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ÊTRE TOLÉRANT, EST-CE TOUT TOLÉRER ?

Publié le 14/10/2022

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« + ÊTRE TOLÉRANT, EST-CE TOUT TOLÉRER ? La réponse à cette question, est évidemment non, du moins si l’on veut que la tolérance soit une vertu.

Celui qui tolérerait les attentats terroristes, les crimes, les agressions sexuelles, les viols, les violences verbales et physiques, les dégradations volontaires, ne pourrait pas être qualifié d’individu raisonnable et vertueux.

Même si la réponse à cette question ne peut être que négative, ce qui est intéressant ce sont les arguments qui la justifient qui peuvent poser un certain nombre de problèmes. Quelles définitions de la tolérance Venant du latin tolerare et tolerentia : endurer ; supporter ; souffrir patiemment.

Elle désigne la capacité à permettre ce que l’on désapprouve, c’est-à-dire ce que l’on devrait normalement refuser.

Cette attitude apparaît essentiellement négative (tolérance faible) .

Il y a à la fois l’idée d’une acceptation(des choses que je peux tolérer) et celle d’une réprobation (des choses que je ne supporte pas).

Le Dictionnaire Larousse écrit : « Attitude de quelqu’un qui admet chez les autres des manières de penser et de vivre différentes des siennes propres ».

Il définit le verbe « tolérer » : « permettre quelque chose bien que ce ne soit pas conforme au règlement, au statut, à la loi ».

Synonymes de tolérance : compréhension, indulgence, largeur d’esprit, libéralisme, non-discrimination, ouverture d’esprit, respect, mansuétude( tolérance forte ou plus libérale proche de celle des Lumières) .

Tolérance excessive : complaisance, laisser-faire, permissivité, relâchement. L’idée de la tolérance et son évolution L’idée de la tolérance est née dans le contexte des guerres de Religion, celle entre les catholiques et les protestants .

Pour le catholicisme, le protestantisme est hérétique ; mais comme on ne peut pas l’éradiquer sans menacer la paix civile, on se décide de le tolérer.

Ici la tolérance est une forme de condescendance, d’indulgence qu’on ne peut empêcher.

Elle consiste à dire que le catholicisme est une meilleure croyance que le protestantisme.

Il exclut la croyance de l’autre au seul prétexte qu’elle n’est pas conforme à la sienne.

Nous voyons que la tolérance peut ainsi cacher sous un masque de bienveillance une intolérance avérée consistant à refuser à l’autre un droit égal à la liberté de pensée.

Pour Spinoza dès 1670 le fanatisme religieux est un obscurantisme intolérant et il considère que la tolérance n’est pas une vertu morale mais un comportement qu’adopte celui qui est indulgent à l’égard de celui qui a des croyances religieuses différentes qu’il juge méprisable.

Donc pour lui, la tolérance est une passion triste ; elle inspire davantage la pitié que l’amour.

Pierre Bayle, philosophe français, insiste en 1686 sur le fait que toute religion ne devrait pas porter atteinte à notre conscience morale.

Il est hostile à tous les sectarismes et il plaide pour une tolérance civile qui autorise la liberté de conscience.

Il a écrit que les athées doivent également être tolérés parce que leur morale n’est en aucun cas moindre à celle de n’importe quel croyant, et conclue que la morale est indépendante de la religion.

Cette idée est le point de départ de toute morale laïque.

Dans sa Lettre sur la tolérance (1689) le philosophe anglais Locke définit la tolérance comme un respect des opinions et des convictions qui sont comprises comme privées.

L’État ne doit pas s’immiscer dans la sphère privée.

Il doit respecter une neutralité stricte.

Nul ne peut intervenir dans la vie privée d’une personne qui a le droit de penser et d’agir en accord avec sa conscience.

Tout cela n’est, poursuit-il possible qu’à la condition que la personne reste loyale envers le pays.

Il y a une recherche de paix civile.

En même temps, cette conception de la tolérance, rend la conscience maîtresse absolue de la vérité, autrement dit de séparer le vrai du faux.

Or le but de cette liberté n’est pas de penser et de proclamer n’importe quoi mais de rechercher aussi la vérité. C’est ce que Bayle entend dans la liberté de conscience puisqu’il l’associe à la liberté d’expression.

Plus tard, dans le Traité sur la tolérance publié en 1763, Voltaire aussi invite à la tolérance parce qu’elle est un moyen de garantir la paix civile d’une communauté. Chacun peut croire ce qu’il veut à condition qu’il le garde pour lui, tout en se gardant de vouloir l’imposer.

Il prend pour cible le fanatisme religieux.

C’est ainsi qu’on a pu lui faire dire « je ne suis pas d’accord avec ce que vous dîtes, mais je me battrai jusqu’au bout pour que vous puissiez le dire ».

En réalité Voltaire n’a jamais dit cela.

Il dira que l’usage de la force est le propre du « faible ».

Pour Lalande, philosophe français, dans son Dictionnaire encyclopédique publié en 1902, faire preuve de tolérance « ce n’est pas renoncer à ses convictions, ni s’abstenir de les manifester, de les défendre et de les répandre, mais s’interdire tous moyens violents, injurieux et agressifs, en un mot proposer des opinions sans chercher à les imposer ». Comment exercer la tolérance dans une humanité très éclatée ? Aujourd’hui, tolérance demande un effort, en prenant sur soi, pour essayer de se mettre à la place de l’autre, pour éviter que le rapport avec lui ne dégénère en conflit violent.

