Faut-il détruire les images ?

« Analyse du sujet : Faut-il : Le verbe « falloir » marque la nécessité, l'obligation.

L'interrogation a donc une tonalité impérative.

La destruction des images est-elle quelque chose d'essentiel et d'incontournable, un acte qu'il faut inéluctablement accomplir ? Détruire : acte d'élimination, d'anéantissement.

Détruire les images revient à les supprimer, à réduire leur existence à néant. Images : du latin imago, « imitation », « représentation », « portrait ».

L'image est une fonction de la pensée.

Elle est humaine car elle a des limites et des caractéristiques sensibles.

Représentation de quelque chose ou de quelqu'un par la peinture, le dessin, la photo, le cinéma etc.

Une image reproduit ou imite la réalité.

Elle peut aussi évoquer quelque chose, y faire référence.

C 'est un objet physique réel qui vaut pour autre chose, d'absent ou d'irréel. Problématique : C e sujet pose la question du rapport à la vérité, ainsi que le problème de la tension entre le réel et la représentation du réel à travers celui du pouvoir des images.

En effet, pour quelles raisons faudrait-il vouloir abolir les représentations, les images ? P arce qu'elles ne sont que simulacres ou mensonges, parce qu'elles sont dangereuses pour ceux qui les reçoivent.

C ependant, est ce réellement les images qui constituent une menace ? N'est ce pas plutôt ceux qui les manipulent ? N'est ce pas au contraire notre rapport aux images qu'il convient de remettre en question plutôt que de chercher à détruire toute forme de représentation ? Un monde sans image est il seulement envisageable ? N'est ce pas notre propre mode d'accès à la vérité et à la réalité qui serait compromis à travers la destruction des images ? Proposition de plan : 1- L'image comme danger : Platon dans la République chasse les artistes, y compris les poètes, de la cité idéale. A u livre X, il dénonce l'image car elle éloigne de la réalité et de la vérité.

Les artistes créent de l'illusion, ils imitent.

A insi, les images sont trompeuses, elles se substituent à la réalité, elles sont illusoires parce qu'elles sont un double mutilé du réel.

Cf.

le passage dit des trois lits dans la République, X, 596a-598d. De même pour Pascal, l'imagination est « maîtresse de fausseté ».

Elle est la « folle du logis » (Pensée 44).

En effet, l'image de la chose n'est pas fidèle parce qu'elle est déformée par l'esprit.

Elle est source d'erreur.

L'image est trompeuse parce qu'elle est le reflet de notre affectivité, de nos craintes, de nos désirs, de nos angoisses. L'image peut limiter un concept.

P ar exemple des idoles dans les religions païennes : on enferme l'altérité de Dieu dans une statue. Par ailleurs en politique, les images peuvent être détournées de leur signification originelle et utilisées comme propagande.

Danger d'une manipulation des images, que l'on a tendance à croire sans réfléchir.

L'image est séduisante, elle est facile à comprendre, on ne fait même plus l'effort de poser le problème.

O n oublie qu'elle doit rester un point de départ pour la réflexion et non se substituer à elle. L'image brouille l'authenticité des rapports sociaux, on préfère le paraître à l'être.

Exemple de la publicité et de la mode : exploitation des désirs de distinction sociale, d'affirmation de soi. En ce sens, parce qu'elle peut facilement être manipulée, parce qu'elle est source d'illusion et de mensonge, parce qu'elle éloigne de la vérité et de la réalité, il faut détruire les images. 2- Cependant, on ne peut nier le pouvoir et le bénéfice des images : Tout d'abord, l'image saisit la trace de l'invisible et le rend visible.

Elle permet de mieux visualiser ce que la pensée a du mal à concevoir.

Dans la science, l'image sert de substitut à l'expérience immédiate.

Par exemple, un schéma ou une figure géométrique sont des supports pour la connaissance rationnelle même s'ils ne peuvent pas la remplacer.

Elle est un intermédiaire entre le sensible et l'intelligible, une figure concrète de l'abstrait.

De ce fait, l'imaginaire a sa place dans la science, mais sous contrôle de la raison.

L'image ne doit pas bloquer la réflexion mais lui donner son impulsion. L'image peut aussi être un moyen de connaissance.

Par exemple, les tableaux des Eglises qui retracent l'histoire religieuse permettent aux gens illettrés d'avoir accès à cette culture. Par ailleurs, l'image est aussi l'expression de la liberté de l'homme.

C 'est la thèse soutenue par Sartre.

L'imagination est selon lui le signe de la liberté de la conscience qui est capable de se détacher, de s'abstraire du monde afin de le représenter.

C 'est un pouvoir prodigieux qui est à la base de toute la représentation du monde.

Sans cette représentation en effet, il n'y a pas de reconnaissance possible.

Par exemple, l'enfant commence par dessiner. A insi, l'homme est doté d'une fonction symbolique, d'une capacité à se représenter le réel.

C 'est la première forme de l'intelligence. 3- Enfin, les images sont nécessaires : tout est image : En effet, on ne peut se passer des images.

Notre pensée, notre langage s'articule sur des images. Pour Nietzsche, tout langage et par là toute pensée a une origine métaphorique.

Il n'y a donc pas de vérité immanente mais tout s'appuie sur des images.

Notre rapport au réel et à la vérité ne s'accomplit qu'à travers la métaphore des images. De même pour Ferdinand de Saussure dans son Cours de linguistique générale, le langage tout entier est basé sur des images.

Les relations entre signifié (concept) et signifiant ( le mot qui désigne le concept) sont purement arbitraires.

Il n'y a pas d'immanence dans le son qui est aussi une forme de représentation, une image. Il est donc possible de détruire certaines images, mais cependant à ces images s'en substituent de nouvelles car la pensée est images.

L'homme n'a pas d'autres rapport au réel et au monde.

C omme l'explique P laton dans l'allégorie de la caverne, il est possible de faire un usage bon et mauvais de l'image.

Dans la caverne, le rapport à l'image est naïf, c'est la manière dont je regarde l'image qui fait qu'elle devient un danger ou un outil précieux pour la connaissance.

Il faut avoir un esprit critique et se poser des questions.

Il faut comprendre que ce n'est qu'une image qui renvoie à une situation particulière.

Or, on ne peut construire un jugement sur une situation unique. De ce fait, puisque les images sont une part de l'homme, il ne faut pas les détruire mais apprendre à s'en servir d'une façon critique et avisée. Conclusion : A insi, on s'aperçoit qu'on peut considérer les images comme une source d'erreur, d'illusion, de mensonge et de manipulation.

Dans cette perspective, il faut détruire les images pour reconstruire un rapport au réel fondé sur la vérité.

C ependant, il faut reconnaître aux images une certaine force bénéfique, un aspect positif car elles peuvent être utilisées pour servir la connaissance et qu'elles expriment la faculté de l'homme à se représenter le monde et par là même sa liberté.

A insi, il ne faut pas détruire les images, sous peine de détruire notre pensée même, notre moyen d'accès au monde et au réel.

Seulement, il faut éduquer notre rapport aux images, acquérir du recul par rapport à elles, et peut être se séparer de certaines pour en acquérir de nouvelles afin de s'ouvrir à de nouvelles perspectives.. »