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Expliquez et appréciez cette opinion de Beaumarchais : « Que me font à moi, paisible sujet d'un état monarchique, les révolutions de Rome et d'Athènes, le meurtre d'un tyran du Péloponèse, l'immolation d'une jeune personne en Aulide ? Il n'y a rien là po

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  • Début. — Beaumarchais conteste l'intérêt de la tragédie classique.
  • 1. La décadence de la tragédie au XVIII0 siècle explique cette opinion.

 Vains essais de rajeunissement de Crébillon et Voltaire. Le public ne trouve plus de la vie que dans la comédie (Le Sage, Marivaux, surtout Beaumarchais lui-même). Diderot cherche, d'ailleurs vainement, une nouvelle formule dans le drame.

  • 2. L'opinion de Beaumarchais, prise en soi, est sujette à révision. Si chaque époque cherche son reflet au théâtre, la grande tragédie classique conserve son intérêt éternel pour avoir peint l'humanité de tous les temps ; l'échec du drame romantique, le regain de faveur au XIXe siècle de Corneille et de Racine, le choix par des écrivains contemporains de sujets tirés de l'Antiquité en sont autant de témoignages.
  • Conclusion. — Les vues de Beaumarchais sont étroites et superficielles mais témoignent d'un besoin de renouvellement du théâtre tragique.

 

« Expliquez et appréciez cette opinion de Beaumarchais : « Que me font à moi, paisible sujet d'un état monarchique, les révolutions de Rome et d'Athènes, le meurtre d'un tyran du Pélopo-nèse, l'immolation d'une jeune personne en Aulide ? Il n'y a rien là pour moi, aucune moralité qui ne convienne.

» PLAN Début.

— Beaumarchais conteste l'intérêt de la tragédie classique. 1.

La décadence de la tragédie au XVIII0 siècle explique cette opinion. Vains essais de rajeunissement de Crébillon et Voltaire.

Le public ne trouve plus de la vie que dans la comédie (Le Sage, Marivaux, surtout Beaumarchais lui-même).

Diderot cherche, d'ailleurs vainement, une nouvelle formule dans le drame. 2.

L'opinion de Beaumarchais, prise en soi, est sujette à révision.

Si chaque époque cherche son reflet au théâtre, la grande tragédie classique conserve son intérêt éternel pour avoir peint l'humanité de tous les temps ; l'échec du drame romantique, le regain de faveur au XIXe siècle de Corneille et de Racine, le choix par des écrivains contemporains de sujets tirés de l'Antiquité en sont autant de témoignages. Conclusion.

— Les vues de Beaumarchais sont étroites et superficielles mais témoignent d'un besoin de renouvellement du théâtre tragique. DÉVELOPPEMENT En posant brutalement cette question en 1767, le futur auteur du Barbier de Séville contestait l'intérêt de la tragédie classique.

Sans doute, le dépérissement du genre au XVIIIe siècle explique la diatribe de Beaumarchais.

Mais son opinion prise en elle-même est sujette à révision. Depuis le début du XVIIIe siècle, le théâtre cherchait sa voie, la tragédie était en décadence. Sur le Racine mort, le Campistron pullule (V.

Hugo). La Motte-Houdar, avec ses pâles copies raciniennes, Crébillon, spécialiste de l'horrible, Voltaire même, avec ses innovations timides mêlées de beaucoup d'imitations, n'arrivent pas à la maintenir au niveau du siècle précédent.

Les sujets empruntés à l'antiquité s'épuisent et intéressent moins.

Aussi Voltaire (et même un du Belloy avec son Siège de Calais) cherche un renouveau d'intérêt par le choix de sujets modernes : Zaïre (les Croisades et l'Orient), Adélaïde du Guesclin et Tancrède (le Moyen âge français), Alzire (le Pérou), Mahomet et Y Orphelin de la C hine.

Il marque par là sa curiosité pour l'histoire des peuples étrangers, des civilisations lointaines, ou de notre passé national, mais il n'y faut pas chercher de vraie couleur historique ou locale, le sens de la différence des époques manque encore au xviiie siècle.

Traités dans le cadre traditionnel de la tragédie classique, ces sujets n'y sont pas à l'aise, la vie n'y circule pas. C'est au contraire ce qui caractérise la comédie de l'époque, prise en pleine actualité, peignant la société contemporaine, ses mœurs, ses types sociaux : tels le Turcaret de Le Sage, le théâtre de Marivaux, de Sedaine (le Philosophe sans le Savoir) et même de La Chaussée. Mais ce sera surtout la raison du succès de Beaumarchais dans ses deux comédies étincelantes : Le Barbier de Séville et le Mariage de Figaro.

Il s'y inspire de l'actualité la plus brûlante, ses comédies sont des satires politiques et sociales.

