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La culture de l' esprit est-elle une entreprise élitiste ?

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« Nous verrons en premier lieu dans quelles mesures la culture peut être envisagée comme une entreprise sociale élitiste. Seulement, comme il apparaîtra ensuite cette vision donne à la culture un sens étroit.

La culture est aussi et plus fondamentalement ce qui permet à l'humanité de se révéler à elle-même. Enfin, que conclure d'autre sinon qu'elle est ce qui permet à tout sujet de se constituer et de se réaliser en intégrant les valeurs et les représentations du monde qui nous préexistent.

Qu'en ce sens il ne saurait y avoir de discrimination entre une culture d'élite et une culture populaire. La culture de l'esprit comme entreprise sociale vaniteuse Bourdieu dans Les héritiers, présente l'école (c'est-à-dire l'ensemble des institutions scolaires et universitaires) non pas comme un appareil neutre au service de la culture et de la République, mais comme enjeu décisif de la lutte des classes.

Les enseignants contribuent (inconsciemment le plus souvent) à transmettre et à consacrer les valeurs et les normes des classes dominantes : l'école ne peut qu'avaliser les clivages sociaux et les reproduire.

En ce sens la culture n'est pas envisagée comme ce qui nous élève tous et de la même manière à notre humanité mais ce qui justifient des rapports de classes inégalitaires, en faisant de la culture de l'esprit l'apanage d'une classe particulière que le sociologue appelle l'élite. C'est en un sens ce que nous retrouvons dans les analyses que fait Rousseau de la culture des sciences et des arts.

Alors que l'état de nature en est dépourvu, la société elle est en partie corrompue parce qu'elle cultive ce goût pour la connaissance et le raffinement qui n'a rien de naturel, ni d'essentiellement humain pour Rousseau. En effet tandis que le premier état de nature reconstitué dans la première partie du Second discours sur l'origine et le fondement des inégalités permet d'établir la bonté naturelle de l'homme, la seconde partie montre comment les hommes durent modifier leur première condition sous l'effet de l'adversité naturelle.

Ils perfectionnent leur nature dont les performances furent bientôt relayées par l'industrie : les arts et les métiers destinés à faire fructifier la terre leur permirent une forme d'abandon.

Mais insensiblement ils quittèrent leur premier état d'être soumis au besoin, et entrèrent dans la condition d'être de désirs.

La socialisation qui en découlera est basée sur le goût de paraître qui s'est substituée à l'être.

Si l'homme est initialement caractérisé par l'amour de soi, le développement de la socialisation implique la fâcheuse tendance de se composer à autrui, que Rousseau nomme « amour propre ».

La racine de l'amour propre tient dans la tendance à se mesurer sans cesse à lui, et fonder l'estime de soi, non sur le sentiment de l'existence humaine qui repose sur la tendance à vouloir être ce qu'on croit qu'autrui voudrait qu'on soit.

C'est fausser l'amour de soi par une estimation dégradée du désir d'autrui, dans laquelle la représentation qu'on se fait de ce dernier devient le critère de notre ligne de conduite.

La subjectivité devient dans un tel processus de régression spéculaire, l'objet d'une recherche infinie, quête de soi vaine et comparable, en privilégiait de vaines subtilités l'existence de soi et hors de soi. La culture de l'esprit comme quête de notre humanité Si l'on prend la culture dans son sens fondamental voire ontologique, la culture recouvre tout ce par quoi l'existence humaine apparaît comme s'élevant au dessus de la pure animalité et plus généralement à travers elle au-dessus de la simple nature. La culture, pour Kant est la formation par l'homme de ses dispositions afin de parvenir au façonnement de son existence d'après ses propres fins et du déploiement de ses propres forces.

« Les beaux arts et les sciences qui du fait d'un plaisir universellement communicable, et en polissant et raffinant aux fins de la société, rendent l'homme sinon meilleur moralement du moins civilisé, gagnent beaucoup sur la tyrannie du penchant sexuel et préparent ainsi l'homme à une maîtrise dans laquelle seule la raison doit avoir du pouvoir : puisque les maux dont nous afflige partie de la nature, partie intraitable égoïsme des hommes, accroissent et fortifient en même temps les forces de l'âme pour qu'elles n'y succombent pas, et nous font ainsi sentir une aptitude à des fins plus élevés qui est cachée en nous », Critique de la faculté de juger, paragraphe 83.

La culture n'a donc pas uniquement une portée exclusivement sociale ou politique mais aussi morale. Kant écrit dans son Traité de pédagogie : « L'espèce humaine est obligée de tirer peu à peu d'elle-même par ses propres efforts toutes les qualités naturelles qui appartiennent à l'humanité ».

Ce qu'il faut entendre c'est que l'homme se réalise par un effort, un arrachement à la nature, ce dont est incapable l'animal.

Il poursuit : « La discipline empêche l'homme de se laisser détourner de sa destination, de l'humanité, par ses penchants brutaux.

Il faut par exemple, qu'elle le modère afin qu'il ne se jette pas dans le danger comme un être indompté ou un étourdi.

» Ainsi il faut opposer deux états, l'un proche de l'animalité et l'autre proche de l'humanité.

Il précise : « La sauvagerie est l'indépendance à l'égard de toutes les lois.

La discipline soumet l'homme aux lois de l'humanité, et commence à lui faire sentir la contrainte des lois.

».

La culture n'est donc pas un ensemble de valeurs inessentielles, ou accessoires mais elle constitue l'œuvre de l'humanité.

Elle nous renvoie à notre capacité à nous élever au dessus de la contingence de l'arbitraire du désir pour devenir maître de soi. Si bien d'ailleurs que l'importance de la discipline tient au fait selon Kant que : « Il n'y a personne qui, ayant été. »

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