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Etre libre, est-ce faire ce qui nous plaît ?

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« LIRE LE SUJET Attention aux clichés ! La formule banale qui réduit la liberté à «faire ce qui plaît» doit ici être analysée de façon critique.

On ne peut l'accepter sans un examen attentif 1.

Se sentir libre a) Une «définition» commune • «Pour moi, finalement, je suis libre quand je fais ce qui me plaît» : telle est, très probablement, la «définition» la plus répandue de la liberté, celle qui vient spontanément à l'esprit, avant toute réflexion attentive. • Ce n'est sans doute pas sans raison qu'on croit ainsi définir la liberté.

L'individu ne peut pas librement satisfaire tous ses désirs.

Des contraintes naturelles et des règles sociales limitent ou interdisent leur satisfaction.

Méconnaissant ce qu'il reçoit des autres dans le cadre général des échanges, l'individu peut être surtout sensible à la violence qu'exerce sur son désir la nécessité de vivre en société.

On comprend alors que, comme Calliclès, il s'efforce d'articuler pouvoir et plaisir. b) Calliclès : être fort pour assouvir ses passions • Dans le dialogue intitulé Gorgias, Platon oppose à Socrate le personnage de Calliclès.

Ce dernier pose clairement qu'à ses yeux la fin de l'existence est le plaisir que donne la réalisation de tous les désirs : « Gorgias : Veux-tu savoir ce que sont le beau et le juste selon la nature ? Hé bien, je vais te le dire franchement ! Voici, si on veut vivre comme il faut, on doit laisser aller ses propres passions, si grandes soient-elles, et ne pas les réprimer.

Au contraire, il faut être capable de mettre son courage et son intelligence au service de si grandes passions et de les assouvir avec tout ce qu'elles peuvent désirer.

Seulement, tout le monde n'est pas capable, j'imagine, de vivre comme cela.

C'est pourquoi la masse des gens blâme les hommes qui vivent ainsi, gênée qu'elle est de devoir dissimuler sa propre incapacité à le faire.

La masse déclare donc bien haut que le dérèglement est une vilaine chose.

C'est ainsi qu'elle réduit à l'état d'esclaves les hommes dotés d'une plus forte nature que celle des hommes de la masse ; et ces derniers, qui sont eux-mêmes incapables de se procurer les plaisirs qui les combleraient, font la louange de la tempérance et de la justice à cause du manque de courage de leur âme. Socrate : Mais, tout de même la vie dont tu parles, c'est une vie terrible ![...] En effet, regarde bien si ce que tu veux dire, quand tu parles de ces genres de vie, une vie d'ordre et une vie de dérèglement, ne ressemble pas à la situation suivante.

Suppose qu'il y ait deux hommes qui possèdent, chacun, un grand nombre de tonneaux.

Les tonneaux de l'un sont sains, remplis de vin, de miel, de lait, et cet homme a encore bien d'autres tonneaux, remplis de toutes sortes de choses.

Chaque tonneau est donc plein de ces denrées liquides qui sont rares, difficiles à recueillir et qu'on obtient qu'au terme de maints travaux pénibles.

Mais, au moins, une fois que cet homme a rempli ses tonneaux, il n'a plus à y reverser quoi que ce soit ni à s'occuper d'eux ; au contraire, quand il pense à ses tonneaux, il est tranquille.

L'autre homme, quant à lui, serait aussi capable de se procurer ce genre de denrées, même si elles sont difficiles à recueillir, mais comme ses récipients sont percés et fêlés, il serait forcé de les remplir sans cesse, jour et nuit, en s'infligeant les plus pénibles peines.

Alors, regarde bien, si ces deux hommes représentent chacun une manière de vivre, de laquelle des deux dis-tu qu'elle est la plus heureuse ? Est-ce la vie de l'homme déréglé ou celle de l'homme tempérant ? En te racontant cela, est-ce que je te convaincs d'admettre que la vie tempérante vaut mieux que la vie déréglée ? [...] Gorgias : Tu ne me convaincs pas, Socrate.

Car l'homme dont tu parles, celui qui a fait le plein en lui-même et en ses tonneaux, n'a plus aucun plaisir, il a exactement le type d'existence dont je parlais tout à l'heure : il vit comme une pierre.

S'il a fait le plein, il n'éprouve plus ni joie ni peine.

Au contraire, la vie de plaisirs est celle où on verse et reverse autant qu'on peut dans son tonneau ! » Platon, « Gorgias ». • Autrement dit, lorsque «la facilité de la vie, le dérèglement, la liberté de faire ce qu'on veut, demeurent dans l'impunité, ils font la vertu de le bonheur».

Les hommes qui ont su conquérir le pouvoir «peuvent jouir de leurs biens, sans que personne y fasse obstacle.

Il n'est donc pas question pour d'accepter les contraintes morales ordinaires, de «supporter les lois, les formules et les blâmes de la masse des hommes I.

(id., p.

231) • Celui qui se croit, se dit, s'imagine libre parce que, ou dans la mesure où, il peut obtenir ce qu'il désire, est-il pour autant réellement libre ? La conscience d'être libre implique-t-elle qu'on le soit ? c) «Se sentir libre» n'est pas «être libre» • Nul ne peut contester qu'il soit agréable de faire ce qu'on a envie de faire.

Mais il n'est pas possible d'en déduire qu'on est alors libéré de toute contrainte.

En effet, comme l'explique Spinoza, les hommes s'imaginent qu'ils sont libres, c'est-à-dire attribuent à leur conscience la capacité d'être la cause déterminante de leurs actions, chaque fois qu'ils sont dans l'ignorance des causes réelles qui déterminent leur conscience.

«Les hommes, quand ils disent que telle ou telle action du corps vient de l'âme, qui a un empire sur le corps, ne savent pas ce qu'ils disent et ne font rien d'autre qu'avouer en un langage spécieux leur ignorance de la vraie cause d'une action qui n'excite pas en eux d'étonnement» (Éthique, III, 2, sc., G.F., p.

138). • Nous ne choisissons pas ce qui nous plait ou ce qui nous déplaît : nous constatons en nous que la perception de tel ou tel objet procure ou non du plaisir.

Ne faire que ce qui plaît, ne serait-ce pas renoncer à choisir, être soumis à la logique de désirs et de passions qui sont en nous mais dépendent moins de nous que de notre histoire infantile ou de notre éducation ? Ne serait-ce pas être dirigé par des contraintes intérieures dont nous pouvons n'avoir que très peu conscience ? Calliclès, maître de la Cité, fait ce qui lui plait, mais ne parait pas maître de ses propres passions : dira-t-on qu'il est libre ? 2.

Être libre, est-ce plaisant ? a) Le fardeau de la liberté et la condamnation à la liberté. »

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