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Faut-il se battre contre tous les préjugés ?

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Incipit : La notion de préjugé, même si elle ne s’y trouve pas formulée comme telle, c’est-à-dire littéralement comme ce qui précède le jugement, est au fondement de la démarche de la philosophie dès son institution platonicienne, ou plutôt socratique. Car en référence à l’autobiographie donnée par ce dernier dans le Phédon. Si la caractéristique de la pratique philosophique de Socrate peut se définir en tant qu’art de la définition, et de la définition correcte au moyen de la seule pensée qui à terme doit permettre d’atteindre la connaissance vraie, c’est bien contre toute prétention à posséder un savoir sans l’avoir précédemment examiné (croire savoir ce qu’est le bien, la vertu, la justice, etc.) qu’est dirigée la verve de Socrate. L’instauration même de la philosophie comme discipline de la raison et art de penser est pour partie motivée par la lutte contre le préjugé – ce qui parfois dans son langage peut s’appeler opinion.
 
Thèmes : Avant tout développement, procédons dès maintenant à l’analyse des notions engagées à titre de thèmes centraux dans la probématique de l’énoncé. (i) Le préjugé : il est à remarquer que la définition de cette notion engage déjà toute réponse ultérieure à la question de l’énoncé. Et définir une telle notion ne va pas de soi. Impartialité maximale et attention sont ainsi exigées. Le préjugé peut d’abord simplement être défini sur le plan temporel comme ce qui précède le jugement. Dire du préjugé qu’il précède le jugement n’implique pas de faire de lui une opinion dogmatique d’un savoir prétendu qui s’ignore n’être en vérité qu’ignorance – car cela est déjà introduire une détermination axiologique et une connotation préjorative à la définition du préjugé (si l’on veut, c’est préjuger du préjugé, juger le préjugé avant de l’avoir examiné). Non, le préjugé est d’abord un état de fait. Comme tel, il est neutre. Ce n’est qu’ensuite, par contraste avec la connaissance ultérieurement acquise, qu’il peut se caractériser comme défaut de rationalité, savoir imparfait, voire croyance infondée, superstition ou juste ignorance. Et c’est comme ignorance, ou opinion privé de fondement rationnel, que le préjugé est susceptible d’être légitimement évalué comme un état défectueux de la connaissance. Ceci a toujours lieu au regard de la connaissance. S’il n’y a pas connaissance (véritable), alors il n’y a pas de sens à dévaluer le préjugé puisque rien ne peut s’y substituer, ni à plus forte raison ne permet d’en mesurer la validité. Deux choses donc sont nécessaires à une définition large (tolérante et sans préjugés) du préjugé : reconnaître que le préjugé est d’abord un état de fait ; avoir conscience que ce n’est qu’ensuite que le préjugé est légitimement disqualifiable (ou mieux, discréditable) en tant que valeur épistémique, contenu de connaissance. (ii) Le combat : cette notion reprend ici le verbe « se battre » l’énoncé. En tant précisément qu’en est substantivée l’action (‘se battre’ comme action devenant ‘le combat’ comme notion, définissable par un certain nombre de prédicats), ceci permet d’en circonscrire clairement les différentes dimensions. D’une manière générale, le combat ayant lieu dans notre cas peut se ramener à deux dimensions : le combattant (sujet dont l’engagement personnel est signifié par le rélexivité pronominale du verbe « se battre ») ; la nature du combat (il doit certainement s’agir d’un combat d’idée, car toute autre prétention à établir une domination sur le préjugé ne peut qu’être le produit d’un dogme totalitaire et illégitime : se battre contre les préjugés ne peut vouloir signifier en tuer les porteurs) ; enfin le combattu (thème (i)).
 
Problème : Avec la détermination des deux thèmes principaux de l’énoncé (la détermination et l’évaluation de la notion de ‘préjugé’ relative à son contexte d’emploi et d’intervention, c’est-à-dire à la généralité de sa définition (large ou restreinte)) ; et la décomposition de l’acte de combattre selon les dimensions et les modalités qui le constituent), le problème de l’énoncé se présente clairement : se demander s’il faut, ou non, se battre contre tous les préjugés revient (a) à déterminer précisément les modalités du combat (pourquoi « faut-il… » : raisons et finalités du combat ; mais également comment « se battre ») pour en évaluer la légitimité, (b) en fonction de la réponse apportée par la première partie du développement, déterminer la légimité de l’emprise et de l’intervention du combat (c’est ici qu’intervient la question de la détermination de l’extension à donner à la notion de ‘préjugé’ (définition large ou restreinte)).

