n'est jamais qu'une manifestation de la vie ? En effet, nous ne pouvons jamais cerner la vie au point de pouvoir prévoir toutes ces manifestations.

C'est ainsi que Bergson, dansl'Evolution créatrice, décrit la vie.

« La vie apparaît comme un courant qui va d'un germe à un germe par l'intermédiaire d'un organisme développé.

» La vie est ici vue comme un mouvement qui s'accomplit à travers les siècles, dont chaque pensée est une manifestation, tel un nouveau bourgeon.

Dans son progrès, elle prend sans cesse de nouvelles formes.

Ces formes que la vie peut prendre sont alors imprévisibles.

Elles échappent définitivement à notre pensée.

Si bien qu'à travers notre pensée même, la vie écrit sa propre histoire.

Que dire alors de notre pensée ? Elle nous permet de saisir ce qui, dans la vie, ressemble au passé, mais c'est là tout ce que nous pouvons prévoir de l'avenir.

Cet avenir, insaisissable par la pensée, fait de la vie une puissance qui dépasse infiniment toute pensée. Conclusion : C'est grâce à notre pensée que la vie a du sens. Mais, la pensée peut nous amener à ne plus vivre Bien que ce soit la vie qui soit à l'origine de toute pensée. Notre pensée ne fait obstacle à la vie que dans la mesure où nous oublions que le propre de la vie est d'échapper à toute pensée.. »

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