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Est-la conscience qui détermine notre vie ou bien l'inverse ?

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« En tant qu'êtres humains conscient de nous-mêmes, capables de choix, nous pouvons, contrairement aux animaux déterminer notre vie, lui donner un sens, une direction.

Cependant notre liberté n'est pas absolue, la conscience ne se meut pas dans une fiction qu'elle construit mais bien dans la vie réelle avec ses lois et ses obstacles.

Dès lors quoique conscients, échappe-t-on vraiment à une détermination vitale ? Notre conscience domine-t-elle réellement les besoins (se nourrir, la libido) et les limites (la fatigue, la mort) que la vie impose ? Quels sont les recours de la conscience devant les conditions restrictives imposées par la vie, comme la maladie ? Un tel recours ne passe t-il pas par une sorte de sublimation des conditions négatives auxquelles la vie nous oblige ? I- La conscience humaine transcende la fonction d'outil au service des besoins vitaux. Chez l'animal le cerveau est un organe au service des impératifs vitaux, des instincts et des besoins.

L'éducation n'existe jamais que dégradée comme conditionnement ou imitation, l'animal est incapable d'accéder à aucune réflexivité. Sa conscience est donc réduite à n'être qu'une fonction d'organisation du rapport au milieu, elle est dominée par les impératifs vitaux. L'homme est capable de s'arracher à cette circularité qui enferme la conscience dans des processus de besoin et d'urgence.

Le cerveau s'il reste parfois au service du corps, est apte à renverser le rapport.

L'homme utilise en effet de son corps à d'autres fins que celles purement vitales : il crée, explore le monde, a une vie sociale.

Le seul fait que l'homme soit le seul « animal » à habiller son corps à avoir conscience de sa nudité montre qu'il entretient un rapport symbolique avec celui-ci, avec sa propre vitalité. Comme le défend Cassirer cette évolution possible chez l'homme correspond à l'accès au monde symbolique : les choses peuvent être désignées, pensées, en leur propre absence par le moyen du langage qui lui-même transcende sa fonction communicative.

Par le symbolique l'homme s'affranchit du règne du seul besoin, il est capable de réflexion et de projets.

La conscience prend son autonomie, nos pensées et nos représentations ne dépendent pas nécessairement de notre situation vitale présente. II- La conscience humaine reste déterminée par la vie. Mais ce serait une illusion de croire que les problèmes posés par la vie deviennent secondaires chez l'homme.

Au contraire la vie est vecteur de soucis constants chez l'homme : le besoin, la sexualité, la mort, la maladie sont autant d'impératifs vitaux que nous pouvons ressentir en tant qu'êtres incarnés.

L'accès au symbolique ne supprime pas notre corporéité. On pourrait même dire que nos activités sont toutes au service d'impératifs vitaux et cela même si nous n'en n'avons pas conscience.

Au fond ne s'agit-il pas toujours, même dans les sociétés développées et à l'abris de la guerre et de la sous-nutrition, d'assurer sa nourriture, de défendre son territoire (la comparaison entre les lois de l'entreprise et de la jungle n'est pas gratuite) et de parader ? Dans un article écrit dans les années 50 Ruyer dit que l'homme ne se réveille jamais vraiment du rêve biologique, de la fascination (au sens où cette détermination est inconsciente) de la vie. La détermination de la conscience par la vie serait donc simplement plus sophistiquée chez l'homme, passant par des voies indirectes.

L'homme serait donc dans un régime de « semi-liberté », qu'il tente par les moyens de la science notamment, d'améliorer toujours davantage ; par exemple en inventant des prothèses de plus en plus efficaces (désormais on travaille sur des prothèses sensitives).

Bref l'homme tente de compléter une vie défaillante grâce à une technologie adaptée.

Mais cette seule préoccupation témoigne encore de l'importance des problèmes liés à la vie. Remarquons encore que notre capacité de réflexion, loin de se défaire du souci de la vie, y trouve le motif de ses interrogations les plus graves, la mort est un thème constant dans l'histoire de la philosophie. III- La conscience peut déterminer la vie. Il arrive néanmoins que le rapport de détermination soit, de façon certaine, inversé.

L'homme, comme Freud l'a souligné (quoique seulement de façon très allusive contrairement à ce que l'on pourrait croire), est capable de sublimation. Il peut canaliser et transformer une énergie vitale, libidinale, en énergie créatrice, dans l'art par exemple.

Plutôt que de s'opposer aux motifs vitaux l'homme les utilise et les met à son profit : d'une force qui le dominait il fait un outil. Dans La structure du comportement Merleau-Ponty thématise cette dialectique existentielle : d'un défaut, d'une limite, d'une maladie, l'homme fait un avantage.

Au lieu d'être soumis aux limites que lui impose la vie il fait de cette limite un thème existentiel en l'investissant de sens.

Il cite l'exemple de Le Greco, celui-ci peignait des corps allongés et certains y voyaient le résultat d'un déterminisme physiologique (l'astygmatie).

Or il faut dire avec Merleau-Ponty qu'à l'inverse « le trouble visuel supposé du Greco a été conquis par lui et si profondément intégré à sa manière de penser et d'être qu'il apparaît enfin comme l'expression nécessaire de son être beaucoup plus que comme une particularité imposée du dehors » (p.219). Mais une telle capacité suppose que l'homme ne se soumette pas à l'idée de normes physiologique en soi : ce qui semble être une diminution physiologique peut être lu comme une ouverture autre sur l'existence et sur le monde. L'homme peut s'emparer d'une détermination vitale, qui pour le sens commun apparaît comme négative, et en faire l'instrument de sa vision du monde.

La vie est dès lors déterminée par la conscience que celle-ci est capable de l'investir d'un sens. Conclusion : L'existence de l'homme ne consiste pas en une pure et simple survie : il est tourné vers des buts qui transcendent la seule urgence vitale.

Cependant ses activités même les plus complexes peuvent être liées et dominées par des déterminations vitales.

C'est seulement dans la sublimation et en particulier avec les arts que la conscience humaine prend le dessus sur la vie et l'utilise, en l'investissant d'un sens.

La vie, par le biais de la corporéité par exemple n'impose dès lors plus ses règles : elle devient un outil, un moyen, pour l'homme, d'accomplir son existence.. »

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