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La connaissance de soi est-elle difficile

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« I.

— INTRODUCTION POSSIBLE. Chacun s'imagine toujours mieux connaître que personne ses dispositions, ses tendances, ses humeurs, ses intentions.

En principe, il est l'être qu'il connaît le mieux au monde. Il importe, malgré ces apparences, de se demander s'il est si facile à l'homme de parvenir à la véritable connaissance de soi. II.

— VOIES D'ACCÈS TRADITIONNELLES VERS LE MOI. Depuis une dizaine d'années environ, le problème de l'introspection, sous sa forme classique du moins, est dépassé.

Aujourd'hui, on distingue nettement conscience de soi et connaissance de soi.

Alors que la première est purement subjective, la seconde oriente vers une étude objective, scientifique de soi.

Cette dernière suppose une prise de conscience de la situation de l'homme dans ses rapports avec la nature et avec ses semblables. De prime abord, il semble que l'homme se saisisse presque directement, comme par une sorte d'intuition immédiate. S'il en était réellement ainsi, il comptabiliserait sans erreur possible ses points forts et ses points faibles.

Pourtant, il arrive que ses amis décèlent en lui des travers et des défauts qu'il ne soupçonnait même pas.

Souvent, on voit la paille qui est dans l'oeil de son voisin et non la poutre qui est dans le sien. L'introspection ne permet pas non plus de bien se connaître.

Elle finit par devenir une sorte de puissance trompeuse.

Chacun connaît la formule célèbre d'A.

Comte : On ne peut pas se mettre à la fenêtre pour se regarder passer.

» Qu'il s'agisse de l'introspection comme la comprennent Maine de Biran ou Kierkegaard ou les Romantiques allemands, la conscience que l'homme a de lui-même finit par devenir une expérience privilégiée donnant l'intuition de l'existence et de la liberté. Selon Bergson, l'intelligence habile à saisir des rapports ou à cerner les objets et les êtres de l'extérieur, serait incapable de pénétrer dans la mystérieuse intimité des choses et des âmes. Mais, cette sympathie qui nous fait communier avec le monde, mérite-t-elle le nom de connaissance ? Kant, dans la Critique de la Raison Pure, rappelle que toute connaissance, pour parvenir à l'objectivité doit présenter une forme et une matière, c'est-à-dire, comporter l'hétérogénéité entre le pouvoir d'organisation et le contenu qu'il s'agit d'organiser.

La connaissance de soi doit obéir aux lois générales de la connaissance. Il faut bien admettre qu'il n'est point facile à l'homme non seulement de juger, mais de voir avec une clarté suffisante ce qui se passe en lui.

On pense aux confessions de J.-J.

Rousseau : on ne saurait douter de la sincérité de l'auteur. Mais la sincérité n'est, pas une garantie d'authenticité ni de lucidité.

Rousseau force ses couleurs. Tantôt il embellit le portrait; tantôt il le noircit, en vue de l'effet à obtenir.

Il veut soulever notre horreur, éveiller notre pitié, nous toucher enfin.

Il transforme sans le vouloir et le plus souvent, sans avoir conscience des libertés qu'il prend avec la vérité.

Pour intéressant et important qu'il soit, son témoignage ne peut guère prétendre au titre de connaissance. En commentant à son fils sa maxime : Connais-toi, toi-même, Socrate lui a expliqué qu'il s'agit moins de s'étudier que de se situer.

Comment y parvenir aujourd'hui sans' faire appel aux sciences humaines qui définissent le moi dans son double rapport avec le monde extérieur et-- avec la société ? La psychanalyse moderne ne renonce pas tout à fait à l'introspection, mais elle considère que cette dernière ne doit plus être réalisée au gré et à la fantaisie du sujet qui s'examine.

Elle n'intervient qu'à son heure, dans le cadre « d'associations d'idées libres » suscitées par le médecin pour aider à l'interprétation des rêves, d'actes manqués, de désirs ou d'envies, lesquels sont considérés comme des manifestations d'une névrose, d'une désadaptation qu'il s'agit justement de guérir.

Les ressources de la psychanalyse sont grandes parce que dans le cadre d'une telle analyse, les souvenirs s'éclairent l'un l'autre, des « abréactions s” provoquent de soudaines résurgences du passé, des oublis pathologiques se trouvent soudain levés comme des voiles. III.

— LE RAPPORT ENTRE LE MOI ET AUTRUI. Cependant, la psychanalyse ne peut pas être considérée comme aboutissant à une connaissance de soi.

Elle entend simplement éclairer notre présent par notre passé et situer, notre conduite dans le cadre de notre histoire. Un autre cadre se révèle aussi important pour la connaissance de soi : celui de notre société, de notre époque.

Nous n'inventons pas la société qui nous entoure.

C'est plutôt elle qui nous invente.

Nous n'exerçons d'influence sur elle que dans la mesure où nous comprenons ses problèmes. Dès lors, les recherches sociologiques jouent un grand rôle quand il s'agit de se connaître.

Le moi se situe « au' carrefour de multiples relations humaines s et se définit par l'attitude de l'individu à l'égard des diverses structures sociales qui constituent son environnement. Moréno décrit des "constellations affectives" définissant les attitudes et les répulsions caractérisant les lignes de force des mouvements individuels et collectifs... Ce que la sociologie marxiste appelle mon moi, mon psychisme est en fait inséré dans un contexte historique qui résulte d'interférences complexes entre forces matérielles et représentations, conscientes ou non, qui se forment dans l'esprit de l'homme. Mais l'étude du contexte social, comme toutes les autres recherches scientifiques, s'avère longue et pose d'incessants problèmes de méthode car il s'agit de l'homme, être qui, précisément "infléchit tout déterminisme dans le miroir de sa conscience et qui transforme la prise de conscience en force matérielle". C'est dire que l'histoire de notre moi se situe dans une histoire plus vaste qui est celle de notre milieu, dans un pays donné et à une époque donnée.

Les facteurs économiques y jouent un rôle essentiel. Comme toutes les connaissances scientifiques, la connaissance objective de soi est une conquête malaisée qui demande beaucoup de temps. Être soi, se connaître, suppose une connaissance dans le temps, une saisie de nous-mêmes dans notre propre devenir, autrement dit, une maîtrise de soi qui se situe au niveau de l'action.

Que signifierait une connaissance de soi qui resterait purement théorique et que la vie démentirait sans cesse ? IV.

— CONCLUSION. Se connaître, c'est développer toutes ses virtualités, non dans le sens d'un égoïsme raffiné, mais en vue d'une amélioration de la condition humaine.

Descartes avait déjà entrevu que la connaissance de soi se situe au carrefour de la connaissance et de l'action, « au confluent du bien juger et du bien faire ».. »

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