La conscience de l'individu n'est-elle que le reflet de la société à laquelle il appartient ?

« La question est de savoir si notre conscience est uniquement produite par ce qui nous entoure, ou si elle possède une certaine autonomie : il semble que la société influence notre conscience, mais dans quelle mesure ? A priori, on pourrait penser que notre conscience renvoie à notre intériorité : en quoi pourrait-elle être façonnée par une société qui nous est extérieure ? Étymologiquement, conscience signifie " savoir ensemble " (du latin cum et scientia).

Notre conscience est à la fois psychologique (le pouvoir que j'ai de rapporter mes actions, mes pensées, à moi-même en tant que centre de celles-ci) et morale (la capacité que j'ai de distinguer le bien du mal).

Un reflet est une image qui reproduit fidèlement un objet ou une autre image.

La société est un ensemble d'individus liés par une langue, une culture, des valeurs, des règles et des institutions communes, et dont l'organisation peut subir des bouleversements.La question est donc de savoir dans quelle mesure la société à laquelle j'appartiens façonne mon intériorité.

Ma conscience n'est-elle pas libre, mais entièrement déterminée par ce qui m'entoure ? Et si ma conscience ne se limite pas à reproduire ce qui m'est extérieur, que peut-elle faire d'autre ? Dans un premier temps, nous verrons que la conscience est avant tout le lieu de notre intériorité.

Nous verrons ensuite comment la société pèse sur notre conscience : mais alors, n'est-elle pas essentiellement produite par nos conditions d'existence ? Dans un premier temps, nous pourrions penser que la conscience n'est pas seulement le produit de la société à laquelle nous appartenons, en distinguant notamment une conscience psychologique, lieu de notre intériorité, d'une conscience morale qui serait soumise à une influence sociale.

Descartes pose ainsi la conscience comme le lieu de l'intériorité, une " substance pensante " ou une chose séparée du monde : le sentiment d'identité que me donne ma conscience n'a rien à voir avec le monde qui m'entoure. L'expérience de Descartes, dans le Discours de la méthode, qui découvre l'évidence du sujet, conscient de lui-même et de sa propre existence, en témoigne : ma conscience ne reflète pas le monde extérieur, elle renvoie uniquement à mon intériorité.

En d'autres termes, mon sentiment d'identité ne doit rien à ce qui m'entoure. De plus, même lorsqu'elle est dirigée vers le monde et non plus vers moi-même, ma conscience est singulière : Je perçois le monde, je le vis, d'un point de vue qui n'est pas celui des autres, et qui n'a pas l'uniformité d'un point de vue social.

Ainsi, ma conscience est bien " conscience de l'individu ", c'est-à-dire spécifique à chaque individu, différente d'un individu à l'autre.

Dans la Phénoménologie de la perception, Merleau-Ponty explique comment nos consciences sont irréductiblement subjectives, liées à notre corps plutôt qu'au monde ou à la société à laquelle nous appartenons.

Dire que nos consciences sont subjectives semble impliquer une autonomie relative des consciences, qui ne pourraient être pensées comme les produits d'une extériorité collective. Cependant, si la conscience est individuelle, si elle n'est pas une image fidèle de la société, peut-elle en être radicalement séparée ? La société et les relations intersubjectives ne pèsent-elles pas sur les représentations de notre conscience ? Sommes-nous une conscience séparée du monde, y compris du monde social ? Freud montre, dans sa deuxième théorie topique, comment le psychisme est structuré en trois pôles dynamiques : les relations du ça, du moi et du surmoi détermineraient, dit-il, nos représentations conscientes et inconscientes.

Par conséquent, nous pouvons dire que notre intériorité est loin d'être imperméable au monde, dans le sens où elle est travaillée par la société, ne serait-ce qu'à travers les interdits sociaux progressivement intériorisés dans le surmoi.

Si mon psychisme intériorise dans un premier temps les interdits sociaux afin de les assumer, et si cette vie psychique inconsciente pèse sur mes représentations conscientes, on peut dire que nos consciences individuelles sont façonnées et construites par la société dans laquelle nous sommes inscrits : qu'il s'agisse de la société spécifique dans laquelle nous sommes nés, ou, de manière générale, de nos relations avec les autres, notamment nos relations familiales et notre histoire. Ainsi, il est impossible de concevoir nos consciences indépendamment des relations sociales qui la constituent. Que nos représentations conscientes soient façonnées par nos relations sociales est également établi par Durkheim dans L'éducation morale, qui montre que la morale n'est pas le produit d'une conscience individuelle, le résultat de l'action d'un individu, mais le produit d'une conscience collective.

La source de la morale est donc collective : c'est tout un peuple, toute une époque, qui décline très lentement les valeurs d'un système moral. Cette distinction faite par Emile Durkheim entre la conscience collective et la conscience individuelle implique que nous, en tant qu'individus, sommes passifs face à la morale..... »