Elle est perçue davantage comme une vertu positive que comme un pis-aller, c’est-à-dire faute de mieux.

Le champ d’application de la tolérance aujourd’hui est beaucoup plus vaste puisqu’il concerne non seulement la religion, mais aussi la politique et d’une manière générale tous les rapports humains quotidiens. Le problème c’est que notre humanité depuis toujours est éclatée en cultures différentes, en individualités, où s’affrontent les croyances avec leur cortège de violences.

On tue ou on meurt pour des croyances.

Ceci est intolérable, d’où la nécessité de la tolérance, à défaut de pouvoir se respecter, les croyances sont invitées à se tolérer.

Mais les croyances ne sont pas des savoirs ; elles ne peuvent pas donc faire l’unanimité.

C’est un autre problème.

La tolérance c’est d’abord un outil qui permet de trouver une solution aux drames humains générés par le conflit des opinions, de lutter contre une escalade de la violence .

C’est aussi un rempart contre les tragédies de la guerre des uns contre les autres.

Mais dans un contexte où les opinions humaines et les interprétations des faits sont contradictoires, où les crédulités se prennent pour des vérités, où les thèses complotistes se multiplient, la tolérance pourrait être la conséquence d’un certain scepticisme qui suppose que toute valeur et toute vérité sont relatives et incertaines, que tout se vaut, que tout est égal et donc que toute attitude universaliste ne peut être qu’illusoire.

Si tout jugement est suggestif, s’il n’y a pas de vérité, si toutes les opinions se valent et si tout le monde à le droit de les exprimer, alors à quoi servirait-il d’argumenter puisqu’il faudrait tolérer toutes les formes de radicalité et toutes les contre-vérités ? Cette forme de tolérance risque en quelque sorte de noyer la conversation et de la rendre impossible ou de déclencher des disputes terribles, même entre amis, surtout quand les divergences sont trop fortes ou trop éloignées.

La tolérance ne doit pas être la négation de toute démarche scientifique et philosophique.

C’est bien parce que toutes les opinions ne se valent pas qu’il faut impérativement les combattre, ne pas rester indifférent, aussi bien au niveau des sciences (Bachelard) qu’à celui de la philosophie (Socrate) pour tenter de cheminer vers la vérité.

C’est le tribunal de la raison qui doit prévaloir.

Pour Spinoza, le contraire de l’intolérance ce n’est pas la tolérance, mais la compréhension.

La vérité disait Bachelard est fille de discussion et non de sympathie.

Être tolérant ce n’est pas un renoncement à la recherche de la vérité, c’est la recherche du meilleur argument pour pouvoir le confronter à celui des autres.

Or nous avons perdu l’habitude de l’argumentation, du raisonnement, de la logique.

Nul ne peut nier que certaines opinions et que certaines actions font vraiment injure à l’être de raison.

Karl Popper, philosophe autrichien (1959), appelle à lutter contre le relativisme qui est une position selon laquelle on peut tout affirmer ou presque tout au nom du pluralisme des idées. Ce relativisme est selon lui une forme de « tolérance laxiste » Dans la vraie vie, la place des valeurs universelles étant plus restreinte, c’est surtout la pluralité des valeurs qui prédomine, ce sont les guerres de convictions et de croyances qui l’emportent, qui séparent les individus et qui les empêchent de coexister de manière pacifique.

Alors, la tolérance se manifeste comme l’ultime recours.

Elle nous impose de respecter l’autre malgré ce qu’il affirme être ou croire et qui le sépare radicalement de nous-mêmes.

C’est une tolérance difficile parce que c’est la répulsion qu’on rencontre, parce qu’elle nous oblige en quelque sorte à ravaler ce qui nous insupporte, ce qui nous déplaît, ce qui nous dégoûte parfois.

Dans toute discussion on ne peut pas toujours s’en tirer en disant : « à chacun son opinion ! » Mais il faut éviter de confondre les valeurs avec la vérité, le bien avec le vrai.

Si les valeurs propres à chacun de nous permettent de juger ce qui est bien ou mal au nom de quelle vérité pourrait-on vouloir l’imposer aux autres ? Si nous prenons l’exemple de l’avortement, tous les chrétiens penseront que la vie est un don sacré et donc on ne peut pas en disposer ; ceux qui ne partagent pas la foi chrétienne penseront différemment.

Ce qui sépare les deux convictions ce sont des choix de valeurs différents.

Il ne peut donc y avoir conciliation entre ces deux positions.

Elles s’excluent radicalement.

Si nous prenons l’exemple de la peine de mort, plus de la moitié des Français sont favorables à son rétablissement pour certains crimes qui sont de plus en plus mal tolérés et qui considèrent du même coup que la justice est trop laxiste.

Or, l’abolition universelle de la peine de mort , qui est inscrite dans la Constitution française, s’est créée au nom du respect de la dignité humaine.

Certains considèrent que la peine de mort devrait être rétablie pendant que d’autres vont trouver cette pratique cruelle et irréversible, contraire au principe de la dignité humaine, incompatible avec les droits de l’homme.

Ce qui sépare les deux convictions sont ici aussi des choix de valeurs différents.

Si nous prenons l’exemple du port du voile islamique à l’école ou dans l’espace public, certains le tolèrent comme dans la plupart des pays anglo-saxons.... »

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