Le tempérament de l'auteur (le parisien le plus frondeur et le plus spirituel après Voltaire) s'y exprime tout entier et elles sont chargées de toute l'électricité du moment : nous sommes à la veille de 89, les diatribes de Figaro contre l'ancien régime sont déjà une manière de révolution : il y a connivence entre l'auteur et le public, le spectateur se passionne : voilà un écho sonore aux conversations audacieuses des salons, aux propos si montés de ton des cafés et des clubs.

Voilà du théâtre vivant, de quelle vie insolente et hardie ! On s'explique que Beaumarchais ne comprenne rien à la tragédie de son temps, poussiéreuse, surannée, théâtre mort.

Depuis longtemps, c'est dans une autre direction que l'on cherche une forme dramatique nouvelle. Diderot croit l'avoir trouvée avec le drame (Le père de famille, le fils naturel).

L'idée neuve était de peindre les conditions, ce qui pouvait rapprocher le théâtre de la vie et créer des conflits moraux en même temps que ramener la scène tragique au niveau des existences moyennes, lui ôter sa solennité de convention, la rendre plus naturelle.

Mais la faiblesse de la psychologie et le goût de moraliser, l'emphase du ton rendent pour nous ces drames illisibles. Que vaut donc en elle-même l'opinion de Beaumarchais ? S'il veut dire que le public de chaque époque désire se retrouver soi-même au théâtre, avec sa sensibilité, ses conflits moraux, ses grands intérêts collectifs ou privés, ses luttes, ses problèmes, son idéal ou son inquiétude, rien de plus vrai! Aussi ne conçoit-on pas que la tragédie, telle qu'elle fut créée au XVIIe siècle, puisse revivre à notre époque, pas plus qu'on ne pouvait l'empêcher de mourir au XVIIIe siècle. La tragédie du XVIIe siècle, celle de Corneille, de Racine, correspondait dans sa forme à ce goût de majesté, de noblesse qui était celui d'une société aristocratique (quelques concessions aux usages mondains de l'époque ont vieilli : les « Seigneur » et les « Madame », termes de cour et chevilles commodes, ainsi qu'une certaine galanterie dans l'expression).

Mais, dans le fond, les personnages de Corneille et de Racine rejoignaient l'humanité de tous les temps.

Leurs conflits moraux étaient ceux de l'homme éternel.

Leurs passions : amour, jalousie, ambition, leurs grands intérêts supérieurs, les causes sacrées qui suscitent toujours des héros : honneur, patrie, religion, peuvent faire battre les cœurs de tout homme vraiment homme : Rodrigue, Chimène, Horace, Polyeucte, Pauline, Andromaque, Hermione, Phèdre, Athalie vivent d'une vie éternelle. Pour s'être vidée de ces grands sentiments qui ne sont plus que des conventions, des clichés formulés sans conviction, la tragédie du XVIIIe siècle (ce siècle qui eut trop d'esprit pour ce qu'il avait d'âme) ne fut qu'une ferme creuse, « le parfum d'un vase vide ». La révolution sur la scène tragique ne s'opérera qu'au XIXe siècle, quand le romantisme aura infusé à toute notre littérature un sang nouveau.

Mais le romantisme même, si éclatant de couleur et si sonore par le lyrisme de Victor Hugo, manquera aussi ce but essentiel du théâtre : la vie, l'humanité profonde.

Il n'intéresse plus aujourd'hui que par ses qualités de forme, dans quelques œuvres (Hernani, Ruy Blas, les Burgraves). En revanche, la tragédie classique eut un regain de faveur dès le milieu du siècle, grâce en partie au talent de la grande actrice Rachel, incarnant ses plus fameuses héroïnes.

Ainsi les classiques étaient vengés des attaques de Victor Hugo (Préface de Cromwell) et de Stendhal (Racine et Shakespeare) faisant écho aux dédains de Beaumarchais.

Depuis lors, tous ces chefs-d'œuvre ne quittent plus le répertoire de nos scènes et un très large public les goûte et les admire. Aujourd'hui des auteurs très « modernes » (Giraudoux, Anouilh) empruntent le cadre de tragédies antiques (Electre, Antigone) pour y inscrire des « pensers nouveaux ». L'opinion de Beaumarchais le range nettement dans le camp de ces « Modernes » qui ont perdu le sens profond de l'Antiquité et de la tradition classique qui en procède.

Ses vues sont étroites et superficielles.

Sans doute a-t-il senti le besoin d'un renouvellement du théâtre par le contact avec la vie, et son œuvre, dans son genre, le comique, y a merveilleusement réussi.

Il reste que, dans le domaine du tragique dont sa génération était en train de perdre le sens (le temps de « la douceur de vivre! ») et que les événements allaient si tôt lui rendre, Beaumarchais s'est trompé.. »

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