Jean-Paul SARTRE: La deliberation volontaire est toujours truquée
Extrait du document
Problématique. L'acte volontaire était traditionnellement conçu comme résultant d'une délibération préalable. Mais pourquoi délibérons-nous ? Si la délibération est bien déjà une décision, c'est que nous avons déjà choisi, de sorte que c'est par l'acte préalable de ce choix qu'il faut comprendre le processus volontaire dons son ensemble. Enjeux. Le choix de la délibération n'a peut-être pas la même valeur que la décision d'agir sans délibérer. S'il est vrai que la délibération suppose déjà tout un ensemble de conceptions morales, supposant par exemple que l'action réfléchie est supérieure à l'action irréfléchie, il reste qu'elle garde toute sa valeur comme processus susceptible d'éclairer efficacement la volonté. Le mérite de Sartre est ici de montrer que la délibération n'est pas un processus qui se déploie dans le vide, sans préalable.
«
La délibération volontaire est toujours truquée.
Comment, en effet,
apprécier des motifs et des mobiles auxquels précisément je confère
leur valeur avant toute délibération et par le choix que je fais de moimême ? L'illusion ici vient de ce qu'on s'efforce de prendre les motifs et
les mobiles pour des choses entièrement transcendantes, que je
soupèserais comme des poids et qui posséderaient un poids comme
une propriété permanente.
Cependant que, d'autre part, on veut y voir
des contenus de conscience ; ce qui est contradictoire.
En fait, motifs
et mobiles n'ont que le poids que mon projet, c'est-à-dire la libre
production de la fin et de l'acte connu à réaliser, leur confère.
Quand je
délibère, les jeux sont faits.
VOCABULAIRE SARTRIEN:
Liberté : ce n'est pas une propriété parmi d'autres de l'homme, c'est
l'étoffe même de son existence, qui renvoie à cette indétermination («
l'existence précède l'essence ») et à cette ouverture aux possibles qui
caractérisent la réalité humaine.
Selon une formule récurrente de Sartre, «
l'homme est condamné à être libre ».
De cette liberté découle sa
responsabilité.
Elle s'éprouve dans l'angoisse.
Projet: traduction du terme heideggérien Entwurf.
C'est ce qui caractérise
le mode d'être de l'homme en un sens ontologique radical : l'homme est projet, c'est-à-dire existe en se projetant
indéfiniment en avant de soi vers l'avenir, vers ses fins, vers l'être qu'il a à être sans jamais coïncider avec lui.
Le
projet fondamental d'une existence est le projet qui constitue la signification synthétique profonde des multiples
projets secondaires.
C'est ce que vise à mettre au jour la psychanalyse existentielle.
Cogito, conscience : pour Sartre, aucune philosophie ne peut éviter de partir du cogito (« Je pense, donc je suis
», Descartes, Méditations métaphysiques, II).
Mais Sartre sous-tend le cogito réflexif cartésien (la conscience de
soi réfléchie) par un cogito pré-réflexif : une conscience non thétique (irréfléchie) de soi engagée dans toute
conscience d'un donné.
En outre, le cogito cartésien est modifié par Sartre dans le sens de l'intentionnalité : il n'est
absolument pas substantiel et implique d'emblée la co-présence d'autrui.
Dans son oeuvre métaphysique essentielle qu'est L'Être et le Néant, Sartre associe une approche
phénoménologique au questionnement ontologique traditionnel, ce qui le conduit à mettre en évidence la liberté
humaine.
Problématique.
L'acte volontaire était traditionnellement conçu comme résultant d'une délibération préalable.
Mais pourquoi
délibérons-nous ? Si la délibération est bien déjà une décision, c'est que nous avons déjà choisi, de sorte que c'est
par l'acte préalable de ce choix qu'il faut comprendre le processus volontaire dons son ensemble.
Enjeux.
Le choix de la délibération n'a peut-être pas la même valeur que la décision d'agir sans délibérer.
S'il est vrai que la
délibération suppose déjà tout un ensemble de conceptions morales, supposant par exemple que l'action réfléchie
est supérieure à l'action irréfléchie, il reste qu'elle garde toute sa valeur comme processus susceptible d'éclairer
efficacement la volonté.
Le mérite de Sartre est ici de montrer que la délibération n'est pas un processus qui se
déploie dans le vide, sans préalable.
Quand je délibère, les jeux sont faits », écrit M.
Sartre.
Peut-on refuser à la délibération un rôle dans l'acte
volontaire ?
INTRODUCTION.
— Lorsque nous délibérons, l'avenir se présente à nous sous la forme de plusieurs possibles entre
lesquels nous allons choisir.
Nous croyons avoir conscience de notre liberté.
Cette impression, M.
SARTRE la nie : «
La délibération volontaire est toujours truquée.
» En pesant le pour et le contre, nous ne faisons que nous jouer à
nous-mêmes une comédie.
Non pas que M.
SARTRE veuille nier la liberté.
Tout au contraire : l'homme est liberté : «
L'essence de l'être humain est en suspens dans sa liberté.
» Mais à rencontre du sens commun, M.
SARTRE dissocie
liberté et volonté.
La première est antérieure à la seconde.
« Quand la volonté intervient, la décision est prise et
elle n'a d'autre valeur que celle d'une annonciatrice », conclut l'auteur de L'être et le néant, après avoir lancé, dans
sa redoutable concision, la sentence que l'on nous demande de discuter.
La volonté ne serait que l'apparition dans
la conscience d'un « projet » fondamental absolument libre qui jaillirait de la source même de mon existence.
J.-P.
SARTRE renverse le schéma classique de l'acte volontaire; la décision précède la délibération.
Celle-ci n'est pas un
des principes de mon activité, elle n'a aucun rôle à jouer, elle n'est qu'un processus mental entièrement passif.
Avant de critiquer la position de M.
SARTRE, nous essaierons de la mieux comprendre, et pour la mieux comprendre,
nous commencerons par rappeler la théorie classique de l'acte volontaire et de la délibération qu'elle rejette..
»
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