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Est-il satisfaisant de définir l'art comme une forme de langage ?

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« Termes du sujet: LANGAGE : 1) Faculté de parler ou d'utiliser une langue.

2) Tout système de signes, tout système signifiant, toute communication par signes (verbaux ou non verbaux).

Le langage désigne aussi la totalité des langues humaines. Art: 1) A u sens ancien, tout savoir-faire humain, toute pratique produisant un résultat non naturel (artificiel).

2) A u sens esthétique moderne, production ou création d'oeuvres destinées à plaire (beaux-arts), c'est-à-dire à susciter par leur aspect, une appréciation esthétique positive. Oeuvre d'art : ensemble organisé de signes et de matériaux manifestant un idéal de beauté. Si le langage est la faculté humaine de parler, ce terme renvoie aussi, par extension, à tout système de signes ou symboles plus ou moins codé.

Ces systèmes de signes peuvent-ils être créés par l'art ? L'art signifie-t-il nécessairement quelque chose, nous parle-t-il ? Le signe désigne tout ce qui indique ou représente autre chose que lui-même : l'art serait donc de l'ordre du renvoi, il renverrait à autre chose que ce qu'il donne à voir, à entendre, etc.

Il signifierait au sens fort et supposerait de notre part interprétation.

Un langage est un moyen d'expression ; il donne une forme et une existence extérieure à nos pensées, d'où la corrélation étroite, voire indivisible, entre langage et pensée.

Mais il me semble que l'on ne peut se contenter de le définir ainsi : le langage n'est pas qu'un moyen d'expression, il renvoie aussi à l'idée de communication.

Par le langage, nous communiquons, c'est-à-dire que nous entrons en relation avec les autres hommes, nous partageons, nous échangeons, etc.

Peut-être est-ce lié à l'origine des langues qui, selon Bergson par exemple, sont apparues quand l'homme a éprouvé le besoin de dire pour survivre.

Le langage serait alors pauvre puisqu'il ne serait lié qu'à l'utilité, au besoin, à tous les registres de la vie pratique.

Selon Bergson, le langage, par son origine, ne dit pas la singularité des émotions, la particularité de mes sentiments, il ne peut dire mon individualité : il a une structure qui généralise.

Or précisément l'art est bien l'expression de la particularité, ce serait donc un langage à part. Et l'art n'est-il qu'un langage ? Ne recèle-t-il pas une part d'inexplicable, de non communicable, qui serait lié à la sensation (dans l'expérience esthétique) ? Si, pour Kant, le jugement de goût est universel, peut-il participer à un langage (voir la Critique de la faculté de juger) ? Introduction Il n'y a pas de symptôme plus évident d'inintelligence esthétique que la question que l'on entend quelquefois posée en présence d'une oeuvre picturale, poétique ou musicale : « qu'est-ce que ça signifie ? » C ette question de béotien présuppose que l'oeuvre d'art a un contenu qui importe plus que la forme, qu'elle est à « comprendre », qu'elle a donc la structure de renvoi qui caractérise le signe linguistique.

Pourtant l'expression « comme un langage » implique qu'il y a ici analogie, c'est-à-dire une forme transgénérique d'unité entre deux formes de communication qui sont irréductibles l'une à l'autre. I - Les beaux-arts sont un langage. a) Une sculpture de Picasso peut ressembler à une statue africaine mais c'est au prix d'une totale méprise.

L'histoire de l'art aussi bien que la classification des beaux-arts ne sauraient donc être fondées sur des considérations uniquement formelles : elles doivent être rattachées, pour devenir intelligibles, à l'histoire des civilisations dont elles sont la manifestation sensible.

C es formes d'expression trouveront leur vérité dans la langue explicite du concept qui est celle de l'esthétique. b) Parce que les beaux-arts ont été généralement pensés en référence au modèle de la peinture-fenêtre (figurative ou représentative), cette esthétique du contenu a été entièrement ordonnée à la transcendance du signifié et a provoqué une occultation de la matérialité du signifiant. c) Il est donc possible, dans ces conditions, de faire parler les images, de dégager le logos de l'icône.

C 'est ce qu'a fait l'iconologie de Panofsky en rapportant les motifs à la mentalité de base d'une société et d'une époque.

Il n'y a pas en effet d'oeil sauvage, voir c'est toujours savoir et dans l'image tout est déjà histoire et tradition. Mais tous ces discours qui prolifèrent autour des oeuvres pour leur faire rendre sens transforment l'art en un chapitre de l'histoire des idées. II - Question dégoût. a) Le sujet d'une oeuvre d'art offre peu d'intérêt pour l'homme de goût.

Il faut « se rappeler qu'un tableau, - avant d'être un cheval de bataille, une femme nue ou une quelconque anecdote - est essentiellement une surface plane recouverte de couleurs en un certain ordre assemblées » (M.

Denis). b) La recherche du sens est ce qui nous sépare de la vie et nous tient en esclavage.

Quand Proust (La Recherche..., Pléiade, III, 873, 895) parle de cette « minute affranchie de l'ordre du temps » et de la « vraie vie » que la littérature dévoile, il nous fait comprendre qu'il n'y a rien d'autre à « chercher » que ce qui nous est déjà donné ici et maintenant et que l'art seul manifeste : la vie sans promesse ni sens qui est la vie éternelle. c) Mais pourquoi un tableau ne pourrait-il être à la fois un objet de connaissance et de délectation, se donner à lire et à voir ? III - L'analogie.

Les voix du silence. a) La forme n'est pas indifférente au contenu, le signifiant au signifié, on peut donc, en un sens, parler de langage à propos de l'oeuvre d'art et même d'un langage universel qui aurait échappé au châtiment de Babel : ainsi, Chaplin, le mime, avait une audience internationale. Un intérêt de l'analogie art/langage est de nous obliger à repenser la vieille analogie art/nature.

On dit que l'oeuvre d'art est comme un langage pour signifier qu'elle ne vient pas doubler la réalité mais qu'elle est une fiction qui suppose un code, des modes de narration, des effets de style ou de montage... L'artiste ne reproduit pas son modèle, il le signifie ; l'art peut ainsi apparaître comme un système de signes. b) Mais il est clair que le « comme un langage » implique analogie puisque, dans les arts plastiques, la relation entre signifiant et signifié n'étant pas arbitraire, ne peut être analysée.

L'oeuvre d'art serait plutôt analogue à un symbole, qui ne renvoie pas à un sens absent mais qui « donne » ou exhibe de façon sensible un sens qui demeure ouvert à l'interprétation : le génie, faculté des « idées esthétiques » produit des représentations de l'imagination qu'aucun concept ne peut épuiser. c) L'analogie art/langage permet de trouver aussi un fil conducteur pour rendre compte de l'extraordinaire diversité de l'art et notamment de l'art contemporain oscillant entre les deux pôles du sens et du sensible.

Le langage est mot mais aussi geste, mimique et ton ; il y a donc les arts de la parole, les arts de la figure ou arts figuratifs et les arts de la sensation, ceux du langage des affects qui font venir la matière inhumaine du monde dans le son et la couleur (Critique de la faculté de juger, §51). Conclusion Mais si l'art est comme un langage n'est-ce pas parce que le langage est l'art fondamental, non pas une partie de l'art mais le tout de l'art puisque tout art a une dimension poétique ? Sur le modèle du poème, l'oeuvre d'art « fait signe » et son mode de signifier ne peut s'accomplir qu'en créant cette espèce de silence auquel le Beau a toujours répondu.. »

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