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Faut-il juger ?

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« « Juger » , voilà un verbe dont les acceptions philosophiques sont assez déconcertantes pour l'apprenti philosophe que nous sommes.

Avant de se prononcer sur ce que peut bien vouloir signifier « faut-il juger », il faut préalablement se mettre d'accord sur ce que signifie le verbe « juger », et c'est déjà potentiellement un problème en perspective.

Pour chaque acception du verbe juger, il nous sera utile de nous prononcer sur la légitimité, la permission qu'il faut accorder à cet acte qui consiste à juger, car dans le « faut-il juger », nous est demandé plus précisèment où s'exerce particulièrement l'extension de cet acte, quel est le champs d'investigation du jugement, bref, si celui-ci ne connaît pas des limites, où s'arrête la permission et où commence l'obligation ? - Juger d'un point de vue logique est-il légitime si juger consiste à affirmer ou nier un rapport entre deux termes, entre deux idées, le jugement s'exprimant ici dans une proposition - Juger d'un point de vue psychologique est-il légitime si Juger c'est ressentir et c'est croire. - Juger d'un point de vue juridique est-il légitime si c'est délibérer de la justice ou de l'injustice d'une action de manière juridique et morale, bref si c'est être juste, A Légitimité du jugement logique, y a-t-il un devoir de juger logiquement ? A Qu'est-ce que juger d'un point de vue logique ? D'un point de vue logique, juger consiste à affirmer ou nier un rapport entre deux termes, entre deux idées, le jugement s'exprimant ici dans une proposition.

La logique dont nous parlons ici est cette discipline normative qui a pour objet de déterminer les conditions formelles de toutes pensées valides c'est-à-dire une forme qui s'impose à toute pensée , quelque soit la matière du contenu et abstraction faite de toute expérience.

Mais une telle définition du jugement présuppose que les idées, c'est-à-dire les termes du jugement sont d'abord donnés. Ainsi le logicien , devant une proposition comme « l'or est un métal » la décompose en ses deux termes, « or » et « métal », mis en relation par la copule « est ».

En fait, il s'agit pour le logicien de décrire un jugement analytique : un jugement analytique est un jugement par lequel la définition ou l'attribut est inclus dans l'ensemble de la définition du sujet, ainsi en est-il de la proposition, « tous les corps sont étendus » .

Ainsi juger consiste à première vue à analyser la validité formelle d'une proposition.

Toutefois il s'en faut de beaucoup pour arriver à une telle décomposition.

Ce que le jugement logique ne nous dit pas, c'est comment, c'est-à-dire par quels moyens le jugement se forme, et en définitif les difficultés que l'on doit inévitablement rencontrer lorsque nous émettons un jugement ? Ce qui apparaît intéressant , c'est de bien comprendre comment nous arrivons à juger : ce qui peut nous y aider c'est en grande partie, en questionnant la formation du jugement chez l'enfant. Juger consiste chez l'enfant en un pouvoir discriminateur qui dissocie les choses.

Or ce pouvoir ne va pas de soit dans la pensée enfantine : en effet la caractéristique de la pensée enfantine est son syncrétisme, c'est-à-dire la confusion en un seul tout mental du sujet pensant et de l'objet, ces digressions et ses « contaminations » comme l'ont très bien montré Wallon et Piaget montre que l'enfant a du mal à dissocier les éléments des parties.

Ces confusions syncrétiques lui interdissent de penser le monde des relations.

Cela signifie aussi que l'enfant est incapable de poser un sujet logique et un attribut ou un complément.

Pour s'en rendre compte , il faut insister sur les éléments de la perception enfantine des choses : l'enfant perçoit un objet comme un tout unique, le biberon de lait est pour l'enfant une totalité dont il ne perçoit pas d'un coté le lait et de l'autre le blanc.

Les relations primitives sont toujours des relations entre le moi et les choses va écrire Piaget. Que nous montre ainsi une telle description ? Deux implications - Elle nous montre que le jugement logique est le fruit d'une évolution chez l'enfant qui s'accompagne progressivement par une meilleure dissociation des choses dans le monde.

Sans nul doute que nous pourrions affirmer que le jugement est du coté de la perception plutôt que de la sensation élémentaire : percevoir c'est d'une certaine manière juger. - Si on pousse un peu plus loin l'analyse , il est tout à fait significatif que cette dissociation ne peut se faire sans un changement notable chez l'individu : c'est finalement toute la question de l'implication du Moi , du sujet dans ses jugements dont il est question ici : pour devenir objectif , je dois me libérer de mon égocentrisme primitif qui fait obstacle pour penser la relation.

Ainsi est posé la condition de tout jugement : qu'est-ce que je fais alors dans cet acte qui consiste à juger.

J'isole des propriétés les constantes, les plus stables des choses pour en faire des substances, sujets de nos jugements , c'est alors que le sujet du jugement devient objet et la constitution de nos jugements va de paire avec celle de nos concepts.

Juger cesse alors d'être une relation entre le moi et les choses pour devenir une relation posée par l'esprit entre les choses elles-mêmes Mais nous le sentons bien, il existe une insuffisance à poser le jugement comme un acte unique qui consisterait à analyser .

En fait nous comprenons bien que la condition de tout jugement ne consiste pas seulement à distinguer les termes en question , c'est-à-dire qu'il faut penser la relation elle-même.

C'est dire que le jugement en même temps d'être analyse est aussi synthèse.

Mais en quoi consiste cet acte de l'esprit qui établit une relation ? Le problème est de réduire tout acte de juger à une relation ou comme l'ont fait les associationnistes de ramener le jugement comme toutes les autres opérations de l'esprit , à une simple association.

Le problème c'est que l'association des idées n'impliquent aucune prise de conscience de ce rapport .

Au loin , je peux bien par association de ressemblance voir quelqu'un qui me fait penser à Paul sans que je prenne réellement conscience de cette ressemblance.

Mais ce n'est qu'après coup que je pourrais penser la ressemblance.

Mais il faut que les deux. »

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