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Faut-il mépriser l'apparence?

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« À en juger par des expressions populaires bien connues : « L'habit ne fait pas le moine », « Tout ce qui brille n'est pas d'or », l'apparence serait trompeuse, déceptive et source d'un mépris justifié.

Se demander s'il faut mépriser l'apparence revient donc à définir son mode opératoire : l'apparence est-elle trompeuse, masque-t-elle la réalité ? C'est à partir de l'analyse de l'apparence chez Platon que nous allons d'abord voir comment celle-ci possède un statut ambivalent, tantôt masquant l'être, tantôt y donnant accès.

Nous verrons ensuite de quelle manière Hegel la pense, notamment en remarquant que l'être, pour se révéler, doit apparaître.

Enfin, un détour par l'esthétique nous fera nous demander si, bien que l'être doive apparaître, l'apparaître ne peut être conçu pour lui-même, indépendamment de l'être. I – Platon : les trois degrés de l'apparence La philosophie de Platon prend appui sur la théorie des Idées.

Celles-ci sont des réalités intelligibles, accessibles à l'intelligence, dont le monde sensible n'est qu'une copie.

Ainsi, un beau vase est tire sa beauté de l'Idée de Beau ; une action juste sa justice de l'Idée de Juste, etc.

Dès lors, les apparences sensibles sont un point d'appui pour l'intelligence en quête de vérité, qui cherche à déterminer ce que sont en soi les objets.

Prises en elles-mêmes, elles n'ont pas de valeur propre. Toutefois, l'apparence sensible se trouve parfois redoublée d'une apparence trompeuse.

Ainsi, l'ouvrier qui fabrique un lit se sert de l'Idée de lit dans son travail.

Le lit sensible renvoie naturellement à l'Idée.

Or, le peintre qui reproduit tel lit sur sa toile ne fait que copier la copie d'un modèle qu'est l'Idée.

En ce sens, il nous éloigne d'un degré supplémentaire des Idées, tandis que le lit sensible devait nous y ramener. C'est en ce sens que l'apparence est tantôt (notamment dans l'Allégorie de la caverne) ce qui conduit au vrai, au monde intelligible, tantôt ce qui nous en éloigne et nous trompe sur la réalité des objets. II – Hegel : l'apparence révèle l'essence Hegel prend appui sur le premier type d'apparence évoqué par Platon, tout en l'approfondissant.

En effet, selon lui, pour être connu, l'être doit nous apparaître, c'est-à-dire se donner une apparence.

Il ne s'agit plus cependant de comprendre l'apparence comme un point d'appui pour l'intelligence, un signe indiquant l'être lui-même, mais de voir que l'apparence est le lieu même de manifestation de l'être. On ne peut donc plus simplement distinguer l'être de son apparaître, mais il faut comprendre que l'apparaître est le lieu même où se manifeste l'être.

Il n'y a plus de distinction à opérer entre ce que l'on voit des choses et ce qu'elles sont en soi, puisque pour soupçonner ce qu'elles sont en soi, il faut bien que cela nous apparaisse.

Sans cela, l'être reste à jamais inconnaissable. III – L'expérience esthétique : il n'y a qu'apparence Dans ce processus de réhabilitation de l'apparence, celle-ci n'apparaît donc plus comme un voile masquant l'être.

Cependant, ne peut-on songer à un type d'apparence qui ne soit la révélation d'aucun être, d'aucune essence ? L'expérience esthétique semble faire appel à une telle idée, au sens où l'oeuvre d'art ne renvoie à rien d'autre qu'à elle-même. Si j'utilise le mot « chaise » pour désigner la chaise que je vois, le tableau qui représente une chaise n'indique, lui, aucun objet présent dans le monde ou aucune Idée.

Le tableau est présent dans sa matérialité : il s'agit aussi bien de la chaise que je contemple, que des couleurs utilisées, la texture des matériaux (collages, petites masses de peintures, à-plats, etc.) ou le support lui-même (bois, toile, pierre, etc.).

La présence massive de l'oeuvre en fait une pure apparence, au sens où elle ne renvoie rien.

Ce n'est pas son être qui apparaît (auquel cas, il ne le ferait ici que d'une certaine manière), mais c'est plutôt son apparaître qui épuise son être.

Ce que je vois de la toile correspond intégralement à ce qu'elle est. Conclusion : Ainsi donc, alors que l'apparence semble masquer et détourner l'attention, se rendant digne de mépris, elle reste toutefois un certain mode d'accès à l'être.

Mieux, il est possible de considérer que l'apparaître soit le lieu même de l'être : l'apparence qui n'était plus méprisée, mais utilisée, devient ce sur quoi l'attention se porte, puisque l'être se manifeste en elle.

L'expérience esthétique offre même un cas privilégié où l'apparence se donne comme totalité, pleinement positive.

À ce niveau, l'apparence égale l'essence.. »

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