Faut-il conserver les traditions ?
Extrait du document
«
[Les traditions constituent la mémoire collective d'un peuple.
Elles fondent son identité.
Sans le passé des traditions, le présent et l'avenir devraient
impossibles.}
Le passé explique le présent
Les traditions justifient pourquoi on doit agir ainsi et pas autrement.
Les traditions sont normatives.
Elles contiennent toute l'expérience acquise par
les générations qui nous ont précédées.
Leur transmission, orales ou écrites, se fait d'une génération à l'autre.
Sans tradition, point de présent et point
d'avenir.
Elles permettent à une communauté de prendre conscience d'elle-même, de sa particularité, de sa spécificité.
Elles sont le ciment de la
mémoire collective.
Elles constituent les racines culturelles d'un peuple.
Tradition et mémoire
Tous les pouvoirs totalitaires s'en prennent aux traditions du peuple.
Que l'on songe ici à la dictature stalinienne vis-à-vis des traditions religieuses
de l'URSS.
La mémoire historique conduit à une prise de conscience du temps présent et donc de son sens.
Comprendre son passé est un moyen
fondamental, pour l'homme comme pour une société, d'affirmer son identité.
La mémoire est une condition essentielle de la conscience de soi, pour les peuples comme pour les individus.
Une des fonctions de la mémoire
individuelle est d'assurer, à travers la succession des épisodes vécus, la continuité personnelle.
De même, un peuple, ou une communauté, construit
et conserve son identité à travers le souvenir partagé, commémoré, des événements vécus en commun.
[Les traditions ne doivent pas s'opposer au progrès.
Contrairement à l'animal, l'homme est l'être du progrès.
Comme le pense Kant ou Hegel, l'histoire de
l'humanité est une marche vers la perfection.
]
L'homme, depuis son apparition, n'a cessé de progresser
L' homme a toujours cherché à améliorer sa condition, tant du point de vue matériel que social.
C 'est pourquoi il a transformé non seulement la nature,
mais aussi les lois religieuses, morales et politiques qui règlent son existence.
Ses découvertes, techniques, scientifiques, philosophiques, sont aussi
à l'origine de la modification, voire de l'abolition de certaines traditions.
Pascal a une très belle image pour décrire ce fait: " L'homme [...
] n'est produit
que pour l'infinité.
Il est dans l'ignorance au premier âge de sa vie ; mais il s'instruit sans cesse dans son progrès :
car il tire avantage non seulement de sa propre expérience, mais encore de celle de ses prédécesseurs, parce qu'il
garde toujours dans sa mémoire les connaissances qu'il s'est une fois acquises, et que celles des anciens lui sont
toujours présentes dans les livres qu'ils en ont laissés.
Et comme il conserve ces connaissances, il peut aussi les
augmenter facilement ; de sorte que les hommes sont aujourd'hui en quelque sorte dans le même état où se
trouveraient ces anciens philosophes s'ils pouvaient avoir vieilli jusqu'à présent, en ajoutant aux connaissances
qu'ils avaient celles que leurs études auraient pu leur acquérir à la faveur de tant de siècles.
De là vient que, par
une prérogative particulière, non seulement chacun des hommes s'avance de jour en jour dans les sciences, mais
que tous les hommes ensemble y font un continuel progrès à mesure que l'univers vieillit, parce que la même chose
arrive dans la succession des hommes que dans les âges différents d'un particulier.
De sorte que toute la suite des
hommes, pendant le cours de tant de siècles, doit être considérée comme un même homme qui subsiste toujours et
qui apprend continuellement [...
]"
Rousseau fera même une comparaison entre l'homme naturel et l'homme civilisé: « Ce passage de l'état de nature à
l'état civil produit dans l'homme un changement très remarquable, en substituant dans sa conduite la justice à
l'instinct et en donnant à ses actions la moralité qui leur manquait auparavant.
C 'est alors seulement que, la voix du
devoir succédant à l'impulsion physique et le droit à l'appétit, l'homme, qui jusque-là, n'avait regardé que lui-même,
se voit forcé d'agir sur d'autres principes et de consulter sa raison avant d'écouter ses penchants.
Q uoiqu'il se
prive dans cet état de plusieurs avantages qu'il tient de la nature, il en regagne de si grands, ses facultés
s'exercent et se développent, ses idées s'étendent, ses sentiments s'ennoblissent, son âme tout entière s'élève à
tel point que, si les abus de cette nouvelle condition ne le dégradaient souvent au-dessous de celle dont il est sorti,
il devrait bénir sans cesse l'instant qui l'en arracha pour jamais et qui, d'un animal stupide et borné, fit un être intelligent et un homme .
»
Les traditions contredisent l'idée de progrès.
L'homme en serait toujours à l'âge de la pierre s'il avait conservé scrupuleusement les traditions.
Fort heureusement, il n'en est rien.
C ela prouve bien
que naturellement, et d'époque en époque, il a abandonné des traditions au profit d'autres.
C haque penseur ajoute sa pierre à l'édifice de la
connaissance.
Qu'on l'on songe à Descartes qui a dû révoquer en douter toutes les traditions et les savoirs de son époque pour parvenir à la certitude
du cogito.
Tout progrès exige que l'on réforme les traditions passées.
Bachelard, en épistémologie, dira que la science ne progresse que par la destruction d' "obstacles épistémologiques" qui sont autant de traditions, de
préjugés scientifiques.
Les traditions ne sont qu'une étape vers la perfection
L'histoire n'est-elle pas une marche vers une plus grande perfection.
Les traditions sont donc un frein au développement de l'histoire vers la raison.
Kant verra avec enthousiasme dans la Révolution française une preuve de la disposition morale du genre humain.
Il veut interpréter l'histoire de
l'humanité comme la réalisation progressive de la moralité et d'autonomie.
Kant définit les "Lumières" comme un processus par lequel l'homme, progressivement, s'arrache de la "minorité".
L'état de "minorité" est un état de
dépendance, d'hétéronomie par rapport aux traditions, aux préjugés.
Dans un tel état l'homme n'obéit point à la loi qu'il s'est lui-même prescrite mais
au contraire vit sous la tutelle d'autrui.
A ltérité aliénante empêchant l'individu de se servir de son propre entendement..
»
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