« Incipit : La notion de préjugé, même si elle ne s'y trouve pas formulée comme telle, c'est-à-dire littéralement comme ce qui précède le jugement, est au fondement de la démarche de la philosophie dès son institution platonicienne, ou plutôt socratique.

Car en référence à l'autobiographie donnée par ce dernier dans le Phédon.

Si la caractéristique de la pratique philosophique de Socrate peut se définir en tant qu'art de la définition, et de la définition correcte au moyen de la seule pensée qui à terme doit permettre d'atteindre la connaissance vraie, c'est bien contre toute prétention à posséder un savoir sans l'avoir précédemment examiné (croire savoir ce qu'est le bien, la vertu, la justice, etc.) qu'est dirigée la verve de Socrate.

L'instauration même de la philosophie comme discipline de la raison et art de penser est pour partie motivée par la lutte contre le préjugé – ce qui parfois dans son langage peut s'appeler opinion. Thèmes : Avant tout développement, procédons dès maintenant à l'analyse des notions engagées à titre de thèmes centraux dans la probématique de l'énoncé.

(i) Le préjugé : il est à remarquer que la définition de cette notion engage déjà toute réponse ultérieure à la question de l'énoncé.

Et définir une telle notion ne va pas de soi.

Impartialité maximale et attention sont ainsi exigées.

Le préjugé peut d'abord simplement être défini sur le plan temporel comme ce qui précède le jugement.

Dire du préjugé qu'il précède le jugement n'implique pas de faire de lui une opinion dogmatique d'un savoir prétendu qui s'ignore n'être en vérité qu'ignorance – car cela est déjà introduire une détermination axiologique et une connotation préjorative à la définition du préjugé (si l'on veut, c'est préjuger du préjugé, juger le préjugé avant de l'avoir examiné).

Non, le préjugé est d'abord un état de fait.

Comme tel, il est neutre.

Ce n'est qu'ensuite, par contraste avec la connaissance ultérieurement acquise, qu'il peut se caractériser comme défaut de rationalité, savoir imparfait, voire croyance infondée, superstition ou juste ignorance.

Et c'est comme ignorance, ou opinion privé de fondement rationnel, que le préjugé est susceptible d'être légitimement évalué comme un état défectueux de la connaissance.

Ceci a toujours lieu au regard de la connaissance.

S'il n'y a pas connaissance (véritable), alors il n'y a pas de sens à dévaluer le préjugé puisque rien ne peut s'y substituer, ni à plus forte raison ne permet d'en mesurer la validité.

Deux choses donc sont nécessaires à une définition large (tolérante et sans préjugés) du préjugé : reconnaître que le préjugé est d'abord un état de fait ; avoir conscience que ce n'est qu'ensuite que le préjugé est légitimement disqualifiable (ou mieux, discréditable) en tant que valeur épistémique, contenu de connaissance.

(ii) Le combat : cette notion reprend ici le verbe « se battre » l'énoncé.

En tant précisément qu'en est substantivée l'action (‘se battre' comme action devenant ‘le combat' comme notion, définissable par un certain nombre de prédicats), ceci permet d'en circonscrire clairement les différentes dimensions.

D'une manière générale, le combat ayant lieu dans notre cas peut se ramener à deux dimensions : le combattant (sujet dont l'engagement personnel est signifié par le rélexivité pronominale du verbe « se battre ») ; la nature du combat (il doit certainement s'agir d'un combat d'idée, car toute autre prétention à établir une domination sur le préjugé ne peut qu'être le produit d'un dogme totalitaire et illégitime : se battre contre les préjugés ne peut vouloir signifier en tuer les porteurs) ; enfin le combattu (thème (i)). Problème : Avec la détermination des deux thèmes principaux de l'énoncé (la détermination et l'évaluation de la notion de ‘préjugé' relative à son contexte d'emploi et d'intervention, c'est-à-dire à la généralité de sa définition (large ou restreinte)) ; et la décomposition de l'acte de combattre selon les dimensions et les modalités qui le constituent), le problème de l'énoncé se présente clairement : se demander s'il faut, ou non, se battre contre tous les préjugés revient (a) à déterminer précisément les modalités du combat (pourquoi « faut-il… » : raisons et finalités du combat ; mais également comment « se battre ») pour en évaluer la légitimité, (b) en fonction de la réponse apportée par la première partie du développement, déterminer la légimité de l'emprise et de l'intervention du combat (c'est ici qu'intervient la question de la détermination de l'extension à donner à la notion de ‘préjugé' (définition large ou restreinte)). * I.

