Jean-Paul SARTRE: Quand je perçois une chaise
Extrait du document
«
"Quand je perçois une chaise il serait absurde de dire que la chaise est dans
ma perception.
Ma perception est...
une certaine conscience et la chaise est
l'objet de cette conscience.
A présent, je ferme les yeux...
La chaise en se
donnant maintenant en image ne saurait pas plus qu'auparavant entrer dans
la conscience.
En réalité que j'imagine cette chaise de paille sur laquelle je
suis assis, elle demeure toujours hors de la conscience...
Que je perçoive ou
que j'imagine cette chaise l'objet de ma perception et celui de mon image sont
identiques...
Simplement la conscience se rapporte à cette même chaise de
deux manières différentes...
Le mot d'image ne saurait donc désigner...
qu'une
certaine façon qu'a la conscience de se donner un objet.
A vrai dire
l'expression d'image mentale prête à confusion...
Comme le mot « image a
pour lui ses longs états de service nous ne pouvons pas le rejeter
complètement.
Mais pour éviter toute ambiguïté, nous rappelons ici qu'une
image n'est rien d'autre qu'un rapport.
La conscience imageante que j'ai de
Pierre n'est pas conscience de l'image de Pierre : Pierre est directement
atteint, mon attention n'est pas dirigée sur une image mais sur un objet..."
SARTRE.
VOCABULAIRE SARTRIEN:
Cogito, conscience : pour Sartre, aucune philosophie ne peut éviter de partir du cogito (« Je pense, donc je
suis », Descartes, Méditations métaphysiques, II).
Mais Sartre sous-tend le cogito réflexif cartésien (la
conscience de soi réfléchie) par un cogito pré-réflexif : une conscience non thétique (irréfléchie) de soi engagée
dans toute conscience d'un donné.
En outre, le cogito cartésien est modifié par Sartre dans le sens de
l'intentionnalité : il n'est absolument pas substantiel et implique d’emblée la co-présence d’autrui.
Phénoménologie de l'imagination selon Sartre
a) L'imaginaire - Pour donner de l'image une description plus conforme à la réalité posons donc dès l'abord qu'il n'
y a pas d'images, il n'y a que des objets imaginaires.
Quand je perçois une chaise, la chaise n'est pas dans ma
perception.
Je ferme les yeux, et évoque la chaise : la chaise, en se donnant maintenant en image, ne saurait
pas plus qu'auparavant entrer dans la conscience.
Dans les deux cas, la chaise demeure hors de ma conscience.
Mais ma conscience, dans l'image, se rapporte à l'objet d'une manière particulière.
L'imagination est une certaine
façon qu'a la conscience de se donner un objet.
Il vaut mieux parler de conscience-de-Pierre-en-image que de
l'image de Pierre.
Il y a une conscience imageante de Pierre.
b) Le phénomène de quasi-observation.
— Si tel est le premier caractère de l'image, il en existe un second :
contrairement à ce qui a lieu pour la perception du cube, l'image du cube se donne immédiatement pour ce qu'elle
est.
Si je dis : l'objet que je perçois est un cube, c'est là une hypothèse dont le cours ultérieur de mes
perceptions peut m'imposer l'abandon.
Dans la perception, le savoir se forme lentement ; dans l'image, le savoir
est immédiat ; une image ne s'apprend pas : elle se donne tout entière pour ce qu'elle est, dès son apparition ; si
on fait tourner en pensée un cube-image, on n'aura rien appris à la fin de l'opération.
L'objet en image est
contemporain de la conscience que je prends de lui, il n'est que par cette conscience.
SARTRE oppose
l'observation de l'image à l'observation du perçu en l'appelant : quasi-observation.
c) L'image, néant de la chose.
— En troisième lieu, la conscience imageante pose son objet comme un néant.
Elle
peut le poser de quatre manières : comme inexistant, comme absent, comme existant ailleurs ; elle peut aussi le
neutraliser, c'est-à-dire ne pas poser son objet comme existant.
La caractéristique de Pierre en image n'est pas
absence d'intuition de Pierre, mais intuition de Pierre comme absent.
En ce sens l'image enveloppe un certain
néant.
La conscience imageante est aussi conscience irréalisante ; position de l'irréel comme tel.
d) L'intentionnalité de l'image.
— Enfin la conscience imageante se donne à elle-même comme conscience
imageante, c'est-à-dire comme une spontanéité qui produit et conserve l'objet en image.
Elle s'apparaît comme
créatrice, mais sans poser comme objet ce caractère créateur.
Ce texte est emprunté à la première partie de L'imaginaire de J.-P.
Sartre, première partie qui a pour titre Le
certain.
Sartre entend en effet donner ici, avant toute induction plus ou moins hypothétique sur la nature de
l'imagination, une description fidèle de la conscience en train d'imaginer : « Pour l'instant nous voulons seulement
tenter une phénoménologie de l'image.
La méthode est simple : produire en nous des images, réfléchir sur ces
images, les décrire.
»
(Explication et commentaire)
« ...
Quand je perçois une chaise il serait absurde de dire que la chaise est dans ma perception.
Ma perception
est...
une certaine conscience et la chaise est l'objet de cette conscience...
» Sartre dénonce ici ce qu'il appelle
l'illusion d'immanence, propre à l'ancienne psychologie introspective.
Pour cette psychologie introspective, il existe
un monde intérieur, un domaine de la conscience qu'on peut opposer au monde extérieur.
David Hume, philosophe
du XVllle siècle, trouvait par exemple dans la conscience des perceptions nettes, intenses qu'il nommait
impressions et des images atténuées de ces impressions qu'il nommait idées.
Mais qu'il s'agisse des perceptions ou.
»
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