La conscience et la mort
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Introduction
Le sujet paraît, de prime abord, philosophiquement redoutable.
En effet, que dire sur la conscience elle-même
puisque elle semble être, par définition, le fondement évident et silencieux de notre réflexion ainsi que de notre agir.
Si le sens commun définit la conscience (du double latin cum qui signifie « avec » et scire, « savoir, connaître »)
comme la connaissance de soi, de son existence et de tous ses états, il peine à se la représenter clairement.
Comment donc déterminer cela même qui est la condition précédent toute détermination possible ?
La mort, quant à elle, semble par nature hors de portée du connaître.
Si la mort, comme le rappelle Épicure, est la
cessation de tout sensation et de toute connaissance, alors elle n'est rien pour nous puisqu'elle est la fin même de
toute expérience possible.
Comment évoquer ce que l'on ne connaît pas ?
Dès lors la philosophie se trouve confrontée à de l'impalpable lorsqu'elle aborde les notions de conscience et de
mort.
Pourtant celles-ci sont interrogées ensemble en vue d'une réflexion philosophique (qui ne les séparera pas !).
Et, au regard de l'histoire de la discipline, ces réflexions sont omniprésentes ! À quoi peut-donc bien mener une
réflexion philosophique sur ces deux notions ?
Le sujet ne nous conduit-il pas à nous ? L'humain n'est-il pas le point de convergence essentiel (et exclusif)
d'une conscience avec sa propre fin ?
Toute philosophie n'est-elle pas, en son fonds, ce retour réflexif sur l'existence telle qu'elle se donne et sur sa
radicale limite ?
I.
La nature humaine : conscience de la finitude
Les hommes étaient, dans les anciens écrits, nommés « mortels ».
Cette conscience ancestrale du caractère
essentiellement « mortel » de l'homme est sans doute l'acte de naissance même de la culture humaine.
La mort ne
se présente, certes à nous, que d'abord et toujours indirectement : c'est à la mort d'autrui que j'assiste vivant.
Cette expérience est en outre la condition de la prise de conscience, réflexive, de mon propre caractère mortel.
L'autre qui meurt est donc annonciateur de mon propre déterminisme radical.
Les dieux de la Grèce Antique, « les
immortels » étaient précisément ceux qui ne souffraient pas de ce déterminisme.
La mort accompagnée de sa conscience définit précisément la nature humaine.
Ces deux notions sont même les
fondements de la philosophie qui se soucie de l'existence.
La conscience qu'à l'homme de sa condition finie, mortelle
et vouée à la souffrance et l'épreuve infinies (tragique existentiel), est le point de départ de la réflexion de
Kierkegaard (considéré comme le « père de l'existentialisme »)...
Mais cette conscience de la finitude trouvera son
expression la plus originale avec Heidegger.
Celui-ci considérera que l'humain est essentiellement « être-pour-lamort » (Sein zum Töde), trouvant en cela une véritable vérité « existentiale »
(modalité fondamentale du fait d'être).
Il va plus loin puisqu'il considère que la
conscience humaine est seule capable, dans sa résolution à ne plus ignorer
cette finitude mais bien à l'assumer, de fournir une vie « authentique » (Cf.
Être et Temps).
Seul l'homme capable d'affronter avec sérénité cette
inéluctabilité de la mort, la sienne propre (il rappelle que je suis seul devant
ma propre mort), peut alors s'engager dans une existence qui sera l'occasion
de manifester ses capacités les plus propres, les plus authentiques.
La
conscience et la mort deviennent, en ce sens, des capacités fondamentales
d'ouverture à la vérité de « l'être-là » que je suis (Dasein).
Plus, la mort et la
conscience définissent l'essence humaine en tant qu'elle est seule consciente
et mortelle.
Heidegger considère en effet que seul l'homme, par sa
conscience, meurt, alors que les animaux, par exemple, restent prisonniers de
l'immédiateté irréfléchie, instinctive et naturelle qui les empêchent d'accéder
à cette conscience fondamental d'eux-mêmes et de leur sort inéluctable (Cf.
Les concepts fondamentaux de la métaphysique.
Monde-finitude-solitude).
Conscience et mort seraient donc les notions fondamentales qui définissent
l'homme dans son essence comme dans son existence.
Mais cette essence
n'est-elle pas également celle qui, proprement, mène l'humain à naturellement
philosopher à partir de cette conscience de sa finitude radicale ?
II.
La métaphysique : Un au-delà par la conscience mortelle
Aborder la conscience humaine et sa finitude c'est donner à la philosophie sa condition nécessaire (la conscience)
ainsi que son horizon certain, sa limite.
Husserl, au cœur de sa philosophie de la conscience, s'intéressera
primordialement au contenu de celle-ci.
En rappelant que « toute conscience est conscience de quelque chose », il
privilégiera les objets de la conscience (les cogitata) comme moyen d'accès (via une suspension méthodique du
jugement sur la réalité du monde, une épochè) à la vérité de la conscience.
Malgré tout, un paradoxe frappe l'esprit
: avoir conscience de la certitude de mourir est en même temps cet acte qui prouve que je suis bien vivant.
De
sorte que la conscience, même celle de mourir, est le critère d'une existence en cours..
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