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Illusion et erreur ?

Extrait du document

« Erreur, illusion : Deux termes qui caractérisent des jugements faux.

Prenez le raisonnement suivant : Tous les poissons vivent dans l'eau.

Or la baleine vit dans l'eau, donc la baleine est un poisson.

La conclusion tirée des deux prémisses est évidemment fausse (la baleine est un mammifère) nous disons que c'est une erreur.

Voici maintenant une jeune fille de condition modeste qui est convaincue qu'un jour ou l'autre un prince viendra la chercher dans son taudis et l'épousera.

Tout le monde accordera que c'est une illusion.

Lorsque Gobineau, il y a un peu plus de cent ans affirmait que la race noire ne pourrait jamais accéder à la grande culture, que tous les Noirs étaient moins intelligents que les Blancs, nous savons aujourd'hui que c'était une illusion, et une illusion très pernicieuse.

Mais on parle aussi des illusions d'optique, des illusions des sens.

Lorsque le voyageur, dans le désert aperçoit une nappe d'eau (imaginaire) c'est un mirage, une illusion d'optique.

Lorsqu'un amputé récent « souffre dans la jambe qu'il n'a plus » c'est-à-dire localise une douleur très réelle à la place du membre disparu c'est encore une illusion. Comment donc distinguer ces deux genres de fausseté que sont l'erreur et l'illusion? On dit quelquefois que l'erreur est purement négative.

C'est la simple absence de vérité; erreur de calcul par exemple (j'ai mis par mégarde un ± à la place d'un -) et parfois moins encore : si je dis, pour reprendre un exemple de Spinoza que mon champ s'est envolé dans la poule du voisin », c'est un lapsus, un simple dérapage du langage.

L'illusion en revanche suppose une croyance, un attachement positif à la non-vérité.

L'homme illusionné ne se contente pas de manquer la vérité.

Il affirme le faux (comme si c'était le vrai) avec opiniâtreté. Une telle distinction n'est pourtant pas satisfaisante.

Car l'erreur elle-même tient le faux pour le vrai.

L'erreur n'est pas simple ignorance du vrai mais affirmation du faux comme s'il était vrai.

L'erreur est ignorance, mais comme disait Platon ignorance double, ignorance au carré.

L'erreur est une ignorance qui s'ignore elle-même.

En ce sens toute erreur serait une illusion. La vraie distinction entre l'erreur et l'illusion apparaît au montent de la réfutation.

L'erreur est en effet une conviction fausse qui peut être très ferme et très sincère - mais qui disparaît quand on la réfute.

Par exemple, on peut aisément faire comprendre à quelqu'un que de la double affirmation : les poissons vivent dans l'eau, la baleine vît dans l'eau on ne saurait logiquement conclure que la baleine est un poisson, car la première proposition ne dit pas que seuls les poissons vivent dans l'eau.

Tout le monde peut comprendre qu'un syllogisme de ce genre (syllogisme dit de la « deuxième figure », parce que les deux premières propositions ont le même attribut ici « vivent dans l'eau ») ne peut avoir de conclusion que négative.

Il est correct de dire : Les poissons vivent dans l'eau.

Or l'écureuil ne vit pas dans l'eau, donc l'écureuil n'est pas un poisson.

Lorsque la règle logique a été vraiment comprise, on ne commet plus l'erreur. L'originalité de l'illusion, c'est qu'elle survit en quelque sorte à sa réfutation.

La jeune fille qui s'est mis en tête d'épouser un prince ne se laissera pas convaincre que c'est impossible.

Le raciste fanatique n'admettra jamais, en dépit de tous les arguments que les Noirs sont aussi intelligents que les Blancs.

Et, dans un tout autre ordre, les illusions des sens subsistent lorsque la raison montre leur fausseté.

L'amputé sait fort bien qu'il a perdu un bras.

Il continue pourtant à souffrir et à localiser la douleur dans son membre fantôme.

Et l'astronome a beau savoir que la terre tourne autour du soleil, qu'elle est éloignée de lui d'une grande distance, il continue à voir comme tout le monde, disait Spinoza, le soleil tourner autour de la terre, comme un gros ballon rouge tout proche.

A la différence de l'erreur qui est guérie par la raison, l'illusion demeure après sa réfutation.

C'est donc que les convictions illusoires ont une source positive, originale.

Leur racine profonde est dans tous les cas extérieure à la raison.

Quelles sont donc les sources de nos illusions? Selon Freud la plupart des illusions sont le produit de nos désirs.

Ce sont des croyances suscitées par le désir, par le besoin impérieux de satisfaire nos pulsions.

C'est donc le principe du plaisir, et l'oubli du principe de réalité qui est à la racine de l'illusion.

On croit ce que l'on souhaite, ce qu'on voudrait qui soit malgré tous les démentis de la réalité. «[Les idées religieuses] sont des illusions, la réalisation des désirs les plus anciens, les plus forts, les plus pressants de l'humanité; le secret de leur force est la force de ces désirs.» Freud, L'Avenir d'une illusion (1927). • Pour Freud, il ne suffit pas de dire que la religion est une erreur, qui décrit de manière erronée la réalité et donne aux prêtres un ascendant illégitime sur les gens assez crédules pour les croire.

La religion a une force propre, celle du désir.

Elle est, comme l'ensemble des comportements humains, une des manifestations de la libido.

Pour Freud, la croyance en un Dieu providentiel est une projection de la figure paternelle, qui permet de se prémunir contre les angoisses rencontrées dans la réalité.

La religion est une pathologie, une névrose obsessionnelle, qui nous maintient dans un stade infantile et dont il faut se délivrer pour parvenir à l'âge adulte. • La critique freudienne est à double tranchant, car elle permet aussi de voir que certaines critiques de la religion reproduisent, au nom de la science et de la liberté de penser, les mécanismes qu'elles croient critiquer.

Ce qui se prétend «discours rationnel» n'est souvent pas moins dogmatique et pas moins symptomatique de certains désirs et angoisses que la religion. Dans certaines familles, disait Marcel Proust, quel que soit le nombre des maladies, des désastres et des deuils on ne doute jamais de la bonté de son Dieu, ni du talent de son médecin! L'illusion est une revanche du désir sur la réalité.

Les images de la rêverie, celles du rêve nocturne sont typiquement des illusions suscitées par le désir.

Le rêveur se voit par exemple dans des situations qui flattent ses désirs érotiques ou ambitieux.

L'illusion, née du désir,. »

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