Le combat des préjugés Nous avons dit de l'opposition aux préjugés de l'opinion commune, qu'elle formait l'acte institutionnel fondateur de la philosophie comme pratique discursive rationnelle et quête de la vérité – ceci se rapporte à l'opposition de Platon aux sophistes, mais également aux motifs de l'invention par Socrate du concept comme instrument de savoir, ce qui précisément le différencie de ses prédécesseurs, les penseurs archaïques.

Une telle démarche esr reprise avec vigueur par le projet des Lumières françaises, héritières pour partie sur ce point de l'aspiration cartésienne à donner des règles au bon sens, faculté qui, on le sait, est la mieux partagée parmi les hommes.

C'est avec le kantisme (l'opuscule Qu'est-ce que les Lumières, plus exactement) que se formule comme un programme scientifique, ou du moins doctrinal, la nécessité de combattre les préjugés irrationnels de la foule maintenue dans l'obscurité.

Le mot est fameux : il faut « oser savoir », et le savoir est à lui-même son propre instrument de justification, il est comme auto-légitimé.

Il faut donc se battre contre tous les préjugés (Kant préserve, et c'est fondamental, une dimension de liberté personnelle interne qui n'a pas vocation à investir le champ public) : libérer la raison (du dogme et de ses avatars, les superstitions non fondées scientifiquement (sur ce point, voir les Pensées sur la comète de Bayle)) en est le principe, libérer la raison en est la finalité, et enfin la raison en est également le moyen, la combattant.

Cette posture d'auto-suffisance de la raison dans le combat des préjugés la conduit au pouvoir (savoir c'est pouvoir, est une maxime du transcendantalisme américain – se revendiquant d'une certaine filiation kantienne).

Mais accédant au pouvoir, la raison s'arroge l'intégralité et risque l'irrationalité.

La raison juge (critère d'évaluation de toute chose) et partie (intervention omnipotente) conduit au scientisme.

Le combat des préjugés, s'il est légitime (il ne s'agit en aucun cas de rétrocéder à l'état de minorité), doit donc être limité pour éviter l'irrationalité.

Tous les préjugés, peut-être, ne peuvent-ils ni ne doivent-ils être combattus. II.

Les préjugés hors-combat Il y a donc pour ainsi dire des préjugés hors-combat, des préjugés qui doivent se soustraire à la possibilité d'être attaqués et, partant, combattus, pour alors servir de garde-fou à la raison elle-même.

C'est ici qu'intervient exactement la question de la portée (générale ou restreinte) donnée à la définition de la notion de ‘préjugé', et c'est le « tous » de l'énoncé qui est en cause.

Le préjugé à combattre est, ainsi que l'a montré le point I, celui du dogme et de la superstition qui prétendrait légiférer sur le domaine public de la science et de la raison.

Mais là ne sont pas tous les préjugés : laissons s'opérer la libre emprise des préjugés sur les consciences individuelles, s'il en retourne du bien vivre quotidien strictement individuel (la tolérance envers la variété des confessions est un des principes moteurs du Lumières, mais très tôt la raison s'impose en norme de la tolérance elle-même).

En outre, le point précédent, en éclairant la réversibilité de la lutte contre les préjugés (l'irrationalité de la raison totalitaire), a montré que la détermination de ce qui est catégorisé par la raison comme relevant du préjugé est historiquement contextualisable, c'est-à-dire relatif – ce qui n'implique en aucun cas que le progès de la science ne soit pas un processus cumulatif.

Autant la raison absolue n'est pas (sauf, bien sûr, pour Hegel), autant ne saurait être le préjugé absolu. * Conclusions - Vouloir « se battre contre tous les préjugés » est un préjugé de la raison.

C'est préjuger de la rationalité de la raison. La détermination de ce qui est, ou non, préjugé est contextuel et relatif.

C e qui implique qu'aucune totalité des préjugés n'existe, et qu'elle ne saurait exister que par préjugé. - Ce qui importe est la conscience du statut du préjugé (il n'est pas et jamais ne sera savoir), donc à la limitation de la légitimité de son opérativité – certainement restreinte à la sphère intime.. »

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