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La loi morale me permettent-elle de surmonter ma finitude ?

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« Introduction La morale a toujours d'une certaine façon été considérée comme un moyen privilégié pour l'homme d'accéder à l'absolu.

C ar la morale semble d'abord être aspiration à l'absolu.

Platon déjà exhortait ses interlocuteurs à suivre la voie menant au Bien, Idée absolue que doit viser le sage philosophe.

La métaphysique en ce sens est la science permettant à l'homme de monter vers le Bien.

Mais le quotidien offre, dans sa pression constante à l'action, moins d'alternative aussi simple, et requiert l'homme toujours déjà capable de choisir par lui-même de ce qui est bon qu'il fasse.

A l'imprévisible parfois, une règle ne suffit pas, et il faut bien alors adapter son agir aux circonstances qui souvent nous viennent de l'extérieur et dont on ne dépend pas.

La finitude de l'homme serait-elle un obstacle pour celui qui tend, conscient de ses limites, à une vie vertueuse ou éthique ? I.

La double prise en otage de la conscience morale de l'homme a.

Du fait de sa finitude, l'homme existe à tout instant devant sa possibilité la plus fondamentale, devant l'imminence constante de la mort.

Sa fragilité l'expose en effet à ne plus être, ou plutôt à s'effacer pour toujours de la surface du globe, et se désunir fatalement de la communauté des hommes.

Pourtant, il apparaît que cette finitude peut être surmontée dans la considération éthique de l'autre.

Lévinas montrera, dans Ethique et infini , la capacité qu'a un regard désintéressé d'autrui à élever l'homme de sa condition, et lui faire entendre l'impératif éthique et absolu.

Ainsi voir le visage nu d'autrui, mais le voir en tant que visage épuré de ses déterminations (tel nez, tels yeux, etc.), c'est saisir l'autre, non en tant qu'individu déterminé, mais en tant que sujet absolument éthique.

L'autre en effet inspire (respire) la loi morale, le « tu ne tueras point », et oblige à la considération d'une éthique infinie, à savoir d'une responsabilité qui m'engage totalement vers et pour l'autre.

Lévinas voit dans le « tu ne tueras point » la première parole du visage, l'ordre imminent d'une instance supérieure qui « parle » à travers ce tout autrui que je rencontre : « Dans l'accès au visage, il y a certainement aussi un accès à l'idée de Dieu ». Ainsi l'homme est foncièrement « otage » de sa subjectivité éthique, et doit répondre de l'autre, et de sa responsabilité même, sans attendre la réciproque. L'idée d'infini ressort ainsi du visage de l'autre, en tant que Loi, en tant que Dieu, et c'est cette liaison opérante qui arrache l'homme d'une finitude éparse, désordonnée. b.

L'homme, insatisfait des fins terrestres auxquelles il aboutit, aspire à une fin qui dépasse cette vie, à un monde suprasensible.

L'homme aurait ainsi une « destination » plus haute que la simple satisfaction des désirs quotidiens.

L'idéaliste allemand Fichte, dans La destination de l'homme (livre troisième, « croyance »), affirme que puisque la loi morale exige un tel monde suprasensible, on doit croire à la réalité de ce monde.

Ce monde est présent à l'homme à tout moment de son existence, et c'est sa bonne volonté qui fait le lien entre les deux mondes (réel sensible dans lequel j'agis et réel suprasensible comme lieu de mon intention pure).

L'homme doit ainsi tabler sur ses intentions pour agir dans le monde sensible, même si le résultat peut être négatif.

L'intention, en effet, est pure et spirituelle, et ne se fourvoie pas, comme le fait l'action effective, dans le monde matériel.

Fichte prétend que la volonté morale a des conséquences éternelles, même si on ne les voit pas se réaliser ici-bas, car c'est au fil de plusieurs vies que viennent à prendre racine dans l'action les intentions d'abord pensées.

Toute l'efficace se manifeste certes « dans le monde suprasensible, mais les transformations qui se produisent en celui-ci sont ensuite exprimées au cours de vies futures par le monde sensible, phénomène de l'intelligible » (introduction à la Destination par Gueroult).

Il y a pour cet auteur une causalité de la volonté pure qui détermine souvent ce qu'on ne voit pas, à savoir le progrès moral historique.

Il faut ainsi se détacher des causes qui agissent dans le monde sensible et adhérer à la croyance en la loi morale, en la volonté infinie, seule capable d'agir pour le bien de l'homme dans l'histoire.

L'homme, comprenant qu'il vit au sein même d'une volonté infinie (de Dieu), recouvre la trace de son appartenance à un processus historique et conceptuel entièrement régi moralement.

La place de l'homme, enfin, fait qu'il participe de deux mondes, mais qu'il est surtout, en tant qu'il « croit » à la loi morale, conscient d'être l'élément par lequel la volonté bonne et infinie opère son plan providentiel. II.

Prudence morale et révolte légitime : deux pendants de la finitude radicale a.

