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Justice: vertu et institution ?

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« Qu'un individu soit condamné alors qu'il est innocent, conduit spontanément à penser que « c'est injuste ».

C ela fait référence à deux aspects où l'idée de justice est impliquée.

D'une part, nous sommes émus, choqués ou scandalisés par une telle situation, nous éprouvons un sentiment, et il nous semble que tout individu devrait être affecté de la même manière, que c'est une question de conscience.

Mais c'est d'autre part, l'expression d'un irrespect de la loi, en référence à un code juridique. M ais ce sentiment et cette institution judiciaire, à quoi se réfèrent-ils ? Y a-t-il un critère du juste, dont le sentiment serait la manifestation subjective et les textes de lois l'expression objective ? A insi, pour comprendre la notion de justice, nous devons nous interroger sur l'homme juste et sur l'institution politique de la justice. La vertu de justice La justice est une vertu cardinale, comme le courage, la tempérance et la prudence, selon Platon.

Elle est même l'harmonie des trois autres.

En cela elle s'en distingue et leur est supérieure.

De plus, elle n'a trait qu'aux rapports avec autrui, alors que les trois autres vertus s'exercent aussi pour soi seul. En tant que vertu éthique (ethos = manière d'être), la justice est une disposition du sujet, c'est-à-dire un état habituel, stable, qui le fait agir, par choix délibéré, selon la droite règle.

A ccomplir une action juste involontairement lui ôte en effet de sa valeur.

A u contraire, l'homme juste obéit à la règle avec une intention droite et de manière infaillible. C ette règle est la loi.

Or celle-ci, pour être juste, doit être édictée par la droite raison, c'est-à-dire la faculté qui, dans la nature de l'homme, lui permet de connaître le principe qui préside à un ordre juste.

L'homme seul est en effet capable d'accéder à l'idée d'ordre.

Mais comment décider que c'est la bonne et la seule ? a) L'action juste et vertueuse. Dans ce texte d'A ristote, vous trouverez un appui pour défendre la thèse selon laquelle la justice est une vertu : A ristote, Ethique à Nicomaque, livre V . « C omprenons donc en combien de sens se dit l'homme injuste.

O n considère généralement comme étant injuste à la fois celui qui viole la loi, celui qui prend plus que son du et enfin celui qui manque à l'égalité, de sorte que de toute évidence l'homme juste sera à la fois celui qui observe la loi et celui qui respecte l'égalité (...).

P uisque, disions-nous, celui qui viole la loi est un homme injuste, et celui qui l'observe un homme juste, il est évident que toutes les actions prescrites par la loi sont, en un sens, justes : en effet, les actions définies par la loi positive sont légales, et chacune d'elles est juste, disons-nous. O r les lois prononcent sur toutes sortes de choses, et elles ont en vue l'utilité commune (...).

Mais la loi nous commande aussi d'accomplir les actes de l'homme courageux (par exemple, ne pas abandonner son poste, ne pas prendre la fuite, ne pas jeter ses armes), ceux de l'homme tempérant (par exemple, ne pas commettre d'adultère, ne pas être insolent), et ceux de l'homme de caractère agréable (comme de ne pas porter des coups et de ne pas médire des autres), et ainsi de suite pour les autres formes de vertus ou de vices, prescrivant les unes et interdisant les autres, tout cela correctement si la loi a été elle-même correctement établie, ou d'une façon critiquable, si elle a été faite à la hâte.

C ette forme de justice, alors, est une vertu complète, non pas cependant au sens absolu, mais dans nos rapports avec autrui.

Et c'est pourquoi souvent on considère la justice comme la plus parfaite des vertus, et ni l'étoile du soir, ni l'étoile du matin ne sont ainsi admirables.

» Si on comprend bien ce texte, on comprend qu'est juste celui qui agit conformément à la loi.

Mais ce qu'il est décisif de comprendre, c'est qu'il y a une condition qui rend « justes » les actions conformes à la loi : il faut que la loi elle-même soit juste.

Si les lois nous poussent à agir vertueusement (nous engageant par exemple à des actions courageuses), alors agir conformément à la loi c'est agir vertueusement. T outefois, peut-on valider l'idée selon laquelle les lois sont intrinsèquement nécessairement juste ? b) Deux formes de justice. La tragédie de Sophocle Antigone pointe d'une façon formidable l'opposition entre deux formes de justice : une justice qu'on peut considérer comme « naturelle » s'oppose à la justice « conventionnelle », aux lois de la cité. Face à l'interdiction juridique d'enterrer son frère, A ntigone préfère agir selon ce qui est juste en soi : elle ne laisse pas la dépouille de son frère sans sépulture. A ntigone a outrepassé les lois de la cité au nom d'un sens de la justice. V oici un extrait : « C réon.

– C onnaissais-tu la défense que j'avais fait proclamer ? A ntigone.

– Oui je la connaissais : pouvais-je l'ignorer ? Elle était des plus claires. C réon.

– A insi tu as osé outrepassé ma loi ? A ntigone.

Oui, car ce n'est pas Zeus qui l'avait proclamé ! » Dans la tragédie de Sophocle, la valeur immuable de la justice est représentée comme étant la justice des Dieux.

Sans conserver l'idée qu'il y a une justice divine, il faut toutefois envisager la possibilité d'une « idée » de la justice, marquant ce qui est juste en soi. P ar opposition à cela, la justice conventionnelle et le droit ne sont peut-être que des illusions de justice. O n peut donc soupçonner un sens absolu, et un sens relatif de la justice. L'action d'A ntigone a-t-elle alors été vertueuse parce qu'elle s'est conformée à ce qui est juste ? Dans cette première partie, on a distingué deux formes de justice.

A partir de là, il semble qu'on n'agisse vertueusement que lorsqu'on agit conformément à ce qui est juste en soi, et non pas conformément à ce qui est juste aux yeux de la cité. A partir de là, on peut développer la thèse selon laquelle c'est une illusion de croire qu'on agit vertueusement lorsqu'on se conforme simplement aux lois. O n agit simplement « légalement ».

Sans doute la vertu concerne-t-elle ce qui est juste en soi. Sentiment de la justice et nature humaine Les animaux ne pensent pas l'ordre auquel ils sont nécessairement soumis, leur instinct y supplée.

En revanche, il n'y a pas de société humaine sans que les individus qui la constituent aient pensé un ordre qu'ils estiment juste.

N'est-ce donc pas dans un sentiment de la justice que s'exprime la nature humaine ? Encore faut-il être à son écoute, et le sage semble être le mieux à même de laisser parler la voix de cette nature en lui. La loi universelle qui préside à l'ordre du cosmos, à laquelle sont soumis tous les êtres, n'est-elle pas alors le principe premier auquel il faut recourir, comme l'ont pensé les stoïciens ? Lorsque l'on se réfère à la nature comme modèle d'équilibre et d'harmonie, ne recherche-t-on pas ce critère permettant d'établir un ordre équivalent au sein du microcosme qu'est la C ité ? P oussée à son terme, cela conduit à une vision métaphysique du fondement de la justice en l'homme, dans un principe universel transcendant.

Les hommes, en s'éloignant de cet ordre, s'aliènent et vivent dans un monde d'injustice et de désordre.

A insi, la tâche de chaque homme serait de trouver une harmonie entre sa nature individuelle, la nature humaine et la nature universelle. C ette idée, visée par l'esprit, a la force et la faiblesse de l'idéal.

Un idéal peut pousser les hommes à progresser, se rendre meilleurs qu'ils ne sont. C ependant, l'exigence d'ordre n'attend pas.. »

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