Le bonheur paraît être, aux yeux du commun comme à ceux du savants, le bien suprême.

Le bonheur est désirable, montrait Aristote, suprêmement désirable, et c'est ce qui le définit : « Tout art et toute investigation, et pareillement toute action et tout choix tendent vers quelque bien, à ce qu'il semble.

Aussi at-on déclaré avec raison que le bien est ce à quoi toutes choses tendent » (Aristote, première phrase de l'Ethique à Nicomaque ).

Et c'est à travers une réflexion sur le genre de vie à mener que les philosophes se sont séparés sur la question du bonheur.

Fallait-il vivre au jour le jour et accepter ce qui adviendrait ? Ou devait-on se conformer à une idée absolue, la raison, seule capable d'offrir les règles dune vie bonne ? Il apparaît difficile d'abord de se laisser aller à attendre la voix d'une raison (qui peut ne jamais s'annoncer) nous conduisant sur le chemin des normes du bien, de la loi morale, quand on considère le simple fait que le quotidien est la scène d'un agir permanent, incapable d'être saisi en sa totalité, c'est-à-dire perpétuellement susceptible de donner des circonstances diverses et variées.

La morale implique alors le fait d'être dans la capacité d'agir à tout moment et de répondre sur le vif de toute forme de situations.

Si l'homme a une « tâche » (ergon) à accomplir, comme le dit A ristote, c'est bien parce qu'il est pressé et contraint par l'action, et qu'il est par nature capable de bonheur.

Ainsi le bonheur a sa source en nous, il ne vient pas d'une source divine extérieure.

Et pour cheminer vers cet état de quiétude, l'homme doit agir de manière vertueuse, c'est-à-dire doit disposer d' « états habituels louables » ( Ethique à Nicomaque).

La vertu (ou juste milieu entre l'excès et le défaut), en tant que disposition à agir tournée vers le bien, est condition du bonheur de l'homme.

La prudence (capacité de délibérer sur les choses contingentes, c'est-à-dire qui peuvent être autrement qu'elles ne sont) dès lors, sera cette disposition à agir conformément à une réflexivité proximale, c'est-à-dire au cœur de l'action.

Et c'est ce caractère réflexif du sujet sur ce qu'il entreprend dans l'action qui fait que la prudence est considérée par Aristote comme une vertu intellectuelle. b.

L'optimisme fichtéen, qui n'a pas connu la destination du peuple élu vers les chambres à gaz, peut sembler absurde, mais il n'en reste pas moins qu'il est toujours permis au croyant de croire à un plan caché et se découvrant peu à peu au fil de l'histoire.

C ependant, pour ceux qui n'adhèrent pas à cette position délicate, la condition humaine peut avoir des airs d'absurdité notoire.

Albert Camus répliquera par la révolte, le faire et l'agir devant cette absurdité essentielle de l'homme et de son existence, et va chercher à définir une morale collective qui exalte la solidarité humaine : le destin doit être « une affaire d'homme, qui doit être réglé entre les hommes » ( Le mythe de Sisyphe).

L'homme doit être lucide de sa finitude, et apprendre à mépriser la mort pour vivre heureux.

La valeur essentielle reste l'homme, et toute révolte en ce sens tendra à préserver ce qui fait la beauté des rapports humains, non à détruire pour détruire sous prétexte que la vie n'aurait aucune valeur.

Ainsi doit s'éprouver la finitude humaine, à travers la révolte et l'agir, afin de légiférer pour une morale juste, et d'établir plus assurément l'amour entre les hommes.

Inspiré par Nietzsche, Camus entend illustrer une « morale de grande allure », celle qui parie sur cette vie-ci, et qui fonde un altruisme réel ; par ailleurs, il dénonce les crimes qui dénaturent la révolte, comme ceux consistant à tuer des innocents (cf.

L'homme révolté ).

L'homme dès lors se confronte aux lois dont il est l'auteur, et a le devoir de bannir celles qui sont susceptibles d'être illégitimes.

La loi morale est moins cause absolue gouvernant les actions des hommes, que le produit de la réflexion de l'homme sur sa finitude et la manière dont il a à répondre pour agir moralement dans le monde. Conclusion Devant l'absence contemporaine de thèses selon lesquelles l'histoire des homme serait providentielle, et les mènerait vers un état toujours plus voisin de la perfection, on ne peut que repenser le concret, le quotidien, et considérer les comportements moins à la lumière de la juridiction d'une loi morale autoritaire, qu'à celle d'une pratique prenant en compte les aléas des circonstances, consistant en un calcul des paramètres afin de mieux juger par soimême ce qu'il faut ou non faire.

La fuite actuelle de l'homme des mystérieux sentiers où tout doit être bon et parfait, vers la considération terrestre d'une suite ininterrompu d'événements, semble figurer que l'homme s'est octroyé une forme prononcée de responsabilité, en tant qu'il a à répondre par lui-même de l'action toujours pressante.. »

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